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09 / 02 / 2009 | 32 vues
Patricia Mouysset / Membre
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Remise en cause de l’interdiction de l’amiante dans l’UE ?

Dans le cadre des dérogations au règlement européen REACH sur les substances chimiques, la Commission européenne pourrait introduire une dérogation qui permettrait, sans aucune limite de temps définie de continuer à importer de l'amiante dans l'Union européenne, représentant 100 tonnes par an d’amiante importées en UE d’après les propos tenu par Laurent Vogel, directeur du département santé et sécurité de l’institut syndical européen qui parle d’une « menace sanitaire ». La prolongation de cette dérogation constituerait une remise en cause de l'accord politique de 1999 sur l'interdiction de l'amiante en Europe.

Lobby de l'amiante

Mais encore, cette clause de dérogation pourrait permettre la mise sur le marché et l'emploi d'articles contenant de l'amiante à condition qu'ils aient été produits avant 2005…Cela pourrait ouvrir la porte à l’importation de toutes sortes d’équipements contenant de l’amiante car aucune précision n’est donnée. « Le texte ne précise pas les produits visés, donc on va pouvoir mettre sur le marché de l’amiante–ciment ou des plaquettes de freins contenant de l’amiante » s’insurge Henri Pézerat, toxicologue et porte parole de Ban Asbestos France, association pour l’interdiction mondiale de l’amiante.

La dérogation si elle devait être adoptée, n’affecterait pas les pays comme la France, où la législation nationale interdit l’amiante. «Les pays de l’est surtout seraient concernés » estime Laurent Vogel qui dénonce un « lobby de l’amiante » toujours à l’œuvre à Bruxelles. Malgré tout, « La France, l’Espagne, les Pays–Bas devraient monter au créneau contre les dérogations, La commission obtiendra tout de même une majorité sur son texte, mais ce ne sera pas aussi facile qu’elle espérait», confie Laurent Vogel.

Ces deux dérogations ont été présentées aux Etats membres le 17 décembre 2008. La commission s’est effectivement heurtée à l’opposition active de la confédération européenne des syndicats et de plusieurs pays dont la France, l’Espagne et les Pays bas. Néanmoins, La Commission pourrait présenter une nouvelle proposition ce mois-ci. Si les dérogations concernant l'amiante devaient être acceptées par une majorité d'Etats membres, le Parlement européen serait le dernier recours pour empêcher, dans un délai de trois mois, l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Le vote des Etats membres est prévu pour le 19 février 2009. 

L'actuel cadre dérogatoire

Depuis 1996, il est interdit d’importer et d’utiliser de l’amiante en France mais aussi dans l’UE. Cinq exemptions ont été fixées par arrêté du 24/12/96 relatif aux exceptions à l’interdiction de l’amiante.

En 1998, il s’agissait :

  • des dispositifs d’isolation thermique utilisés en milieu industriel, ainsi que dans les missiles, permettant de faire face à des températures supérieure à 1000°C;
  • des joints et garnitures d’étanchéité utilisés dans des processus industriels quand deux des risques suivants sont combinés : feu, corrosion et toxicité;
  • des garnitures de frictions (freins) pour les avions et les véhicules militaires de plus de 3,5t, compresseurs et pompes à vides à palettes;
  • les diaphragmes utilisés pour la production de chlore;
  • la production d’oxygène dans les sous marins nucléaires.


Ces dérogations ont été toutes limitées dans le temps et au plus admises jusqu’au 01/01/02 afin que les industriels puissent trouver la meilleure solution de substitution à l’amiante.

En 1999, l’UE a décidée d’interdire l’amiante, définitivement à partir de 2005, dans sa production, mise sur le marché et importation dans UE.

Malgré tout, une exception a été accordée pour «les diaphragmes de cellules d’électrolyse » permettant de produire du chlore, jusqu’en 2008. Les arguments utilisés à l’époque furent que ces diaphragmes constitués d’amiante n’avaient pas alors d’alternative techniquement et économiquement équivalente et qu’il fallait donner le temps aux entreprises chimiques qui utilisent ces cellules d’électrolyse de mettre ou faire mettre au point des alternatives.

Aujourd’hui, les alternatives existent partout à quelques exceptions près, elles sont économiquement et techniquement équivalentes, elles présentent les mêmes garanties de sécurité et ne consomment pas plus d’énergie que les cellules avec diaphragme amianté.

  • Seules les entreprises Solvay, Dow Chemical et Zachem continuent toujours à utiliser des diaphragmes à l’amiante, et ce uniquement dans leurs usines allemandes et polonaises. Toutes les autres entreprises européennes du secteur du chlore se sont adaptées et travaillent désormais sans amiante.

Et pendant ce temps là

Autre information, les pays signataires de la convention de Rotterdam n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’ajout de l’amiante chrysotile à la liste des produits dangereux PIC. En effet, les 120 pays signataires de la convention réunis en octobre dernier à Rome, devaient décider de l’ajout de deux pesticides et de l’amiante chrysotile à la liste de procédure de consentement préalable en connaissance de cause (PIC) sur laquelle figurent déjà 39 produits dangereux. En clair, cela signifie que leur exportation n’est pas interdite par la procédure PIC de la convention mais que les pays signataires exportant les produits en questions doivent prévenir les importateurs des risques liés à leur utilisation. Il faut préciser que l’amiante chrysotile est la forme la plus répandue de ce produit et représente plus de 90% de la forme d’amiante produite. Les plus grands pays producteurs (données 2004) sont la Russie (39%), la chine (16%), le Kazakhstan (15%), le canada (9%), le Brésil (9%) et enfin le Zimbabwe (7%).

Le Canada aurait réussi à pousser ses principaux clients (l'Inde, le Pakistan, les Philippines et le Vietnam) à s'opposer à l'inclusion de ce produit dans la liste PIC, selon le député canadien Pat Martin, connu pour son combat contre l'amiante…L’OMS avait pourtant précisé lors de cette réunion qu’il n’existait pas de seuil de concentration connu en dessous duquel les poussières d’amiante, quel que soit leur type, ne pouvaient pas induire un risque de cancer.

L’avenir est noir :
  • Au Japon, les coûts liés à l’utilisation de l’amiante représentent 27 milliards de yen et il est attendu une élévation de mésothéliome pleural 50fois plus important dans les 40 prochaines années par rapport au chiffre de 1990.
  • Chaque année officiellement, 3500 personnes meurent d’un cancer lié à l’amiante au royaume Uni.
  • 10 000 décès sont attendus chaque année aux USA.
  • D’ici 2023, les épidémiologistes australiens attendent plus de 45 000 décès dus à un cancer lié à l’amiante.
  • En Suède malgré l’interdiction de l’amiante depuis 30 ans le nombre de décès liés à l’amiante est 2 à 3 fois plus élevé que celui des décès dus aux accidents de travail.
  • En France, le professeur Marcel Goldberg a dressé les perspectives accablantes de l'évolution du nombre de décès liés à l'amiante : « Deux études ont été réalisées à ce sujet. Leurs conclusions convergent sur les mêmes analyses. Nous attendons entre 50.000 et 100.000 décès par cancer en France durant les vingt prochaines années, dont les deux tiers seront causés par un cancer du poumon et le troisième tiers par les mésothéliomes pleuraux. Ces prévisions sont malheureusement inéluctables, à moins que survienne, entre temps, un progrès thérapeutique. Quoi qu'il en soit, le nombre de cas de cancers survenant jusqu'en 2025-2030 est fixé »…

Plus nous attendons pour bannir l’utilisation de l’amiante dans le monde plus les impacts sanitaire et social et économique seront catastrophiques. Le coût que représente la prise en charge médicale et d’indemnisation de ces maladies n’iront qu’en progressant et met de plus en plus les systèmes de réparation en difficulté et ont réduit certaines entreprises à l’insolvabilité. Mais encore, à cela viendront s’ajouter, si l’amiante n’est pas interdit, tôt ou tard des coûts de plus en plus élevés les frais de retrait, d’élimination et de traitement des déchets d’amiante.

Aussi face à cette menace, il faut que nous nous mobilisions tous pour premièrement empêcher de faire machine arrière en Europe et laisser l’interdiction se faire grignoter. Selon l'Organisation internationale du travail, 100.000 personnes meurent chaque année, dans le monde, du fait de l'amiante… Il me semble utile de sensibiliser. Prochainement, il y aura des élections pour le Parlement Européen: pourquoi pas ne pas interpeler les différentes formations politiques sur cette question et, plus largement, sur les thèmes centraux de santé au travail…

 

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Je lit cet article le lendemain de l'enterrement d'un ancien collègue (un de plus) qui ayant au cours de sa carrière a été comme beaucoup d'entre nous mis en contact avec l'amiante. Il à longuement séjourné a Orly et Jussieu ............

Ce n'est pas du lobbying c'est une entreprise d'assassinat collectif !

JP