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30 / 10 / 2008 | 29 vues
Eric Yahia / Membre
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Le tribunal ne reconnaît pas l’Unité Economique et Sociale de SAP France et de ses filiales

En janvier 2008 SAP s’offre Business Objects (BO) au travers de sa filiale SAP France, recapitalisée pour l’occasion de quelques milliards d’euros. Depuis, la communication du Groupe SAP ne tarit pas d’auto satisfecit en matière d’intégration des sociétés. Mais le Tribunal d’Instance de Puteaux dit le contraire dans son jugement du 14 octobre 2008 où il dénie toute reconnaissance d’unité économique et sociale des filiales SAP en France. Alors qui croire ? Et si la réalité était plus complexe…

Rassurer sur l’OPA

 

La DRH France devient commune entre les deux sociétés. Le 3 mars 2008, le Président du Directoire du groupe SAP, Henning Kagermann en personne rassure dans le Figaro ; « Pas de plan social chez BO … Nous allons prouver que nous sommes capables de réussir l’intégration de BO. Les synergies vont apparaître dès 2008 ».

Depuis en interne quelques équipes commerciales sont fusionnées (opérationnellement). Les comités d’entreprise des deux sociétés traitent des mêmes sujets de réorganisation. La DRH France devient commune entre les deux sociétés. L’intégration économique s’accompagne d’une promesse en mars 2008 d’harmonisation sociale, promesse faite par le DG de BO également membre du Directoire du groupe SAP.

Faire évoluer les tarifs de maintenance


A peu près au même moment, le groupe SAP fait part à ses clients des évolutions de tarifs de maintenance (support SAP et BO). Le 17 avril 2008 deux directeurs de SAP France et le Directeur Général de SAP Labs France (Sophia-Antipolis) en charge de l’AGS en France (Active Global Support = la maintenance) rencontrent des membres du club USF (Utilisateurs de SAP en France). Ces dirigeants SAP ont présenté la politique et la synergie des offres SAP (solutions, équipes transverses…) qui accompagne ces évolutions de tarifs.

Et si on n’oubliait pas les salariés ?

Cela évitera ainsi aux salariés d’entendre sur le même sujet des partitions différentes, selon qu’ils dépendent d’un Comité d’Entreprise ou d’un autre.
Comme d’habitude, l’Economique progresse et oublie le Social ! Aussi pour faire avancer socialement « le schmilblick », la CGT envisage, en mai 2008, de désigner un Délégué Syndical Central sur le périmètre de toutes les filiales SAP en France : SAP France, Business Objects et SAP Labs France. L’objectif ? Permettre aux salariés ou futurs salariés de ces filiales de disposer d’une représentation centrale du personnel (CCE, délégués centraux etc.). Cela évitera ainsi aux salariés d’entendre sur le même sujet des partitions différentes, selon qu’ils dépendent d’un Comité d’Entreprise ou d’un autre.

Double Langage


Début juin 2008, suite à la demande de la CGT, la Direction accepte de négocier l’éventualité d’une UES, mais elle renvoie à une première réunion de négociation… le 12 septembre, la filiale SAP Labs France n’y étant pas conviée. La CGT décide donc de nommer, un DSC pour toutes les filiales SAP en France. Ceci déclenche la contestation « unanime » des dirigeants de SAP. Comme à l’accoutumée, ils accusent la CGT de tous les maux et la convoquent devant les tribunaux.

  • Attendus du jugement du 14 octobre 2008 : « Il ressort  des éléments fournis  et des explications  que les pouvoirs de directions ne peuvent se déduire des extraits de K bis communiqués, les dirigeants étant tous différents…L’intervention d’un dirigeant d’une société auprès d’une autre est concevable sans impliquer de concentration de pouvoir…Les entreprises traitent de la technique informatique mais ont des champs de compétence différents…Il n’est pas  justifié de la similitude des statuts sociaux et des conditions de travail ».

Ce jugement repose sur l’argumentaire des sociétés SAP et BO clamant haut et fort au tribunal: « La société BO S.A. est encore culturellement différente des autres entreprises du groupe SAP et les avantages sociaux ne sont pas harmonisés » disent les avocats de SAP et BO.

Mais alors, que penser des déclarations publiques parues dans la presse ?

Le 20 juillet 2008, Pascal Rialland Directeur de SAP France répond au journaliste Pierre Mangin (Silicon.fr) : « Les offres conjointes BO + SAP commencent à marquer des points: signature de "contrats joints avec le groupe Total, avec les laboratoires IPSEN… [Il]  souligne également que l’intégration de BO (Business Objects) se passe bien. Les effectifs sont progressivement regroupés par métiers (vente, marketing, gestion-finances...) sur trois sites principaux: Levallois-Perret, La Défense et Paris ».

Le 20 août 2008 "L'intégration se fait plus rapidement que prévu", dit dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, John Schwarz, patron de Business Objects, devenu membre du directoire de SAP.

Même le 29 septembre 2008, John Schwarz  précise dans le Figaro : « SAP digère le rachat de Business Objects ... l’intégration se passe avec une étonnante facilité. Les cultures d’entreprise ne sont pas aussi différentes que l’on pourrait l’imaginer ».

Angoisse managériale ?

Il est hors de question que des représentants du personnel, au niveau interentreprises, viennent mettre leur nez dans ces histoires.


La Direction semble dépassée par la situation. Elle réagit précipitamment pour éviter la mise en place d’une représentation salariale qu’il faudrait « consulter » avant d’agir.

Certes, la Direction n’a besoin de personne pour commettre des erreurs : décision d’implantations luxueuses et coûteuses, déménagement de près de 1 000 personnes aux périodes cruciales de fin d’année, organisations et réorganisations selon le principe bien connu …du balancier?

C’est pourquoi il est hors de question que des représentants du personnel, au niveau interentreprises, viennent mettre leur nez dans ces histoires, avec leur niveau de qualification ils pourraient déstabiliser la direction (Oui ! chez SAP, le niveau de qualification des représentants des salariés n’a pas à rougir devant celui des dirigeants…).

Le jugement du tribunal de Puteaux semble le bienvenu pour la Direction SAP : pas d’UES, pas de consultations interentreprises.Salariés soyez constructifs, exécutez et taisez vous !

Comment démêler le vrai du faux dans le double langage de la Direction ?


Le Faux :


Il est faux de faire croire à un juge que SAP, société fortement centralisée, n’a pas d’unité de direction et que celle-ci ne s’effectue pas au niveau du « Board » de la société mère. Le contraire serait inquiétant pour les actionnaires.

Il est également faux de laisser croire au « Marché » que l’intégration ne pose pas de sérieux problèmes. En France ; la gestion des implantations de bureaux est un sérieux casse-tête aggravé par le choix récent de bureaux en plein Paris. La notion de « One village » (3 sites éclatant les équipes des 3 entreprises entre Levallois, La Défense et Paris) fait sourire amèrement les salariés. Les conditions de travail se détériorent.

Le Vrai :

En France l’harmonisation sociale est loin d’être réalisée. Les salariés perçoivent mal ce que l’intégration va donner; de nombreux départs spontanés en résultent.

En cette période où le « Board » évolue vers une américanisation des dirigeants, il est difficile pour les représentants du personnel de savoir qui mène vraiment la barque. Car les véritables décideurs ne se montrent pas. Ils envoient auprès des comités d’entreprise des exécutants-écrans qui ont bien du mal à expliquer rationnellement les décisions prises.

Même si les salariés de SAP France, BO et SAP Labs France constatent qu’ils sont logés à la même enseigne (objectifs commerciaux communs, équipes transverses, implantations communes), l’avenir professionnel et social est loin d’être clair, sans prendre en compte la crise…

L’Unité Economique et Sociale : plateforme d’intégration sociale.


La mise en œuvre rapide d’une Unité Economique et Sociale en France pourrait être bénéfique pour l’Entreprise SAP ; autant pour ses salariés que pour ses dirigeants. Elle pourrait être la « plateforme sociale » qui pourrait clarifier, simplifier et résoudre bon nombre de problèmes d’intégration. Elle conduirait les dirigeants à plus de concertation sociale et moins de décisions autocratiques : une évolution « culturelle » qui ne semble malheureusement pas dans l’air du temps avec l’américanisation de la société mère.

Article rédigé avec David Babut, DS CGT chez Business Object

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