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04 / 07 / 2017 | 5 vues
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Métaux précieux : palladium, décollage imminent ?

Sans doute le moins connu des métaux précieux, le palladium poursuit en toute discrétion un parcours impressionnant : +50 % sur un an et déjà +23,40 % depuis le début de l’année (performances au 9 juin 2017). Pourtant, ce mouvement pourrait n’en être qu’à ses débuts et le palladium receler encore un très fort potentiel d’appréciation.


Source : Bloomberg, première échéance du contrat à terme chaînée

Produit essentiellement par l’Afrique du Sud et la Russie, qui représentent à eux deux 75 % de la production mondiale, ce métal sera en 2017 en déficit de production pour la sixième année consécutive, avec une consommation 25 tonnes supérieure à la production mondiale (207 tonnes attendues en 2017). En cause, la forte augmentation de la demande de ce métal pour sa principale utilisation : la fabrication de pots catalytiques pour les véhicules à essence.

Mais l’existence de stocks a permis de gérer la situation...

Ceci n’est pas un problème en soi car le palladium est une matière de stock, ce qui signifie que sa consommation n’entraîne pas sa destruction, contrairement aux matières de consommation comme le pétrole. Aussi, en cas de tension sur l’approvisionnement, est-il possible de mobiliser une partie des stocks existants et de procéder au recyclage du métal récupéré ?

... notamment les stocks russes assurent l’équilibre mondial depuis la fin de la guerre froide.

Toutefois, pour ce faire, il faut qu’il y ait des stocks disponibles. Il semble que ceux-ci soient en train de se réduire à vitesse grand V. Pendant plusieurs années, le marché s’est équilibré grâce aux stocks russes constitués par le Gokhran, fonds souverain chargé de la gestion des matières précieuses en Russie. Historiquement, il semble que la Russie ait constitué des gros stocks de ce métal dans les années de guerre froide, avec l’idée que le palladium pourrait être utile pour mener à bien les projets de fusion à froid. Une fois le mur de Berlin tombé et les rêves de fusion à froid « reportés », le gouvernement russe a autorisé la vente des stocks de palladium.

Mais il semble aujourd’hui que ces stocks soient à sec.

Même si les informations sur le niveau de ces stocks ne filtrent pas, le fonds russe a annoncé fin 2014 qu’il allait à nouveau se porter acquéreur de palladium, laissant supposer que ses stocks arrivaient à leur terme (lire ici). Le marché a depuis trouvé une nouvelle source d’approvisionnement dans les ETF, dont les détentions ont été divisées par 2 en quelques mois. Au niveau de déficit actuel, même si la totalité des détenteurs d’ETF décidaient de vendre leurs positions, les stocks ne permettraient de couvrir les déficits que pour 2 ans et demis.

Lorsque les stocks diminuent, il est souvent nécessaire que le prix augmente afin de mobiliser de nouvelles ressources. C’est sans aucun doute ce qu’il se passe depuis quelques mois. Mais à présent, de nouveaux signes de tensions laissent penser qu’une véritable tension existe sur l’approvisionnement physique de ce métal et pourrait être la cause d’une nouvelle flambée des prix.

Le taux de rémunération des prêts de palladium (PAFO) laisse aujourd’hui craindre une tension sur le marché physique.

Deux indicateurs retiennent particulièrement l’attention. D’abord, le palladium forward offered rate (PAFO), qui est l’écart entre le taux auquel un investisseur peut prêter le métal et le taux d’intérêt de référence à court terme (LIBOR). En temps normal et si le marché est bien approvisionné, ce taux n’a pas de raison d’être négatif, c’est-à-dire qu’il est moins rémunérateur de prêter le précieux métal que de placer son argent à court terme. Toutefois, lorsque la matière première vient à manquer, la rémunération offerte pour un prêt de palladium augmente et le PAFO passe alors en territoire négatif. Cela s’est déjà produit en fin d’année dernière au mois de novembre, lorsque ce taux avait atteint son niveau le plus important depuis près de dix ans. Mais, après une normalisation dans les premiers mois de 2017, le PAFO vient de connaître une nouvelle accélération. Il culminait ainsi à 30 % le 9 juin.

Ces phases s’accompagnent de fortes hausses des cours.

Rappelons qu’au mois de novembre, lorsque le PAFO avait connu sa première pointe à -2,5 %, le palladium s’était apprécié de plus de 25 %. Le métal a déjà pris près de 5 % depuis le début du mois de juin (performances arrêtées au 9 juin).

La structure de prix à terme est également un indicateur de tension sur le marché physique.

Un autre élément symbolise bien la tension existant sur le marché physique du palladium : la structure de prix à terme. En temps normal, afin qu’il n’y ait pas d’arbitrage possible, le prix d’une matière première est plus cher à terme qu’au comptant. Cela correspond au fait qu’un acheteur au comptant devra payer les coûts de stockage de la marchandise. Le prix à terme est donc égal au prix comptant majoré des coûts de stockage, ce qui rend les deux opérations équivalentes financièrement (à noter qu’entre également en compte une composante liée au portage financier, que nous ne développons pas ici pour plus de clarté).

Elle vient de passer en « backwardation », situation correspondant à une crainte de pénurie...

Toutefois, dans certains cas, si une matière première devient difficile à trouver, certains acheteurs sont prêts à payer la marchandise plus cher au comptant afin d’être sûrs de pouvoir s’approvisionner. Le prix à terme est alors moins cher que le prix au comptant. Cela revient à rémunérer l’acheteur qui accepte de reporter son achat à plus tard en acceptant de lui vendre la marchandise moins cher s’il est prêt à attendre pour se la procurer. On parle alors de marché en « backwardation ». Plus on s’éloigne dans le temps, plus le prix de la matière première baisse. On mesure l’importance de ce phénomène en calculant l’écart entre deux échéances, appelé « spread ».

... déjà rencontrée sur ce marché à la fin des années 1990...

Sur le marché des métaux précieux, étant donné l’existence de stocks mobilisables constitués par le métal déjà vendu pouvant être recyclable, cette situation est relativement rare. Sur le palladium, ce phénomène de spread positif ne s’est pratiquement jamais produit, hormis à la fin des années 1990 lorsque les livraisons russes ont été perturbées et ont déstabilisé le marché. À l’époque, entre 1997 et 2000, le palladium avait multiplié ses cours par 5.

... et rapporte désormais 2 % aux investisseurs à terme.

Or, depuis un mois, on observe une tension sur le spread de plus en plus importante. Celui-ci offre à présent (au 9 juin) un rendement de plus de 2 % à l’investisseur qui accepte de reporter son achat jusqu’à l’échéance suivante (voir graphique ci-dessous).

Si le phénomène se confirme, le palladium n’a pas fini de monter...

L’avenir nous dira si cette situation est conjoncturelle ou s’il s’agit d’un changement structurel. Toutefois, la répétition de ce phénomène rarissime à quelques mois d’intervalle (novembre 2016 et aujourd’hui) peut laisser penser qu’une tension est bel et bien en train de se confirmer sur le marché physique. Si ce phénomène devait se confirmer, le palladium n’aurait sans doute pas fini de monter…

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