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24 / 05 / 2017 | 10 vues
Stéphanie Ladel / Membre
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Les travailleurs sociaux : des béni-oui-oui ?

 
Une fois n'est pas coutume, cet article est un billet d'humeur. J'ai été effarée en découvrant mi-mars que le Haut Conseil en travail social nous tirait une balle dans le pied en rédigeant la première définition française du travail social et en ratant alors superbement l'occasion de le nommer discipline, comme l'ont fait l'IFSW et l'IASSW (Fédération internationale du travail social et Association internationale des écoles de service social).

Cette définition vise à être retranscrite dans la loi, ce qui vient d'être fait par le décret du 6 mai 2017.
 
Or, ne pas signifier que le travail social est une discipline, c'est acter que ce n'en est pas une.
 
Merci d'être à contre-courant de cette reconnaissance internationale. Nous voilà donc toujours contraints de nous restreindre à un bac+3 pour rester en contact avec les gens, les diplômes supérieurs en travail social étant encore et toujours des diplômes de management et de coordination. Toujours rien pour la recherche.

Très vite après, à l'occasion de la journée mondiale du travail social (le 21 mars), Ségolène Neuville a enfoncé le clou quant au travail social en France en annonçant l'arrêté qui a été signé une semaine plus tard et qui indique que les 5 diplômes d'État à bac+3 obtenus après un cursus débuté en 2018 seront classés en niveau II.

Pas de quoi féliciter les promos 2021 et suivantes pour cette reconnaissance, puisqu'il est assez logique d'avoir un niveau licence pour un bac+3, non ? Apparemment pas assez logique nous concernant, diplômés depuis des années ou des décennies après 3 éprouvantes années d'études supérieures également...
  
C'est presque normal, hélas. Nous nous sommes à peine plaints. Bien avant le RAID, nous avions adopté la devise « servir sans faillir ». Quelques grèvounettes, de temps en temps, pour rouspéter contre notre maltraitance, puis nous retournions aider ceux qui nous attendaient...
 
C'est en partie dû au fait que nous ne sommes que des bonnes femmes pleines de bonnes intentions envers autrui, qui s'oublient et qui peuvent se faire oublier par la même occasion
 C'est en partie dû au fait que nous ne sommes que des bonnes femmes pleines de bonnes intentions envers autrui, qui s'oublient et qui peuvent se faire oublier par la même occasion.
 

Je partage l'analyse de Séverine dans Sexe, travail social et temps partiel : pour ce qui est des assistants sociaux du moins, il y a fort à parier que c'est en partie dû au fait que nous ne sommes que des bonnes femmes pleines de bonnes intentions envers autrui, qui s'oublient et qui peuvent se faire oublier par la même occasion.


Sauf que pendant le world day of social work (la journée mondiale du travail social), je n'étais pas en France mais en Suisse, plus exactement à Genève et plus exactement à l'ONU. Moi qui n'ai jamais prétendu ni plus ni moins que mon bac+3 (enfin, bac+4, puisque je suis également diplômée inter-universitaire en addictologie), donc moi qui n'ai jamais prétendu ni plus ni moins que ce que j'avais, j'y ai cotoyé des représentants de l'ONU et des travailleurs sociaux de nombreux autres pays. Vous savez quoi ? À Genève, loin de l'annonce française, j'ai passé une excellente journée...
 
J'y ai notamment appris qu'en Arménie, en deux coups de cuillère à pot, les travailleurs sociaux ont émergé comme une profession nécessaire, et reconnue honnêtement.

En Suisse, le travail social est considéré discipline académique depuis 2013. Les recherches en travail social sont lancées et l'ONU prend au sérieux cette approche méthodologique. Comme cette considération fait du bien ! J'ose dire que c'est une considération méritée, parce que le travail social a une puissance que l'on oublierait presque, à baigner dans son marasme français...
 
C'est aussi parce que nous ne produisons pas d'écrit sur notre discipline que nous ne faisons pas d'études sur son efficacité et que nous sommes déconsidérés.
Ce n'est évidemment pas une histoire de rémunération qui me frustre. Ce qui me frustre, c'est que nous passons pour de gentilles bobonnes. Nous écrivons peu sur nos pratiques, sur notre discipline, nous intervenons peu sous les feux des projecteurs, nous ne réclamons pas d'accéder à un master et à un doctorat en travail social, de faire des recherches et de prouver l'efficacité de nos interventions.

Il me semble que c'est aussi parce que nous ne produisons pas d'écrit sur notre discipline que nous ne faisons pas d'études sur son efficacité et que nous sommes déconsidérés.
 
En tant qu'assistante sociale, je trouve que nous avons trop gentiment glissé des visiteuses médicales à notre pratique actuelle. Parmi nous, des professionnels exercent en libéral, ce qui est mon cas. Je pense que cette pratique participe à ériger nos professions à un rang digne de considération. 

Pour exprimer clairement ma pensée : ce rang digne de considération, c'est le moins que l'on puisse attendre de notre gouvernement, à qui l'on rend un service immense, alors que l'on sert les individus, les familles, les groupes et, trop peu souvent en France, les communautés. J'ai bien dit un service immense. 

Voyez la pression sociale d'une grève d'éboueurs. Imaginez alors la pression sociale d'une vraie bonne grève des travailleurs sociaux. Je souhaite bien du courage à nos politiciens pour enrayer les mouvements que cela engendrerait...

 

Conclusion intermédiaire

Cette première conclusion, qui ne sera pas mon dernier mot, s'adresse aux travailleurs sociaux ainsi qu'aux futurs travailleurs sociaux et à ceux qui auront l'intelligence de comprendre que ce message s'adresse aussi indirectement à eux :
  • Collègues, confrères, consoeurs, arrêtons de dire merci quand on nous considère comme des quasi-SMICards, qui nous occupons des autres avec plein de bonnes intentions, non régies par une approche spécifique.
  • Produisons des écrits et, tant qu'on en est là, rattachons-nous, par exemple par un bachelor international ou par des études à l'étranger, au reste du monde qui, sans commune mesure avec la France, a de l'estime pour notre travail.
  • Convainquons de la nécessité de notre inclusion dans bien des champs d'action ou nous sommes encore sous-investis ou non-investis.
  • Au fur et à mesure de notre sortie de l'ombre de l'humilité maladive, réclamons non seulement notre juste place, mais aussi et surtout notre juste considération, à notre juste valeur.

Je suis bien entendu disponible pour échanger à ce sujet.

Stéphanie Ladel
06.49.84.07.53
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