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18 / 12 / 2018 | 11 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Les prud’hommes de Troyes invalident le barème issu des ordonnances Macron

Pour la première fois, un conseil des prud’hommes invalide le barème d’indemnité prévu par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a estimé que ce dispositif n’était pas conforme en s’appuyant sur la charte sociale européenne de 1996 et la convention 158 de l’OIT.

La journaliste Nadia Djabali a fait le point sur cette décion d'importance pour la revue FO Hebdo.  
Connaissez-vous le mot « inconventionnalité » ?

Appliqué à une loi, cela signifie qu’elle viole une convention internationale ou un traité. Ce terme a été utilisé par le conseil des prud’hommes de Troyes lorsqu’il a censuré le barème d’indemnités de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017.

Le conseil a été saisi par un salarié souhaitant requalifier son licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Hélène Melmi, son avocate, en développant l’argumentaire du Syndicat des avocats de France, a également fait valoir que les barèmes introduits par la réforme du Code du travail était contraire à la convention 158 de l’OIT.

Le conseil lui a donné raison le 13 décembre 2018. Il a estimé que le barème violait non seulement la convention 158 de l’OIT mais également la charte sociale européenne de 1996. Notons que le jugement implique qu’au moins l'un des deux conseillers employeurs a dû se rallier à cette conviction.

Exercice effectif du droit à la protection

L’article 24 de la charte sociale européenne stipule qu’en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une répartition appropriée.

Par ailleurs, la France a ratifié la convention 158 de l’OIT. Son article 10 stipule que, si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si compte tenu de la législation et de la pratique nationale ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible, dans les circonstances, d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou tout autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Un barème en faveur des fautifs

Les conseillers prud’homaux ont estimé que l’introduction dans le Code du travail d’un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales ne permettait pas au juge d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi.

Ils ont ajouté que ces barèmes ne permettent pas non plus d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier un salarié sans cause réelle et sérieuse. Ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables.

Une plainte à l’OIT et une réclamation à la CEDS

Ce jugement va dans le sens de FO qui appelle à combattre le plafonnement des indemnités prud’homales devant les prétoires.

Pour l'organisation syndicale, l’ordonnance Macron, en ce qu’elle plafonne la réparation du préjudice liée à la privation de l’emploi en fonction de critères sans lien avec le préjudice, porte atteinte à l’exigence d’une réparation « appropriée » ou « d’une indemnité adéquate » telle que protégée conventionnellement par l’article 10 de la convention 158 de l’OIT et l’article 24 de la charte sociale européenne.

La confédération FO a donc déposé une plainte à l’OIT en 2017, au titre de la convention 158. Elle a également déposé une réclamation devant le Comité européen des droits sociaux (CEDS) en mars 2018 pour violation de l’article 24 de la charte sociale européenne. Elle demande au CEDS de dire que le barème mis en place par l’ordonnance du 22 septembre 2017 est contraire à l’article 24 de la charte sociale européenne révisée. Cette réclamation a été jugée recevable le 11 septembre dernier.

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