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31 / 03 / 2015 | 6 vues
Didier Cozin / Membre
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Le premier anniversaire de la réforme ratée de la formation (1ère partie)

La réforme de la formation (et son problématique compte personnel de formation) est entrée en vigueur en janvier 2015. Cette nouvelle règlementation est déjà dans l'impasse.

Le défi est terrible pour le monde du travail et notre pays : alors que la crise économique perdure depuis 2008, que depuis 2012 près de 600 000 personnes ont perdu leur emploi le Ministère du Travail en est réduit à trouver des excuses à une courbe du chômage qui refuse de s'inverser tout en promouvant un complexe et dérisoire compteur d'heures de formation.

Le CPF, un gadget qui ne servira à rien

Même si le CPF atteignait le chiffre mirobolant de 20 000 personnes en formation par an ce serait un échec car les formations qualifiantes qui sont visées ne serviraient guère les travailleurs.

Même simplifié ou ré-écrit le CPF sera un échec car il répond à des questions qui ne se posent plus aux travailleurs aujourd'hui : comment acquérir une certification et pourquoi progresser d’un « niveau de qualification » ?

Le CIF, un dispositif dix fois plus confortable que le CPF mais qui était pourtant peu demandé...

Par quel miracle un dispositif instable et non financé comme l'est le CPF pourrait-il rencontrer un moindre succès ?

Si 0,2 % des salariés se forment tous les ans via un congé individuel de formation et si la VAE plafonne depuis 15 ans, ce n'est pas parce que le peuple manquerait d'ambition mais bien parce que les travailleurs et les employeurs n'ont pour la plupart que faire de parchemins dévalorisés ou inadaptés au travail.

La formation, via la réforme de 2014, est une réponse nostalgique à un concept dépassé (une icône éducative des Trente Glorieuses) : la qualification.

La société industrielle avait besoin de travailleurs interchangeables et obéissants, requérant des apprentissages standards pour occuper des postes de travail fixes, stables et facilement répertoriables (via des référentiels).

Ce modèle a aussi été celui ayant prévalu durant un siècle dans l’enseignement public en Europe (Jules Ferry en France) :  un programme certifié par une autorité académique, un enseignant (instituteur ou formateur) labellisé  et installé par l’État dans des locaux construits et entretenus par l’autorité publique.

Le travail nécessite aujourd'hui d'inventer et d'innover, plus de suivre des parcours académiques ou des consignes démodées.

Comme le fait remarquer Salman Khan dans L’Expansion (numéro d'avril 2015) : « le vieux modèle de la salle de classe qui repose sur une façon d’apprendre totalement passive (...) ne correspond plus à nos besoins (...) Le but n’était pas de développer des esprits critiques mais de former des citoyens (des travailleurs) loyaux et malléables. Aujourd’hui, les États n’ont plus besoin d’une classe ouvrière docile et disciplinée sachant tout juste lire, écrire et compter (...) Le monde aujourd’hui a besoin d’esprits créatifs, imaginatifs, de citoyens capables  d’inventer des techniques nouvelles et de s’adapter à des environnements qui changent en permanence. Or, c’est justement ce genre d’individus que le modèle scolaire réprime le plus ».

Partant d'une idée simple, l'État n'a été capable que de batir un compteur monstrueux et inutilisable.

De ce modeste et simple compteur des heures de DIF, on a fait un impossible dispositif de formation condamné à retarder le pays tout entier dans son entrée dans la société de la connaissance et de l’information.

Le problème de cette réforme et de son « emblématique » CPF, c’est qu’elle est bâtie à la fois sur des hypothèses fausses et datées (il faudrait des titres et des diplômes professionnels pour que les travailleurs deviennent plus compétents et que le chômage baisse), de chiffres biaisés (32 milliards d’euros prétendument dépensés et gâchés en formation) et des préjugés tenaces (les organismes de formation publics seraient le plus capables de mettre en œuvre des formations de qualité).

Le Ministère du Travail cherche désormais à faire du chiffre avec un compteur déglingué et inutile : « Le CPF 1 million d’inscrits, des milliers de dossiers initiés ».


Le CPF ne servira ni le travail ni les travailleurs parce qu'il est figé dans des règles et procédures datant du XIXème siècle (on a mêlé un système d'informations supposé moderne à des procédures dignes de Courteline).
Quel que soit l'avenir de ce dispositif (un probable « bide »), la loi formation va devoir être très rapidement ré-écrite tant dans son fonctionnement (plus on dresse de barrières et de contrôles, moins les salariés peuvent se former) que dans sa logique (comptable et certifiante), car elle vise à côté de la plaque.

La triple impasse de la réforme...

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