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29 / 07 / 2015 | 14 vues
Etienne Douat / Membre
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La nouvelle place des finances publiques aux concours d'entrée de l'ENA

Ces dernières années, le concours de l’ENA a démontré une attractivité croissante. Ainsi, si l’on considère le nombre des inscrits en 2010, il était de 1 493 et il a bondi à 1 719 en 2013, pour se fixer à 1 624 pour 2014.

La formation d’excellence de l’ENA attire en effet désormais plus de 1 000 étudiants par an depuis 2012, ce qui est un critère objectif.

Certes, le nombre reste stable avec 80 postes entre 2010 et 2013, pour passer à 90 en 2014. Sur ces 80 postes, la moitié est ouverte pour le concours externe.

Face aux objectifs totaux recrutés dans l’ensemble de la catégorie A en une année, que représentent ces 80-90 emplois ?

Le concours de l’ENA est un modèle pour tous les autres. Il incarne le recrutement d’une élite, certes contestée, mais dont le prestige reste intact. Ce modèle est d’autant plus intéressant que le concours vient d’être totalement modernisé par un arrêté du 16 avril 2014.

Trois points marquants se détachent de cette réforme du concours de l’ENA :

  • d’abord, l’oral comprendra une épreuve collective d’interaction comme cela se fait déjà dans d’autres procédures de recrutement publiques et privées ;
  • ensuite, l’anglais deviendra obligatoire afin de mettre un terme à l’inégalité  entre l’appréciation des différentes langues et surtout d’obliger les cadres supérieurs de l’État à justifier d’un excellent niveau d’anglais, ce qui n’était pas toujours le cas ;
  • enfin, les finances publiques vont être valorisées et rendues obligatoires dans les épreuves du concours. C’est, en effet, une matière, qui n’était pas à la bonne place dans l’ancien dispositif.


Pour mesurer les changements, nous distinguerons deux aspects, tout d’abord le changement de statut de la matière, puis le nouveau programme.

Le changement de statut de la matière

Les candidats aux  concours de l’ENA ont du mal à faire la liaison entre les finances publiques et la politique économique.

Les finances publiques passent d’une matière optionnelle d’oral à une matière obligatoire à l’écrit.
Comment ce passage s’est-il effectué ? L’ancien système du concours était régi par l’arrêté du 3 mars 2006. Selon cet arrêté, les finances publiques ne faisaient pas partie des matières nobles qui étaient réservées à l’écrit.

Les finances publiques n’étaient qu’un oral technique figurant parmi quatre matières (finances publiques, questions internationales, questions européennes et questions sociales). Cette épreuve d’oral technique était affectée d’un coefficient 2. L’oral se préparait en 10 minutes et durait 30 minutes.


Avant 2000, cet oral technique était d’ailleurs encore plus traumatisant pour les candidats admissibles car le sujet devait être traité immédiatement et sans aucune préparation. Les 10 minutes de préparation étaient mieux que rien mais c’était un facteur de stress dont beaucoup de candidats se souviennent.

Ce statut d’oral technique donnait aux finances publiques le statut de matière secondaire comportant une part de chance non négligeable. Le concours d’administrateur territorial a repris ce statut en l’affectant d’un tout petit coefficient (1,5).

Les rapports du jury de l’ENA insistent sur les lacunes des candidats. On peut les classer en trois domaines. Les lacunes sont d’abord de nature économique car les candidats aux  concours de l’ENA ont du mal à faire la liaison entre les finances publiques et la politique économique.

Les lacunes sont également importantes sur le plan juridique, ainsi le jury du  concours interne relève l’ignorance du décret n° 2012-1946 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Le jury du concours externe signale pour sa part la connaissance superficielle du principe d’égalité en matière fiscale. Les deux jurys signalent des lacunes importantes dans le domaine des finances de l’Union européenne, la procédure budgétaire européenne est ignorée.
Enfin, les lacunes sont très importantes sur le plan des comparaisons internationales. Les candidats n’ont aucune connaissance des finances publiques de nos partenaires européens comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Espagne. Les enseignants de finances publiques et les cadres qui ont siégé au jury ont été consultés sur la réforme du concours de l’ENA et ont demandé que le programme du concours précise que trois pays doivent être connus : l’Allemagne, les États-Unis et soit l’Espagne, soit l’Italie, mais au moins un pays latin.

Pour toutes ces raisons, la place des finances publiques a été modifiée dans les épreuves du concours de l’ENA. Le nouveau système du concours est désormais régi par l’arrêté du 16 avril 2014, qui fixe les statuts des épreuves du concours de l’ENA.

Désormais, les finances publiques deviennent une épreuve écrite obligatoire pour les trois concours. L’épreuve consiste en la rédaction de réponses synthétiques à des questions courtes pouvant être accompagnées de textes, graphiques ou tableaux statistiques à expliquer et commenter. Concrètement, ce seront 3 à 5 questions à traiter en utilisant un maximum de 5 pages de documents. L’épreuve écrite dure 3 heures, ce qui laisse le temps de soigner les réponses. Le coefficient a été remonté de 2 à 3 mais reste en-dessous des quatre autres épreuves écrites qui sont toutes affectées d’un coefficient 4.

Le point le plus important est que les finances publiques passent à l’écrit sans qu’il soit possible d’y échapper, ce qui montre bien le caractère incontournable de la matière.
Les candidats au concours de l’ENA vont devoir faire des efforts pour se former en finances publiques et les préparations vont devoir être étoffées.

Le nouveau programme

Ce programme qui résulte de l’arrêté du 16 avril 2014 n’est pas seulement un catalogue de matières ; il commence en effet par donner des indications sur lesquelles il convient de s’arrêter.

a. L’esprit de l’épreuve

Il est développé dans un préambule de 14 lignes très denses que l’on peut synthétiser en deux axes.

Le premier axe correspond à une approche pluridisciplinaire de la matière faisant appel aux approches politique, économique et administrative de la matière. Cette approche pluridisciplinaire doit être ouverte aux autres États permettant de faire des comparaisons internationales, notamment États-Unis, Royaume-Uni et Allemagne.

Le second axe correspond à une méthode, à une approche de la matière des finances publiques.

L’arrêté précise que les candidats doivent non seulement être capables de restituer les connaissances mais aussi formuler un diagnostic clair et synthétique avec quelques orientations de politiques publiques.

Finalement, il est demandé aux candidats de présenter avec intelligence leur sujet, notamment de comprendre et analyser des documents budgétaires et financiers simples.

b. Le contenu de la matière


À première vue, le programme est réparti en 9 chapitres :

1. le cadre général des finances publiques,
2. la politique budgétaire,
3. éléments sur les prélèvements obligatoires et la politique fiscale,
4. les finances de l’État,
5. les finances locales,
6. les finances sociales,
7. les règles comptables,
8. le contrôle des finances publiques,
9. les finances de l’Union européenne.

En réalité, lorsque l’on analyse soigneusement le programme de l’épreuve de finances publiques, on constate qu’il correspond à deux grandes masses totalement différentes et complémentaires.

D’un côté, on trouve 16 points correspondant à la problématique d’ensemble de la matière et le pilotage des finances publiques au sens européen.

Ces 16 points sont inclus dans les 3 premiers chapitres du programme. D’un autre côté, un ensemble de 19 points correspondant aux chapitres 4 à 9, c’est-à-dire les finances européennes, nationales, sociales et locales avec leurs règles d’exécution et de contrôle.

Au fond, le nouveau programme procède à une extension du périmètre en insistant lourdement sur le positionnement d’ensemble de la matière.

En conclusion, la réforme du concours de l’ENA valorise les finances publiques qui deviennent une matière incontournable. On se réjouit de voir les choses aller dans le bon sens.

Le second axe correspond à une méthode, à une approche de la matière des finances publiques. L’arrêté précise que les candidats doivent non seulement être capables de restituer les connaissances mais aussi de formuler un diagnostic clair et synthétique avec quelques orientations de politiques publiques. Finalement, il est demandé aux candidats de présenter avec intelligence leur sujet, en particulier de comprendre et analyser des documents budgétaires et financiers simples. 

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