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29 / 01 / 2018 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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L'illusion sociale et éducative du CPF, une entreprise de stockage d'heures de formation inutilisables et inutilisées

Le CPF, qui a succédé au DIF en 2015, est un échec flagrant pour la montée en compétences des salariés. Enquêtant après ses deux premières années d'existence (2015 et 2016), la DARES nous apprend que seuls 0,9 % des salariés l'ont utilisé et que ceux-ci étaient employés dans de grandes entreprises et déjà très qualifiés.

Le CPF n'était pas fait pour les salariés du privé mais pour transférer des fonds de formation vers les chômeurs (et tenter d'inverser un chômage que les politiques suivies de 2012 à 2017 ont largement contribué à augmenter).

0,9 % des salariés ont pu utiliser leur CPF en 2016

Même si en 2017, 2 à 3 % des salariés auront sans doute pu utiliser leur CPF, celui-ci buttera sur deux points qui ne permettront jamais sa généralisation (si tant est que les partenaires sociaux avaient pour objectif de le généraliser).

  • Le CPF est un parcours du combattant dans lequel l'employeur ne prend aucune part (sauf très rares exceptions, moins de 100 entreprises en France ont conclu un accord pour le déployer directement).
  • Le CPF est financé à hauteur de 5 % environ de ses besoins et 24 heures sont capitalisées chaque année pour une heure de financée (40 euros).

Le CPF est utilisé par les seuls salariés les plus qualifiés

Quand on bâtit des usines à gaz, on court le risque d'éliminer de la course à la formation les moins agiles, les moins informés et les moins investis dans leurs apprentissages. Le CPF y parvient très bien : 

 

« En 2016, le taux de recours au CPF reste très faible chez les salariés du secteur privé (0,9 %), malgré une multiplication par 4 en un an. Les cadres et les professions intellectuelles supérieures recourent plus fréquemment que les autres catégories socioprofessionnelles au CPF (1,7 % contre 0,8 % pour les professions intermédiaires et 0,9 % pour les employés et 0,5 % pour les ouvriers en 2016) ».

 

Le CPF est utilisé dans les seules grandes entreprises

 

Non seulement l'objectif de développer la formation des moins qualifiés est totalement raté mais celui de déploiement dans les PME et TPE a aussi échoué, le CPF est utilisé 4 fois plus dans les grandes entreprises que dans les TPE : « les salariés des entreprises de 50 salariés ou plus ont eu plus recours au CPF que ceux des entreprises de plus petite taille (1,2 % pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 250 et 499 salariés, contre 0,3 % pour les entreprises de moins de 10 salariés en 2016) ».

 

Le CPF était une illusion sociale et éducative, une entreprise de stockage d'heures de formation inutilisables et inutilisées.


Le rapport de la DARES nous apprend que la durée moyenne d'une formation CPF pour les salariés est de 47,5 heures (contredisant une nouvelle fois les pouvoirs publics qui fantasmaient sur des formations longues et diplômantes pour tous).

 

 

Le CPF est un conte de fées paritaire et une aberration financière, organisationnelle et conceptuelle.

 

217 000 salariés sur deux ans ont « bénéficié » d'un CPF. Ils ont donc « consommé » 10 millions d'heures sur un total de 800 millions cumulées (1,8 milliard en comptant les anciennes heures de DIF).

 

Le CPF est un conte de fées paritaire et une aberration financière, organisationnelle et conceptuelle.

  • On ne se forme pas parce qu'on a des heures sur un compteur mais parce qu'on doit et peut évoluer professionnellement.
  • La formation n'est pas un stockage d'heures comme un livret d'épargne mais c'est une dynamique d'apprentissage régulier et tout au long de la vie.
  • La formation des salariés ne peut avoir d'utilité que si elle se réalise en lien avec et par un dialogue avec l'employeur.
  • L'effort de formation des salariés et des employeurs doit être un co-investissement, sans dialogue et développement sur les compétences, la formation n'est qu'une mauvaise copie de l'école.
  • Les parcours du combattant et usines à gaz CPF contribuent au désinvestissement éducatif de nombreux salariés.
  • La libération de la formation en France doit passer par la fin de la mutualisation des dépenses de formation (la formation n'est pas un risque à assurer).

Cette étude de la DARES, qui succède à une autre enquête récente de l'IGAS, remet le CPF en perspective et devrait interpeler les pouvoirs publics pour leur future réforme de la formation. Continuer dans la voie des ANI sur la formation serait à coup sûr plomber l'avenir du travail et des compétences dans notre pays.

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