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06 / 07 / 2015
Denis Garnier / Membre
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L’Europe libérale, chaos de la démocratie

Au moment où Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, proclame qu'« il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », j’ai enlevé le point d’interrogation du titre de ce texte qui est extrait de mon livre Libérez-vous de l’économie contre le travail, écrit en 2011.

« Les objectifs de l’Europe libérale sont d’adapter les sociétés européennes aux exigences de la mondialisation. Les traités actuels garantissent quatre libertés fondamentales : la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. Mais loin de se limiter au marché intérieur, la liberté de circulation des capitaux a été accordée aux investisseurs du monde entier, soumettant ainsi la production européenne aux contraintes des capitaux internationaux.

L’indépendance de la Banque Centrale Européenne vis-à-vis du politique, disent les auteurs du Manifeste des économistes atterrés, est marquée par la méfiance envers les gouvernements démocratiquement élus. Il s’agit de priver les pays de toute autonomie en matière de politique monétaire comme en matière budgétaire.

Profitant de l'absence d'adversaire, la strate supérieure, le 1% de la population qui détient le pouvoir économique, a aujourd'hui le champ libre pour imposer ses vues, conformes à ses intérêts immédiats mais contraires à l'intérêt général.

Dès avant le vote du 29 mai 2005, au vu du comportement de la classe dirigeante, Anne-Marie Le Pourhiet a pu se demander si nous n'allions pas vers une forme de « post-démocratie ». « Ce mépris inouï de la démocratie est d'autant plus provocant que l'on se pique de donner des leçons aux États candidats en les soumettant à d'humiliants examens de passage. À quoi sert-il d'élire démocratiquement un parlement national dont la tâche ne se borne plus qu'à transposer les directives élaborées par des instances oligarchiques [1] ?


À partir de cela, l’Europe sociale reste un vain mot ; seule l’Europe de la concurrence et de la finance s’affirme réellement.

La rigidité monétaire et budgétaire, renforcée par l’euro, a permis de transférer tout le poids des ajustements sur le monde du travail. Elle a promu la flexibilité et l’austérité salariale, réduit la part des salaires dans le revenu total, renforcé les inégalités. Les instances européennes continuent de réclamer des politiques salariales restrictives et des remises en cause des systèmes publics de retraite et de santé, au risque évident d’enfoncer le continent dans la dépression et d’accroître les tensions entre les pays. Cette absence de coordination, et plus fondamentalement l’absence d’un vrai budget européen permettant une solidarité effective entre les États membres, incite les opérateurs financiers à se détourner de l’euro et à spéculer ouvertement contre lui.

À partir du deuxième semestre de l’année 2009, les marchés financiers ont commencé à spéculer sur les dettes des pays européens. Alors que les gouvernements des autres pays développés peuvent toujours se financer par leur banque centrale, les pays de la zone euro dépendent totalement des marchés pour financer leurs déficits. La spéculation a pu se déclencher sur les pays les plus fragiles de la zone : la Grèce, l’Espagne, l’Irlande et d’autres suivront si tout reste en l’état.

Sous la pression du FMI et de la Commission européenne, la Grèce doit privatiser ses services publics et l’Espagne flexibiliser encore davantage son marché du travail. Même la France et l’Allemagne, qui ne sont pas (encore) attaquées par la spéculation, ont annoncé des mesures restrictives. La situation des finances publiques est pourtant meilleure que celle des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, laissant des marges de manœuvre budgétaire. La crise va permettre d’imposer de fortes réductions des dépenses sociales. L’objectif, inlassablement recherché par ces prédateurs, au risque de compromettre la cohésion sociale, consiste à réduire la demande effective, à pousser les ménages à épargner pour leur retraite et leur santé auprès des institutions financières, responsables de la crise. C’est pourquoi il faut dégager les États de l’étreinte des marchés financiers. C’est seulement ainsi que le projet de construction européenne pourra espérer retrouver une légitimité populaire et démocratique qui lui fait aujourd’hui défaut. La refondation de l’Union européenne passera par un accord entre quelques pays désireux d’explorer des voies alternatives.
»

En 2015

Ce texte n’a pas pris une ride. La situation en Grèce en cette année 2015 est exemplaire pour illustrer la dérive totalitaire des institutions européennes. En 2011, Nicolas Sarkozy était au pouvoir. Il accompagnait cette politique. C’était presque normal puisque la droite qu’il représente a toujours privilégié la rente au détriment du travail.

En 2015, c’est le Parti socialiste qui est aux commandes de la France et rien n’a changé !

La droite extrême apparaît comme le seul recours possible tellement la gauche a été décapitée par le parti socialiste. Pourtant, que l’on ne s’y trompe pas. Le repli nationaliste, c'est-à-dire croire que la France peut sortir de l’Union européenne et décider seule de sa politique économique aggravera des constats lamentables que nous offre aujourd’hui cette Europe des prédateurs.

Les peuples grec et espagnol, qui ont connu l’extrême-droite complice de ce monde maffieux de la finance, se lèvent aujourd’hui pour embrasser des grandes espérances.

Qui en France peut porter et ranimer cette espérance ? Faut-il connaître le chaos pour cela ?

[1] Le Monde du 11 mars 2005, « Qui veut de la post-démocratie ? », par Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit constitutionnel.
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