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04 / 10 / 2011 | 2 vues
Olivier Hoeffel / Membre
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Stress au travail : contagion ou évidence ?

Depuis quelques années le stress au travail s’est invité dans la vie au travail. Je parle ici plus du sujet du stress au travail que de la réalité du stress au travail.

Je ne cherche pas à nier la réalité du stress au travail, mais plutôt à considérer que la tendance lourde depuis plusieurs années n’est pas forcément l’augmentation du stress au travail mais la montée en puissance de la prise de conscience collective et individuelle du stress au travail.

Autrement dit, si l’on devait tracer deux courbes par rapport au temps, une pour l’évolution du stress au travail et une pour la prise de conscience du stress au travail, il me semble que si l’on peut remarquer évidemment une courbe croissante pour l’intensité du stress au travail, il faut noter une croissance tout à fait significative de la prise de conscience du stress au travail.

L’évolution de la prise de conscience tient à une double reconnaissance : la reconnaissance du stress au travail par un type d’acteur pour lui-même et la reconnaissance par les autres acteurs.

  • « Moi, sur ma chaîne, je stresse ! »

Ainsi, au départ, le stress au travail a été évoqué essentiellement pour les salariés en bas de l’échelle des entreprises. Si l'on veut une image, prenons l’exemple du personnage joué par Charlie Chaplin dans Les temps modernes. Soit dit en passant, on voit bien en quoi le stress au travail ne date pas d’hier non plus.

Le premier niveau de prise de conscience et donc de reconnaissance a été celui des dirigeants d’accepter l’idée que le stress au travail peut trouver son origine dans l’organisation du travail. Cette reconnaissance a trouvé son explication la plus manifeste à travers l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail (ANISAT) conclu en juillet 2008 (il n’y a pas si longtemps que cela), en rappelant que l’accord européen sur lequel se base l’accord français date de 2004.

  • « Ce n’est pas parce que je suis ton supérieur hiérarchique, que je ne stresse pas ! »

On peut considérer qu’à la période où cet accord a été signé, déjà une deuxième étape était franchie dans la prise de conscience : un chef d’équipe et un cadre pouvaient être aussi soumis au stress au travail. Alors, ça se complique puisque l’idée forte et bien ancrée à propos du stress était qu’il y a stress au travail pour les individus à qui l'on demande beaucoup et qui ont peu d’autonomie.

  • « Faut pas croire que parce qu’on est près du sommet, qu'il n'y a pas de stress. Au contraire ! »

Nouvelle étape en 2009 où l’on apprend à la semaine de la qualité de vie au travail que la population la plus stressée dans les entreprises serait celle des cadres supérieurs. Cela signifie évidemment que des cadres supérieurs acceptent d’exprimer (hors micro ?) qu’ils sont eux aussi concernés par le stress au travail.

  • « Moi, le capitaine, si l'on veut bien m’écouter, je dirais bien aussi que je stresse ! »

Et il me semble que nous avons atteint depuis peu la dernière étape qui vient à considérer que les dirigeants d’entreprises sont aussi à prendre en compte.

Cette étape va prendre du temps, et probablement pour la prise de conscience par les acteurs eux-mêmes : un capitaine de navire a une image à tenir et attend-on vraiment du capitaine qu’il exprime ses états d’âmes ? « D’ailleurs, c’est lui qui a choisi sa place, alors est-il vraiment décent qu’il se plaigne ! » On voit à travers ces réactions que j’ai maintes fois entendues que rien n’est gagné, mais cette étape est bel et bien engagée.

L'une des preuves est l’intérêt récent de la société pour les suicides des dirigeants.

Olivier Torrès, chercheur de l’Université de Montpellier a créé début janvier 2010 AMAROK, un observatoire sur les conditions de travail et de résistance au stress des dirigeants de PME.

Il faut préciser que le stress au travail n’a jamais connu plus grande avancée en termes de prise de conscience et de reconnaissance que depuis qu’elle est associée fortement au suicide au travail.

  • Alors, contagion ?

Quel est mon avis sur cette tendance ? Sommes-nous victimes d’un phénomène de contagion du stress au travail, voire de contagion d’une mode du stress au travail ?

Là n’est pas mon propos. J’en retiens pour ma part un point essentiel : résolument, la société française sort la tête du sable et de l’ignorance sur le stress au travail. Elle en arrive à une évidence qui est mienne depuis de nombreuses années : le stress au travail n’est pas le lot d’une catégorie de travailleurs. Tous les individus au travail peuvent être touchés par le stress au travail. En tant que professionnel sur ces sujets, je voudrais étendre mon propos à celui des risques psychosociaux (RPS).

Donc, les RPS ne s’arrêtent pas à une catégorie professionnelle ni à une position hiérarchique.

Une autre évidence sur laquelle reste un chemin considérable à parcourir est la suivante : chaque individu a ses propres facteurs de risques psychosociaux et, cela reconnu, il serait tout à fait préjudiciable que se mettent en place des querelles de clochers entre les acteurs sur le niveau de stress au travail comparé, le taux de suicides comparé par catégorie socioprofessionnelle.

Pour avoir œuvré sur la reconnaissance des RPS pour les dirigeants, les fonctionnaires, les travailleurs en solo et les chômeurs, j’ai constaté une réaction très récurrente de surenchère sur le stress au travail : « comment peux-tu dire que ces gens sont stressés quand tu connais tous leurs avantages  … ».

Ubu stress

 

  • « Mon stress est forcément plus grand que le tien … et surtout tellement plus légitime ».

Voilà encore une tendance bien prégnante sur laquelle la société doit travailler. Il s’agit de reconnaissance du stress au travail des autres, en considérant que les facteurs ne sont pas les mêmes et que tout réflexe de comparaison constitue un frein à la reconnaissance mutuelle.

Une reconnaissance complète du stress au travail vaut par la reconnaissance mutuelle.

Et comme le stress au travail reste un sujet tabou pour certains (en particulier pour les dirigeants quand on évoque leur cas personnel), j’ai la conviction que ces sujets peuvent être abordés de manière plus facile et plus positive en évoquant la qualité de vie au travail et ce en quoi un déficit de qualité de vie au travail peut conduire à du stress au travail.

Le Professeur Bossondur a interpellé de manière décalée dans une de ses tirades : « vous préférez qu'on parle de votre stress au travail ou de ma qualité de vie au travail ».

En conclusion, ma proposition est la suivante : « vous préférez qu'on parle de votre stress au travail ou de notre qualité de vie au travail ? » « Notre » étant à comprendre le plus largement.

Je vous renvoie pour une argumentation plus poussée sur la question de la reconnaissance du stress de toutes les catégories professionnelles, y compris pour les dirigeants, à un appel que j’ai lancé en mars 2010 intitulé « Appel pour une vision partagée sur le stress au travail, point de départ d’une coopération efficace d’amélioration de la qualité de vie au travail ».

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