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09 / 06 / 2023 | 159 vues
Eric Gautron / Abonné
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Signature de l’ANI sur la rénovation de la branche AT-MP

A l’issue des sept séances de négociation depuis septembre 2022, Force Ouvrière a décidé d’apposer sa signature sur l’Accord National Interprofessionnel (ANI) normatif rénovant la branche de la Sécurité sociale des Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (ATMP). Cet accord a été en l'état validé  également par l'ensemble des organisations syndicale, la CFE-CGC quant à elle devant annoncer sa décision le 27 juin...

 

Ce texte repose sur deux piliers qui sont au cœur des missions de cette branche de la Sécurité sociale : la réparation et la prévention. A cela s’ajoute une rénovation complète de la gouvernance.

 

L’ambition de cet accord est bien d’améliorer la santé et la sécurité des salariés en passant par trois avancées majeures :
 

  • une gouvernance paritaire renforcée en rendant son autonomie à la branche ATMP,
  • une prévention ambitieuse en investissant une partie des surplus de la branche,
  • une réparation améliorée des salariés victimes de maladies ou d’accidents du travail.

 

En redonnant à la branche AT-MP son autonomie, c’est-à-dire en créant un vrai conseil d’administration strictement paritaire, et non plus comme actuellement une commission au sein de la branche maladie, les interlocuteurs sociaux vont pouvoir reprendre la main sur la gestion paritaire de cette branche à part entière de la Sécurité sociale.

 

En améliorant la prévention, et notamment la prévention primaire, l’ambition affichée est celle d’une meilleure santé et sécurité au travail avec l’objectif de faire baisser les chiffres en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. En France, avec 822 099 accidents du travail en 2021, dont 645 ayant entraîné la mort, auxquels s’ajoutent 240 morts dans les accidents de trajet et 279 décès liés aux maladies professionnelles, on compte trois morts par jour liés au travail.

 

Cette ambition de prévention passera par une augmentation des moyens pour les entreprises et par des recrutements dans les CARSAT afin d’accompagner les actions de prévention mais aussi les évaluer et les contrôler.

 

En améliorant la réparation, les interlocuteurs sociaux agissent pour plus de justice sociale. D’abord en améliorant l’accès à la réparation dont les procédures sont devenues complexes, mais aussi en ouvrant la voie à une meilleure indemnisation et une meilleure reconnaissance avec l’amélioration des barèmes, l’engagement de créer de nouveaux tableaux de maladies professionnelles, une meilleure prise en compte des risques psychosociaux. C’est aussi de manière concrète baisser le taux d’incapacité pour accéder au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

 

Toutes ces mesures doivent aussi concourir à lutter contre la sous-déclaration des accidents et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles.

 

Cet accord normatif redonne à la Sécurité sociale une partie de sa gestion paritaire et doit maintenant trouver la voie d’une transcription législative afin de mettre en œuvre les améliorations décidées pour plus de prévention et une meilleure réparation.

 

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Pour rappel, cette négociation visait initialement la gouvernance de la Branche.


La Branche AT/MP – qui est l’une des 5 branches de notre Sécurité Sociale – dispose aujourd’hui de
quelques spécificités par rapport aux autres Branches :


• Il s’agit d’une Branche excédentaire : financée exclusivement par les cotisations patronales
(du fait de leur obligation de santé et sécurité vis-à-vis de leurs salariés), la Branche AT/MP est
depuis 2013 excédentaire année après année et accumule aujourd’hui un excédent de près de
10 milliards d’euros.


• Il ne s’agit pas d’une Branche autonome : bien qu’elle signe tous les cinq ans sa propre
Convention d’objectifs et de gestion (COG), son organe de gouvernance, la Commission AT/MP
(CATMP), n’est qu’une émanation de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et ne
bénéficie donc pas par exemple d’un plein pouvoir de décision sur le budget alloué. La
présente négociation avait donc pour objectif de parvenir à un accord des interlocuteurs
sociaux pour permettre la création d’un véritable Conseil d’administration paritaire afin de
reprendre le contrôle sur les excédents et rendre leurs prérogatives aux organisations
syndicales et patronales.


Toutefois, pour Force Ouvrière ainsi que les autres organisations syndicales, il était primordial d’inclure
dans le périmètre de la négociation les autres missions de la Branche : la prévention et la réparation
des AT/MP .


Les interlocuteurs sociaux sont donc parvenus à un accord équilibré qui traite de toutes les missions
de la branche.


➢ Principaux points :


Après le rappel par les interlocuteurs sociaux de leur attachement à la Branche AT/MP et au compromis
social de 1898, ainsi que des difficultés révélées par le diagnostic préalable à la négociation, les
interlocuteurs sociaux ont divisé leur accord en trois titres :


Le premier titre est « La prévention des risques professionnels : un axe fort de la branche AT/MP et
de ses conventions d’objectifs et de gestions ».


Dans cette partie, les interlocuteurs sociaux ont souhaité réaffirmer le rôle primordial de la Branche
en matière de prévention. Pour Force Ouvrière, la seule manière de remédier de façon efficace aux
AT/MP est de miser sur la prévention primaire au sein des entreprises.


La Branche doit donc devenir un véritable support aux entreprises. Pour cela, les interlocuteurs sociaux
ont rappelé :


• Qu’il est nécessaire d’investir dans l’identification des risques car pour mieux les prévenir, il
est indispensable de bien les identifier et les connaitre ;
• Qu’une meilleure coordination des acteurs de la Branche doit être mise en place car sans eux,
les données nécessaires pour rendre effectives les mesures de prévention ne peuvent être
exploitées convenablement ;
• Qu’il est nécessaire de mieux prendre en compte l’usure professionnelle et mieux la prévenir.
• Qu’il est nécessaire d’investir une partie de l’excédent de la Branche pour faire bénéficier aux
salariés des meilleures mesures de prévention possibles ;


Le second titre est « La réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles : le
second enjeu du dispositif ».


Depuis des années, Force Ouvrière déplore la faiblesse de l’indemnisation des victimes d’AT/MP et la
complexification de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles entrainant de facto
une forte sous-déclaration des maladies professionnelles.


Les interlocuteurs sociaux de manière unanime ont souhaité remédier à ces problématiques et sont
entre autres parvenus à un accord quant à :


• L’indexation a minima de la rente incapacité sur la rente invalidité ;
• Une meilleure indemnisation des frais médicaux et une meilleure prise en charge pour le
recours à tierce personne ;
• L’ouverture de négociations sur les barèmes médiaux et de fixation du taux d’incapacité
partielle permanente (IPP) ;
• La mise en place d’une étude sur la procédure de reconnaissance pour analyser les points de
difficultés et les corriger ;
• La création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles (dans la Commission
Spécialisée n°4 du COCT) ;
• L’abaissement du taux d’IPP requis pour accéder aux Comités Régionaux de Reconnaissance
des Maladies Professionnelles (CRRMP) à 20% (contre 25% à l’heure actuelle) et l’ouverture
de nouvelles négociations sur un abaissement du taux plus conséquent dans les deux années
qui suivent.


Enfin, le dernier titre est « Une gouvernance de la Branche à redéfinir pour assurer son autonomie et ses missions ».


Dénonçant l’étatisation constante de la Sécurité sociale, notre organisation a défendu la gestion paritaire
des organismes sociaux et revendiqué la mise en place d’un véritable Conseil d’Administration
strictement paritaire qui permettra de rendre aux interlocuteurs sociaux leurs prérogatives.


Les interlocuteurs sociaux ont décidé que ce Conseil d’Administration paritaire aura pour
compétences :


• De définir et arrêter les orientations de la COG AT/MP et s’assurer de sa mise en œuvre ;
• Elaborer tous les 3 ans, une convention entre la Branche AT/MP et la CNAM, sous forme d’une
délégation de gestion ;
• Nommer le Directeur général de la Branche AT/MP ;
• Participer à l’élaboration des nouveaux textes impactant les trois piliers de la Branche ;
• Proposer et participer à l’élaboration et à la conclusion de partenariats avec d’autres acteurs
de la prévention ;
• Elaborer les conventions signées avec l’INRS et EUROGIP ;
• Elaborer une convention signée avec l’ANSES et d’autres organismes selon les besoins ;
• Avoir la possibilité de développer des moyens de communication ;
• Rendre un avis motivé sur le Fonds national de gestion administrative de la CNAM pour la
partie qui concerne la gestion de la Branche AT/MP ;
• Ajuster chaque année les paramètres des cotisations AT/MP ;
• Disposer de toutes les informations utiles à l’accomplissement de ses missions ;
• Décider de la création de commissions spécifiques ;
Concernant les moyens mis en œuvre, les interlocuteurs sociaux ont souhaité :
• Renforcer les moyens humains et financiers des acteurs de la Branche.
• Augmenter rapidement les effectifs d’ingénieurs conseils et de contrôleurs de sécurité des
CARSAT/CRAMIF/CGSS avec un objectif de 20% et d’en évaluer la mise en œuvre effective pour
apprécier l’opportunité de revoir cet objectif à la hausse.
• S’assurer que le personnel dédié aux fonctions supports ait les moyens humains et financiers
suffisants pour épauler les équipes des CARSAT/CRAMIF/CGSS.
• Veiller à ce que les interlocuteurs sociaux disposent de moyens nécessaires afin d’assurer leurs
missions.
• Les signataires de l’accord considèrent qu’il est nécessaire d’affecter 100 millions d’euros
supplémentaires chaque année sur le volet prévention par rapport à la précédente COG.


Par cet accord, les interlocuteurs sociaux réaffirment leur volonté d’assumer
pleinement leurs responsabilités quant à la gestion de la Branche et de ses missions