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30 / 10 / 2020 | 76 vues
Fabien Brisard / Abonné
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Santé : comment avons-nous abandonné la gestion de notre bien commun à l'administration ?

Avec l’effondrement des revenus publicitaires (estimé à 70 % ou 80 %), les chaînes de télévision ont été contraintes de rediffuser des programmes peu coûteux et si possible « feel good ». Pour contrer une couverture extensive de l’actualité anxiogène, les télévisions ont diffusé des divertissements déconnectés du réel à foison. Un peu comme les discours politiques sur la protection sociale, figés depuis des années sur les années Pompidou.
 

Président de la République depuis moins de trois mois, Georges Pompidou a organisé sa première conférence de presse le 22 septembre 1969. Elle portait exclusivement sur les questions financières, économiques et sociales. Avec toute la solennité que le lieu conférait à ses propos, il a cité « Fifi » (surnom qu’il donne à son ordinateur personnel), qui prédisait la fin proche du système si on ne diminuait pas le nombre de médecins drastiquement.
 

Il aura fallu attendre cinquante ans et la crise sanitaire pour s’apercevoir que pour soigner, il faut un médecin et des professionnels de santé. Comme le disait Montesquieu, « ce n’est pas les médecins qui nous manquent, c’est la médecine ». Le soin n’est pas seulement un acte technique mais le premier acte de solidarité.
 

Produit de l’affrontement des différents acteurs ayant investi une sphère publique cloisonnée et éclatée sur le principe de leur liberté, notre système de santé est devenu totalement illisible. Si Molière réapparaissait lors du 400e anniversaire de sa naissance, il ne prendrait plus comme les médecins comme objets de satire mais il critiquerait le galimatias et le verbiage des « imperium d’autorités dégradées et de personnalités faibles » qui ont inspiré un perpétuel champ de réformes sans jamais les soumettre au débat public.
 

Si, en ces jours tristes, ’il convient de saluer « la solidarité visionnaire des membres du Conseil national de la Résistance qui ont inventé un système convenant parfaitement à un peuple meurtri et à une nation en reconstruction », il ne faut pas « réinventer » l’histoire. Il faut en finir avec les lieux communs. Déconfiner le débat. Nous réinventer. « Quand le jour d’après, nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant ».
 

Pour lutter contre ce qu'il qualifie de plus grave crise sanitaire que la France ait connue depuis un siècle, le Président de la République a annoncé le 12 mars 2020 que le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour soutenir l'économie, porter assistance, pour prendre les malades en charge et pour sauver des vies « quoi qu'il en coûte ».


Chaque épreuve porte en elle la capacité d'en sortir. Pour protéger la communauté, il a fallu s'en retirer ; pour préserver le collectif, il a fallu le fragmenter en une multitude de retraits individuels. Cette introspection a opéré notre individuation. Solitaires, nous sommes devenus solidaires. Pour dessiner le monde de la santé d'après, il nous faut « déconfiner » nos esprits et en finir avec les lieux communs. Nous réinventer sans refaire l'Histoire.


Reste une question : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous abandonné la gestion de notre bien commun à l'administration sans aucun débat démocratique et retardé notre entrée dans le XXIe siècle ?

Du spectre de la pléthore médicale à la pénurie, dans son livre Tous solitaires, tous solidaires : après la crise du covid-19 (1), Jeannick Tarrière fait le récit savoureux des soixante-quinze années depuis la généralisation de la Sécurité sociale pour en finir avec 1945 et 1970 et construire un système de santé solidaire, durable et permettant de retrouver l’attractivité des métiers de la santé et de moderniser les conditions d’exercice, dans un cadre de régulation rénové et souverain. Pour en finir avec la tragédie du « patient malgré lui et du médecin imaginaire ».« »


(1) Tous solitaires, tous solidaires : après la crise du covid-19, par Jeannick Tarrière, experte reconnue du secteur de la santé et de la protection sociale. Fondatrice de Traits d’union, elle préside le comité scientifique du Cercle de recherche et d’analyse sur la protection sociale (CRAPS).

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