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16 / 05 / 2023 | 387 vues
Xavier Burot / Abonné
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Portage salarial et frais cachés : 2e round !

Dans sa décision du 12 avril 2023, le Conseil d’Etat annule l'avenant  de la convention collective nationale des salariés en portage salarial relatif à la détermination des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges financées par le salarié porté. Face à cette décision qui met à mal le modèle économique mis en place dans le secteur, le patronat a réagi extrêmement rapidement.


Petit rappel historique pour celles et ceux qui n’ont pas suivi l’affaire depuis le début.


Fin 2017-début 2018, la presse, à l’initiative de la FEDEP’S, se fait l’écho de pratiques douteuses dans le portage salarial, qui consisteraient à prélever sur le « montant disponible » des salariés portés des sommes diverses et variées ne se limitant pas aux seules cotisations sociales.


C’est donc à chaud que s’est ouverte, en février 2018, la négociation d’un avenant à la convention collective afin de préconiser de bonnes pratiques, en la matière. En avril de la même année, l’avenant n°2 relatif à la détermination des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges financées par le salarié porté est signé par le patronat et l’ensemble des organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC).


Ce n’est qu’en novembre 2018, et après avoir rencontré la FEDEP’S, que la CGT s’aperçoit que cet avenant loin de favoriser de bonnes pratiques, permet de couvrir celles dénoncées par la presse. Dès lors, elle décide de retirer sa signature de cet avenant et en informe à la fois les organisations signataires et le Direction Générale du Travail, chargée de l’extension des accords collectifs.
 

Début 2021, fatiguée d’attendre une hypothétique décision du Ministère du travail sur l’extension ou non de cet avenant, la CGT décide de lancer une campagne contre l’application volontaire de celui-ci par un certain nombre d’entreprises de portage salarial et pas des moindre, dont ITG, leader dans le secteur. C’est d’ailleurs cette entreprise qui a été ciblée principalement pour coordonner une action en justice contre l’application de cet avenant. Outre qu’ITG est l’EPS n°1 en France, elle est aussi dirigée par la personne qui a signé l’avenant n°2 au nom du syndicat patronal PEPS. Il était donc totalement informé du contenu de cet accord et de ses conditions d’application (le mois suivant la publication de l’arrêté d’extension).
 

Est-ce la campagne menée CGT ou la fin d’une longue léthargie, mais le Ministère du travail décide, après plus de 3 ans, d’étendre cet avenant, par arrêté du 21 mai 2021 (publié au JORF du 26 juin 2021). A la suite de cette décision ministérielle, la CGT saisit le Conseil d’Etat en annulation de cet arrêté. Une saisine qui sera suivie de celle formulée par l’association FEDEP’S et trois entreprises de portage salarial (Plug & Pay, Portify et Régie de portage salarial).
 

La demande d’annulation portait sur :

  • Le délai extrêmement long pour l’extension ;
  • L’absence de dispositions spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés ;
  • L’imputation des charges dues par l’entreprise aux salariés portés (CVAE, C3S, etc.) ;
  • L’intelligibilité de la norme qui doit être compréhensible de tous ;


Il a encore fallu attendre plus d’un an et demi pour que le Conseil d’Etat, le 12 avril 2023, décide :
 

« L’arrêté du 21 mai 2021 de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion portant extension d’un avenant à la convention collective nationale des salariés en portage salarial est annulé ».
 

Tout en ajoutant que « Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation présentées par la fédération des entreprises de portage salarial, la société Plug & Pay, la société Portify et la société Régie de portage salarial ». Ainsi la Cour ayant trouvé un motif valable d’annulation, elle ne s’embarrasse pas de répondre aux autres demandes formulées.
 

Face à cette décision qui met à mal le modèle économique mis en place dans le secteur, le patronat a réagi extrêmement rapidement. Le 17 avril, soit 5 jours après que l’annulation fut prononcée, il présentait un nouveau projet d’avenant (le n°13) qui a été validé par 3 organisations syndicales sur 4 (CFE-CGC, CFDT et CFTC), et ce en moins de 40 mn. Seule la CGT a refusé de signer cet accord qui n’est ni plus ni moins qu'une reprise quasi intégrale de l’ex-avenant n°2 avec une disposition spécifique pour les entreprises de moins de 50 salariés.


Il est étonnant de voir comment le patronat du secteur est prompt à réagir quand ses intérêts sont menacés (avenant n°2, frais professionnel, contrat de professionnalisation, etc.) et beaucoup moins quand se sont ceux des salariés. Pour rappel, il a fallu plus de 3 ans pour signer un accord pour la mise en place d’un régime de prévoyance et de complémentaire santé, et encore n’étant pas étendu, il n’est que peu usité ; La question des fins de contrat qui n’a pas abouti de la faute du patronat alors qu’un consensus avait été trouvé après 1 an et demi de négociations.


Sur la question des « frais cachés », qui n’ont plus vraiment de raison de l’être vu que l’avenant n°13 permet à une EPS de prélever ce qu’elle veut dès lors qu’elle en informe le salarié porté, la CGT a indiqué sa volonté de faire obstacle à son éventuelle extension afin que les salariés portés puissent sereinement choisir leur entreprise de portage salarial, non pas en fonction de taux de frais de gestion truqué, mais en fonction de la qualité de services rendus. Si nous admettons ne pas attendre d’Easy Jet la même qualité de service qu’Air France, pourquoi devrions-nous le faire pour des entreprises de portage ?

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