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21 / 01 / 2020 | 247 vues
Marcel Caballero / Membre
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Le développement des logiques marchandes et managériales dans l'ESS

La deuxième « agora ESS » du CIRIEC-France s’est tenue en décembre dernier au CEDIAS-Musée Social, avec pour thème « le développement des logiques marchandes et managériales ». 

Les participants ont échangé lors des interventions de :
 

  • Pascal Glémain (1) : « Le tournant entrepreneurial de l’ESS, l’introduction des pratiques « managériales » »,
  • et Laurent Gardin (2) : « Les nouvelles hybridations de ressources entre l’État et le marché ».


Assurée par Nadine Richez-Battesti et Timothée Duverger, l'animation a posé les bases de la réflexion commune à l’ensemble des participants : les organisations de l’ESS (OESS) sont traversées par une rationalité économique (entreprises) et une rationalité politique (groupements de personnes) qui fondent leur équilibre. Elles sont cependant aujourd’hui soumises à une injonction paradoxale, sommées, d’une part, de recourir davantage à des recettes marchandes face à la raréfaction des ressources publiques et, d’autre part, affirmer leur responsabilité sociale d’entreprise, tandis que de nouveaux acteurs les concurrencent sur la recherche d’utilité sociale (entreprises à mission…).
 

En effet, le nouveau management public, qui se caractérise par l’essor des logiques managériales, concurrentielles et marchandes, contribue à transformer les OESS, ce dont l’émergence de la notion de « social business » et l’utilisation croissante du terme d’entrepreneuriat social rendent compte depuis les années 2000.

Cette deuxième « agora de l’ESS » a permis de saisir les tendances, les risques et les enjeux sur le développement des logiques marchandes et managériales pour interroger les tensions entre l’hégémonie gestionnaire et les aspirations au changement social.
 

Ainsi, parlant du tournant entrepreneurial de l’ESS, Pascal Glémain a souligné que, dans un contexte de montée en management, les organisations associatives présentent une appétence croissante à comprendre et à élaborer leur comptabilité. Il en résulte pour certaines une ambition à satisfaire une attente en reddition comptable qui feraient d’elles des « entreprises associatives » à part entière. D’autres appréhendent leur comptabilité dans l’optique d’une gestion plus efficace au service de la mesure des performances du service rendu.
 

Via une analyse exploratoire dans le champ de l’insertion par l’économique, il a mené une analyse critique approfondie de la comptabilité associative qui mènerait à un aménagement du plan comptable associatif et à de nouvelles pratiques en termes de valeur ajoutée sociétale.
 

S’appuyant sur les travaux de Karl Polanyi, de Bernard Eme et de Jean-Louis Laville sur l’hybridation des ressources et sur la conceptualisation de l’économie solidaire, Laurent Gardin a approfondi les formes de réciprocité à l’œuvre, la question de l’hybridation des ressources, notamment dans les monnaies locales ou le mouvement associatif. Il a abordé les ressources des associations, entre financements publics qui connaissent une croissance de la place de la commande publique au détriment des subventions publiques et montée des financements privés provenant des ventes aux usagers et des cotisations des membres. Il a souligné l’incitation qui leur est faite de se rapprocher des entreprises capitalistes (mécénat, partenariat etc.) pour accroître la part des ressources privées afin d’équilibrer leur fonctionnement économique.
 

De leur côté, les coopératives, les mutuelles et les entrepreneurs sociaux peuvent être perçus comme répondant uniquement à des demandes solvables sur le marché ou sur les quasi-marchés, sans que l’on ne perçoive leur originalité de fonctionnement par rapport à d’autres entreprises avec lesquelles ils sont en concurrence, si ce n’est la limitation dans le partage des excédents dégagés.
 

Il indique l’intérêt d’étudier le modèle économique fondé sur une hybridation des financements privés et publics, avec une dimension réciprocitaire prise en compte a minima.
 

Il conclut que cette dimension est à l’ordre du jour dans le cadre du renouveau des communs, l’utilisation des nouvelles technologiques de l’information et de la communication, la recherche de la participation des usagers dans les associations, les initiatives solidaires sur les quartiers, le renouveau des universités populaires, les pratiques économiques parfois développées dans les zones à défendre…
 

Cette deuxième « agora de l’ESS » complète les travaux menés lors de la première sur l'ESS et territoires et sera suivie par une troisième portant sur la question de l’ESS et l’Europe au cours du premier semestre 2020.

Ces interventions montrent bien la nécessité devant laquelle les acteurs de l’ESS sont de réfléchir à de nouvelles pistes pour élaorer une parole commune et des actions qui prennent toutes les problématiques de l’évolution nécessaire de l’ESS en compte. Pour ce faire, une rencontre entre chercheurs et praticiens sera organisée, interagissant sur les recherches et sur les actions mises en place sur tout le territoire par les entreprises de l’ESS.

La troisième « agora de l’ESS » se déroulera sur cette base.

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(1) Pascal Glémain : maître de conférences, enseignant-chercheur en sciences de gestion et en économie sociale et solidaire, UFR de sciences sociales, département d'administration économique et sociale.

(2) Laurent Gardin : maître de conférences en sociologie à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, UPHF, Chaire de l'ESS Hauts-de-France.

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