Laïcité : un fil à plomb indispensable à la cohésion de la république i
Il y a cent vingt ans, le 9 décembre 1905, était promulguée la loi de séparation des Églises et de l’État. Révolution ambitieuse, ce texte a été conçu pour inscrire la laïcité au cœur des principes de la République.
L’histoire a largement démontré l’âpreté du combat politique mené par ceux qui incarnaient « la modernité de l’État » contre les tenants de l’ordre moral.
Ni un dogme ni un catéchisme, le principe de laïcité protège la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire.
La laïcité n’est pas une abstraction juridique.
Elle est née d’un combat : celui des républicains, des libres-penseurs, mais aussi – et surtout – du mouvement ouvrier, qui a toujours vu dans la séparation des Églises et de l’État la condition indispensable pour que les travailleurs puissent se regrouper, s’organiser et défendre leurs droits.
Notre organisation syndicale , issue de la tradition syndicale indépendante et républicaine, l’a toujours rappelé : la laïcité protège les travailleurs, elle les émancipe et elle garantit l’égalité de toutes et tous. Entre laïcité et indépendance, Force Ouvrière n’a pas eu à choisir. Les deux appartiennent à cette école de pensée qui refuse les influences, les pressions, le poids des particularismes, aujourd’hui de plus en plus envahissants. Les replis identitaires, les multiples formes de communautarisme trouvent un terrain d’autant plus favorable que la précarité progresse, la pauvreté s’étend et l’égalité de droit se dissout dans la somme des inégalités sociales et territoriales imposées par des politiques économiques contraires aux intérêts des travailleurs.
Dans le monde du travail, la laïcité garantit la neutralité de l’employeur public, l’égalité de traitement entre salariés, l’absence de pression religieuse, morale ou communautaire, et la possibilité pour chacune et chacun de vivre sa vie spirituelle, ou non, dans la sphère privée.
La neutralité de l’État garantit l’universalité des droits – ce qui est le cœur de notre syndicalisme.
Quand certains voudraient y ajouter des exceptions, l’« adapter » ou l’affaiblir, notre organisation syndicale a toujours répondu : la laïcité ne se découpe pas et ne se négocie pas. Cette vigilance, nous l’avons toujours portée.
La laïcité permet de lutter contre les divisions, contre tout ce qui attaque l’unité des salariés. Le rôle du syndicat n’est pas d’arbitrer des identités religieuses, mais de défendre les droits collectifs, les libertés syndicales et les conditions de travail.
La laïcité est donc un outil, un cadre, une protection.
Elle permet au syndicat de rester indépendant, et aux travailleurs d’agir ensemble, quelles que soient leurs convictions personnelles.
Pour notre organisation syndicale , défendre la laïcité, c’est défendre la République sociale.
Elle est un fil à plomb indispensable à la cohésion de la République, un fil qu’il ne faut surtout pas relâcher ou couper.
La laïcité est – et doit rester – l’outil républicain permettant de tenir ensemble une société diverse, plurielle, riche de ses différences mais unie par un cadre commun.
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Une nouvelle étude collective
Que vive la laïcité ! 50 contributions pour les 120 ans de la loi de 1905
Une nouvelle étude collective publiée par la Fondation Jean Jaures
La laïcité, principe fondateur de notre pacte républicain, consacrée par la loi de 1905, fête ses 120 ans. À cette occasion, une étude revient sur plus d'un siècle d'histoire et interroge l'évolution du modèle français face aux défis contemporains - qu'ils soient politiques, culturels ou sociaux. Croisant les analyses de chercheurs, experts, responsables publics et acteurs associatifs, elle éclaire les enjeux d'aujourd'hui et esquisse les perspectives d'une laïcité fidèle à ses valeurs d'origine dans une société en mutation.
Coordination : Hadrien Brachet, Iannis Roder, Laurence Rossignol et Milan Sen
Avec les contributions de Gérard Biard, Abdennour Bidar, Hadrien Brachet, Adrien Broche, Margot Brunet, Gwénaële Calvès, Gilles Candar, Chahla Chafiq, Médéric Chapitaux, Renaud Chenu, Jacqueline Costa-Lascoux, Laure Daussy, Hélène de Comarmond, Frédérique de La Morena, Isabelle de Mecquenem, Carole Delga, Jean-Numa Ducange, Cécile Fadat, Philippe Foussier, Delphine Girard, Rita Hermon-Belot, Catherine Kintzler, Paul Klotz, François Kraus, Smaïn Laacher, Jacqueline Lalouette, Thomas Lemahieu, Sophie-Anne Leterrier, Didier Leschi, Denis Maillard, Frédéric Marchand, David Medioni, Pierre Ouzoulias, Emma Rafowicz, Iannis Roder, Laurence Rossignol, Stéphanie Roza, Jérémie Peltier, Henri Pena-Ruiz, Aurore Pageaud, Dominique Schnapper, Jean-Paul Scot, Alain Seksig, Milan Sen, Daniel Szeftel, Odile Tourneux, Stéphane Troussel, Patrick Weil et Nathalie Wolff
Découvrez l'étude
La laïcité, principe fondamental du service public
Dans le contexte actuel de débats récurrents sur l’application de la loi de 1905 et sur la place de la
laïcité dans les services publics, la Fédération Générale des Fonctionnaires Force Ouvrière (FGF-FO)
réaffirme fermement son attachement à la laïcité et à la Loi de séparation des églises et de l’État.
C’est l’aspiration à la liberté qui guide cette loi comme le montre son article premier : « la république
assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions
édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public »
La neutralité de l’État est le corollaire de la liberté de conscience des citoyens.
Pour la FGF-FO, ce principe est indissociable de l’exercice des missions publiques :
• Il protège les usagers comme les agents.
• Il garantit l’égalité de traitement.
• Il préserve la neutralité et l’impartialité des services publics.
FO rappelle que la laïcité n’est ni une option, ni une opinion, mais un principe républicain permettant
à chacun de vivre librement ses convictions, dans le respect des règles communes
Triste anniversaire pour la laïcité
Triste anniversaire pour la laïcité : modeste contribution aux célébrations des 120 ans de la loi du 9 décembre 1905.
Le 120ème anniversaire de la loi de 1905 m’a laissé une sorte de gout amer. Une sorte de tristesse. Pourtant les bonnes nouvelles ne manquent pas pour la laïcité, comme ce sondage de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès « 120 ans après le vote de la loi de 1905, quel regard les Français portent sur la laïcité ? » qui révèle que 65 % des Français sont satisfaits de la séparation entre les Eglises et l’État, contre 61% en 1989. Mais derrière cet unanimisme apparent je ressens une grande confusion sur ce principe fondamental de notre République alimenté par l’instrumentalisation et par l’hystérisation des débats dont il est l’objet.
Je suis allé célébrer hier les 120 ans de la loi fondatrice du 9 décembre 1905 « concernant la séparation des Eglises et de l’Etat » en assistant au colloque organisé à l’Assemblée nationale par la Fondation Jean Jaurès sous le titre « Que vive la laïcité ! », à l’occasion de la parution de son rapport éponyme sur le sujet.
J’ai préféré cela au multiples manifestations de catho-laïcité mâtinées d’islamo-laïcité qui se sont répandues cette année. Certes la loi de 1905 qui, on ne le répétera jamais assez, ne parle pas de laïcité mais de séparation des Eglises (i.e., dans le langage de l’époque, des religions en tant qu’institutions humaines) et de l’Etat (en fait la République, i.e. ce qui fonde la communauté, le commun national, et vise non seulement l’Etat, mais aussi les collectivités territoriales et la Sécurité sociale), affirme dans son article 1er la liberté de conscience et de culte (i.e. ce qu’on peut appeler la liberté de religion) ; et c’est heureux : cet article, qui n’était pas prévu initialement et fut ajouté sur la proposition d’Aristide Briand, était nécessaire pour qu’il n’y ai pas de malentendu sur la visée d’un projet qui ne se voulait pas antireligieux. Mais telle n’est pas la visée de la loi. Il s’agissait bien, c’est la signification du terme de séparation, d’une mise à distance des religions, principalement, à l’époque, de la catholique et romaine, pour éviter à la fois son emprise sur les consciences et ses trop nombreuses incursions dans la vie en société et dans les débats politiques. Et si la loi est areligieuse au regard des convictions elle institue, ce que l’on a tendance à oublier, une police des cultes qui réglemente donc les formes de manifestation des religions dans l’espace public, y compris les lieux de culte.
C’est pourquoi la récupération de la laïcité par les religions me hérisse. Entendons nous bien ; je me réjouis qu’elles reconnaissent aujourd’hui le caractère laïque de la République tel qu’affirmé dans l’article 1er de la Constitution. Mais cela me gène (le terme est faible) qu’elles n’en retiennent que le principe de la liberté religieuse et en oublient les exigences qu’elle implique pour elles, comme j’avais eu l’occasion de le rappeler dans Témoignage Chrétien en 2019. Cela me gène qu’elles tendent à assimiler laïcité et dialogue interreligieux : la laïcité est sans doute un facteur favorable au dialogue interreligieux, et même plus largement interconvictionnel dans lequel je suis d’ailleurs engagé, en insufflant dans la société un esprit de tolérance, mais elle est aussi neutre sur ce sujet que sur le fait d’être croyant ou pas : elle n’y incite pas plus qu’elle ne l’empêche. Toute révérence des institutions religieuses au principe de laïcité devrait commencer par un examen de conscience historico-critique, comme avait su le faire le journal La Croix sur son antijudaïsme fondateur en novembre 2023 dans une enquête intitulée « Aux racines de l’antisémitisme de La Croix ». Toute révérence des religions au principe de laïcité devrait s’accompagner d’une dénonciation du cléricalisme en leur sein, comme avait su le faire et à plusieurs reprises, hélas sans en tirer vraiment les conséquences, le pape François.
Tout cela m’attriste énormément. Mais ce qui m’attriste plus encore c’est que la laïcité soit aujourd’hui instrumentalisée au service d’un discours raciste et islamophobe par une extrême droite qui apparait pour beaucoup comme défendant mieux la laïcité que la gauche dont ce fut longtemps un marqueur : aujourd’hui seuls 24% des Français estiment que c’est la « gauche » qui est la tendance politique qui défend le mieux la laïcité en France, contre 49% en 2005, et 31 % pour la droite et l’extrême droite. Pour l’extrême droite et pour une partie croissante de la droite cette soit disant « laïcité » ne vise que l’expression de l’islam dans l’espace public et derrière les musulmans les français et immigrés d’origine maghrébine, autrement dit les « arabes », avec l’idée qu’elle pourrait, avec d’autres mesures, servir de digue au « grand remplacement ».
Cela révèle aussi le trouble que produit dans la société française la montée, qu’il faut d’ailleurs relativiser, mais surtout la visibilité croissante de l’islam. D’ailleurs 67% des français sont favorables à l’interdiction du port des signes religieux visibles dans l’espace public pour tout le monde, ce qui n’a pas été retenu après 1905 et vise principalement les musulmans, qui n’y sont d’ailleurs favorables que pour 36 % d’entre eux et les juifs pour qui elle n’est pas testée (contre 80 % pour les catholiques à qui il faudra sûrement expliques qu’elle devra s’appliquer aux prêtres et aux religieuses en habit et au port de croix ostentatoires dans l’espace public).
Il faut bien dire aussi que cela est alimenté par une partie des musulmans qui n’acceptent pas les principes de laïcité : combien de mariages musulmans sont célébrés avant (ou sans) que le mariage civil l’ait été, contrevenant ainsi à un principe inscrit dans notre droit depuis 1804 ? On ne peut que regretter, comme le faisait hier Eric Weil, relayé sur ce point par Abdenour Bidar, que la disposition de la loi de 1905 qui prévoyait son application aux départements d’Algérie n’ai jamais été appliquée, les gouvernements ayant prolongé la période transitoire qu’elle avait prévue jusqu’à …. l’indépendance. Cela aurait permis de développer un islam respectueux de la laïcité, comme finalement, bon gré mal gré, cela s’est passé pour le catholicisme dans l’hexagone
Ce qui m’attriste aussi c’est le reniement d’une partie de la gauche aux exigences de la laïcité par complicité électoraliste avec une partie de la population d’origine musulmane qui se sent à la fois agressée par les discriminations dont elle est l’objet mais est aussi travaillée par un islamisme plus ou moins rampant, que celles-ci favorisent, un « islamisme d’atmosphère », pour paraphraser l’expression de Gilles Kepel. L’habileté rhétorique de Jean-Luc Mélenchon devant la « Commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste » n’y fait rien : il est clair que le I de LFI consonne de plus en plus avec cet islamisme avec les risques de dérive antisémite qu’il emport.
Mais ce qui m’attriste plus encore, c’est que la laïcité est perçue par une partie importante des plus jeunes générations comme antilibérale. J’ai raconté sur ce blogue comment j’avais pu moi-même, à l’adolescence, partager ce sentiment et il n’y a probablement là pour une part qu’un effet de jeunesse qui ne doit pas inquiéter plus que cela. Mais je crains qu’il n’y ait un mouvement plus profond influencé par le libertarisme, la liberté sans limite d’exprimer ses convictions, comme c’est le cas aux Etats Unis avec le 1er amendement (« Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre. »). Une conception fondamentalement différente de la nôtre, telle qu’affirmée dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dans son article 4, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » confirmé par l’article 10 « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. ». De l’inquisition aux guerres de religions, nous avons trop ce que les religions peuvent créer d’atteintes aux droits de l’homme et à la paix civile. La laïcité c’est, conformément aux principes fondateurs de la République, la laïcité c’est la liberté religieuse organisée de telle sorte qu’elle ne viennent pas mettre en cause d’autres libertés.
Ce qui m’attriste enfin c’est l’hystérisation des débats entre les partisans de la laïcité, pour revenir sur une distinction célèbre, entre une « laïcité ouverte » et « une laïcité de combat », entre une conception libérale d’un côté et une conception intransigeante, anticléricale, de la laïcité, de l’autre. Pour des raisons qui tiennent souvent à leur enracinement culturel dans l’une ou l’autre des deux France (il se trouve que mon histoire a fait que j’ai un pied dans chacune d’elles), les uns et les autres (et j’ai aussi des amis des deux côtés) oublient que la laïcité, c’est à la fois l’une et l’autre, un principe à la fois libéral sur l’expression des convictions et intransigeant sur les risques d’empiètement des religions sur la société.
C’est cette ligne de crête, assumant les deux dimensions de la laïcité, qui a inspiré mes positions sur le sujet depuis que j’ai eu à en connaître : en 2003 quand, à la Cnam, j’ai validé le principe de l’interdiction du port de signes religieux par les agents des caisses de sécurité sociale, ou en 2015 quand j’ai élaboré une charte de la laïcité de la branche famille avec ses partenaires en 2015, ou encore en 2021 quand j’ai proposé que Démocratie & Spiritualité propose l’institution d’une Autorité indépendante pour arbitrer les dilemmes du quotidien dans l’application des principes de la laïcité. Proposition reprise aujourd’hui en des termes un peu différents par Jérôme Guedj. Mais il y a des jours où il est plus difficile que d’autres de tenir cette ligne de crête.
LA LOI SUR LA LAÏCITÉ A 120 ANS
9 DÉCEMBRE 1905-2025 : LA LOI SUR LA LAÏCITÉ A 120 ANS...l'occasion pour L'InFOmilitante de refaire un peu d'histoire sur ce sujet plus que jamais d'actualité!
Le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État est promulguée.
Une loi fondatrice de notre République et qui ne fait pas seulement partie du patrimoine démocratique français : elle est, depuis toujours, au cœur de l’identité et du combat de Force Ouvrière. La laïcité protège les travailleurs, elle les émancipe et elle garantit l’égalité de toutes et tous.
La France a été le premier État moderne à inscrire la séparation de l’Église et de l’État dans le marbre de sa Constitution. La laïcité à la française reste encore de nos jours un exemple quasi unique dans le monde. Cette loi, voulue par le « petit père Combes » et votée à l’initiative d’Aristide Briand, prend ses racines dans les tréfonds de l’histoire de France : les guerres de religion, les Lumières contre l’obscurantisme, la Révolution française de 1789, l’affaire Dreyfus, la montée des idées républicaines et sociales.
De la Saint-Barthélemy à la révocation de l’édit de Nantes, la France s’est déchirée pendant plus d’un siècle. La Révolution française a mis fin aux privilèges de la noblesse, mais aussi à ceux d’un clergé qui s’opposait à l’émancipation du peuple, en particulier dans le domaine de l’éducation. La première séparation date du 18 septembre 1794, quand le budget de l’Église constitutionnelle est supprimé.
Mais en 1802, Napoléon signe le concordat avec le pape et rétablit le catholicisme comme religion d’État. L’Église de France, en particulier sa hiérarchie, prend ouvertement fait et cause pour les régimes antirépublicains (royauté, Empire), puis contre toutes les nouvelles idées socialistes. La bourgeoisie, qui a eu très peur des révolutions de 1848, en particulier celle de juin, impose, dès 1850, la loi Falloux, qui proclame la liberté d’enseignement au profit de l’Église. Mais à la fin du XIXe siècle, les républicains, radicaux et radicaux-socialistes accèdent au pouvoir. L’affaire Dreyfus (1894-1906) va rouvrir les cicatrices entre les milieux réactionnaires-catholiques et les adeptes des avancées de la Révolution française, désormais largement influencés par le socialisme.
C’est Émile Combes qui sera un des symboles de la bataille pour la laïcité. Né dans une famille modeste du Tarn, médecin installé en Charente, radical-socialiste, franc-maçon, il est le président du groupe de la « Gauche démocratique » au Sénat et ministre de l’instruction publique et des cultes en 1895.
En tant que président du Conseil (Premier ministre) de juin 1902 à janvier 1905, il va lancer une vaste campagne anticléricale : fermeture de 3000 écoles congrégationnistes en juillet 1902, rupture des relations diplomatiques avec le Vatican en mai 1904 et interdiction totale d’enseigner aux congrégations en juillet 1904.
Une loi qui vient de loin
La loi qui a donné un cadre juridique stable à la laïcité est l’aboutissement d’une longue série de lois sur les libertés publiques, votées sous la IIIe République. Une sorte d’apogée institutionnel qui a permis, entre autres, un essor social dans les décennies qui ont suivi. Le mouvement ouvrier saura profiter de ces nouveaux espaces de liberté pour se lancer à l’assaut des conquêtes qui modèlent aujourd’hui notre vie quotidienne.
Contrairement à ce que disent et écrivent certains, encore aujourd’hui, la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État n’est pas une loi anticatholique. Si elle a pu le paraître, c’est en raison de la réaction du clergé, qui a mis longtemps à accepter la séparation, s’il l’a jamais réellement acceptée. Il s’agit d’une loi de compromis, après vingt ans de bagarre entre la République et la plus puissante des Églises en France, l’Église catholique.
La liberté de culte est officialisée et l’on sépare simplement ce qui appartient à l’ordre du religieux de ce qui est de l’ordre du politique.
Bref, chacun chez soi sans sectarisme. La Révolution de 1789 ayant supprimé les privilèges de la noblesse et du clergé, la Convention décide que la République ne paiera plus désormais les frais et les salaires des cultes. Mais six mois plus tard, la roue tourne.
La Convention thermidorienne rétablit, le 21 février 1795, les privilèges du clergé non réfractaire (qui n’est pas lié au mouvement chouan ni aux nobles immigrés).
Quant à Napoléon, pour étouffer les souvenirs révolutionnaires et républicains, il se rapproche du Vatican et signe en septembre 1801, avec le pape Pie VII, le Concordat. Le catholicisme ne redevient pas religion d’État (pour ne pas froisser les protestants), mais les clergés sont payés par la République. Aujourd’hui, ce Concordat s’applique toujours dans les deux départements alsaciens et dans celui de la Moselle. En effet, lorsque l’Alsace-Lorraine est redevenue française en 1918, les autorités n’ont pas voulu froisser ce qu’elles ont présenté comme les sentiments religieux de populations sous domination germanique depuis 1870. Cet anachronisme fait qu’aujourd’hui l’enseignement religieux est pratiqué dans les écoles publiques de ces trois départements.
En 1850, la loi Falloux fait entrer en masse les congrégations religieuses dans l’enseignement. Il faudra attendre la Commune de Paris (1870-1871) pour assister à la deuxième séparation de l’Église et de l’État.
Le décret n° 59 de la Commune de Paris, en date du 3 avril 1871, annonce :
« Article 1 : L’Église est séparée de l’État.
Article 2 : Le budget des cultes est supprimé.
Article 3 : Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriétés nationales... »
Avec l’écrasement de la Commune, l’Église, qui s’était ralliée aux Versaillais, reprend toute sa place.
Le contexte politique
Depuis 1869, les radicaux sont conscients qu’il faut faire cesser la mainmise de l’Église sur la jeunesse et qu’il faut conforter l’esprit public pour affermir pleinement la République. En 1895- 1896, le ministre Combes va donc libérer l’école publique des enseignants religieux. Ensuite, au Sénat, il prépare la future loi de 1901 sur les associations.
Cette loi, toujours en vigueur, est une des pierres angulaires de la République. Elle comporte deux parties : la première sur les associations proprement dites et la seconde sur les congrégations. C’est pourtant cette deuxième partie, aujourd’hui oubliée, qui va faire débat.
L’article 1 de la loi de 1901 stipule : « La convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans le but de partager des bénéfices. » À noter qu’il ne s’agit pas de bénéfices lucratifs. Ainsi, deux personnes peuvent fonder une association.
Quant aux congrégations, elles ont trois mois pour se transformer en associations. Mais ces dernières refusent très souvent.
Les élections de 1902 se font en grande partie sur la loi de 1901 et son application aux congrégations. Les conservateurs et le clergé se lancent dans une attaque très vive contre la loi. Les radicaux se prononcent au contraire pour son application stricte. L’axe de la majorité républicaine se déplace sensiblement vers la gauche.
Au lendemain des élections, Waldeck-Rousseau, malade et conscient de n’être plus l’homme de la nouvelle majorité, démissionne. Émile Combes lui succède, devenant président du Conseil, mais aussi ministre de l’Intérieur et des Cultes.
C’est ainsi qu’en juin 1902, il fait fermer 127 établissements religieux qui n’avaient pas déposé une demande d’autorisation d’association loi 1901.
En 1904, 2.500 écoles religieuses sont fermées. Même si les chiffres ne sont pas tous précis, on estime qu’après 1901, 500 congrégations religieuses et 3.000 écoles catholiques ont fermé boutique. Les préfets, par arrêtés, vont laïciser à tour de bras les écoles.
De la laïcité
Cette loi promulguée le 9 décembre 1905 n’est pas une loi d’exclusion et de mise au ban des catholiques. Sa première phrase est : « La République assure la liberté de conscience. » C’est aussi cette introduction qui lui vaudra le soutien total des protestants et des juifs. Par ailleurs, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
La loi de séparation contient donc des dispositions libérales : respect de la liberté de conscience, du libre exercice des cultes et de l’organisation interne des religions.
Désormais, être adepte d’une religion ou être athée relève d’un choix individuel. Il ne doit pas non plus être demandé de service public aux différents cultes et les services publics de l’État ne doivent porter aucune marque de caractère religieux.
Le Vatican menace d’excommunier les députés et sénateurs qui ont voté la séparation. La plupart s’en moquent!
Ce n’est qu’en 1923 que la hiérarchie catholique française va accepter la laïcité ou du moins devoir faire avec.
En 1946, la Constitution de la IVe République qualifie la France de « République laïque », et indique que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l’État ». La loi de 1905 a mis fin à des siècles de tensions.
C’est un texte de pacification.
Elle n’est pas un instrument de division, mais un texte qui vise à garantir l’égalité de tous devant la loi. Elle protège la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire. Le syndicalisme libre et indépendant ne peut s’épanouir que dans un cadre laïque, car « lorsque l’État et les Églises se mêlent de la vie sociale ou du travail, ce sont toujours les travailleurs qui en paient le prix ».
Pour FO, la mission est claire : défendre sans relâche la loi de 1905, défendre la liberté de conscience, défendre la neutralité de l’État, défendre l’égalité de toutes et tous. C’est affirmer que la République sociale à laquelle nous croyons, celle des droits, de l’égalité, de l’émancipation, repose sur ce principe intangible : la laïcité. La laïcité est – et doit rester – l’outil républicain permettant de tenir ensemble une société diverse, plurielle, riche de ses différences mais unie par un cadre commun.
L’INFO MILITANTE