La diversité, source de richesse et de performance : la preuve par la compétition
Contexte
Introduire dans les entreprises davantage de diversité est devenu, ces dernières années, une revendication puis un sujet de gouvernance et de management. Certains s’interrogent toutefois sur les effets de telles “bonnes intentions” sur la compétitivité, d’autant que les études manquent. C’est dans ce contexte que l’exemple de Team Jolokia, répété à maintes reprises en conditions réelles de haute compétition, apporte des éléments de réflexion d’autant plus utiles que ces politiques sont remises en cause, au moins aux États-Unis.
Le fait
Des équipages composés de jeunes et de séniors, d’hommes et de femmes, dont certains avec un handicap, peuvent-ils participer avec succès à des compétitions de voile contre des équipes professionnelles taillées, elles, dans le même moule ? C’est le pari fou remporté à plusieurs reprises par Team Jolokia. Cet exploit a donné lieu à une émission de TF1 vue par 5 millions de téléspectateurs et une bande dessinée, Marins d’audace.
L’explication
Pierre Meisel, marin expérimenté et auteur d’une thèse d’anthropologie sur la manière de faire groupe, crée, en 2012, l’association Team Jolokia pour lancer un défi qui surprend le milieu de la voile : « Nous voulions un équipage associant des juniors et des séniors, des personnes handicapées, des étrangers, des gens aisés et des gens modestes, et bien sûr des femmes, alors que, jusqu’à récemment, on ne pouvait s’inscrire à certaines compétitions si on pesait moins de 80 kg… »[1]
Il fallait recruter 25 personnes, dont 12 à bord par rotation. Des associations et la presse locale de Lorient sont mobilisées et 130 candidats se présentent. Un premier équipage est constitué, entre autres, d’un non-voyant, d’un paraplégique, d’une menuisière aux revenus très modestes et d’un pilote d’Air France. Pierre Meisel sait qu’une grande diversité augmente le risque de conflit et qu’il faut beaucoup de temps pour lever les stéréotypes : ceux sur les autres (« Une femme n’aura jamais la force »), sur soi-même (« Quand il y aura plus de vent, je n’y arriverai pas »), sur la façon dont on est vu par les autres (« Je ne serai pas écouté »). Un enjeu majeur est de travailler les points forts de chacun. Par exemple, un non-voyant développe le sens du toucher, ce qui en fait un excellent barreur, mais oblige aussi les autres à expliciter chaque manœuvre ; la communication et les procédures s’en trouvent améliorées.
L’objectif de Team Jolokia était de se classer dans la première moitié du tableau des courses de haut niveau, mais elle fait beaucoup mieux, puisqu’elle est régulièrement sur les podiums. Pierre Meisel témoigne : « Je garde un souvenir précis de la Middle Sea Race. Les conditions étaient particulièrement difficiles, avec des vents à 50 nœuds et des vagues de 6 à 9 mètres. Sur 130 concurrents, 67 ont abandonné. Quand les professionnels arrivés après nous ont vu qu’une petite jeune femme ou un homme en fauteuil roulant se tenaient prêts à saisir leurs amarres, leur regard sur notre équipage a changé. »
Le commentaire
Les politiques d’inclusion sont rarement affirmées comme des sources de compétitivité. La thèse de Pierre Meisel et la preuve qu’il a apportée à maintes reprises avec Team Jolokia est que la diversité peut être une richesse, un facteur d’attractivité et de compétitivité, à condition de savoir comment en tirer parti. Lever les stéréotypes, s’appuyer sur les points forts, susciter la volonté de réussir ensemble sont des modalités au service d’un but pour lequel il n’est pas question de transiger : arriver à la performance grâce à la diversité. L’association Team Jolokia partage désormais ces enseignements avec des entreprises, par des conférences et des formations d’accompagnement à la gestion de la diversité.
[1] Les citations de cet articles sont extraites d’une intervention de Pierre Meisel, « L’efficacité dans la diversité, la preuve par Jolokia », séminaire Économie et sens de l’École de Paris du management, séance du 6 avril 2016.
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