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Intégrer l’ESG : une clé pour la résilience
Alors que les thématiques de compétitivité et de souveraineté reprennent de l’ampleur en Europe, que le gouvernement américain et la commission européenne réduisent leurs ambitions sur les cadres normatifs qui guideront les pratiques des entreprises en matière de durabilité, nous pouvons nous interroger sur les raisons de persister à intégrer les facteurs de durabilité dans les décisions d’investissement. Luisa Florez, Directrice des recherches en finance responsable chez OFI INVEST AM livre ses réflexions...
Pour Ofi Invest AM, l’intégration des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) et de durabilité dans les décisions d’investissement devient de plus en plus une manière de protéger les investissements de nos clients contre les risques systémiques, garantissant la résilience et la création de valeur à long terme pour les entreprises comme pour les investisseurs.
En tant que société de gestion agissant notamment pour le compte de compagnies d’assurance, nous assistons à la flambée des coûts directs qui se répercutent sur les ménages, mais aussi des coûts indirects qui se matérialisent par la hausse de la sinistralité climatique des assureurs.
Les pertes liées aux catastrophes naturelles ont ainsi engendré des coûts directs et indirects de près de 320 milliards de dollars au niveau mondial(1), dont 140 milliards étaient assurés. Les pertes assurées ont été nettement supérieures à la moyenne des 10 et 30 dernières années(2). Les États-Unis représentent 57 % des pertes assurés liées aux événements climatiques extrêmes.
Afin de pérenniser leur activité économique, les compagnies d’assurance ont en conséquence tendance à augmenter les primes dans les zones à haut risque. Elles peuvent même aller jusqu’à se retirer de la zone géographique présentant trop de risques. Ce phénomène a déjà été observé dans certaines régions de Californie, de Floride et dans d’autres régions aux États-Unis. En France, fin 2023, de nombreux contrats ont été résiliés en Bretagne et en Vendée en raison de la répétition des aléas climatiques. En 2023, 67 % des logements sont sous-assurés aux États-Unis, ce qui se traduit par une couverture limitée et par une prise en charge par des assurances gouvernementales(1).
Un rapport du Comité budgétaire du Sénat américain de 2024 a averti que l’effondrement des valeurs immobilières dans les zones non assurées pourrait « déclencher une crise à grande échelle similaire à celle de 2008 ». Selon l’EIOPA(3), cet « écart de protection » oblige à repenser les modèles traditionnels qui reposent encore sur des données historiques qui ne reflètent plus les défis systémiques actuels(4).
Ces différents facteurs encouragent de plus en plus les investisseurs à développer des scénarios prospectifs pour définir une allocation de capital en ligne avec ces risques et, en conséquence, à repenser leur construction de portefeuille.
Car, l’objectif principal est d’identifier les différents risques, financiers et non-financiers, qui pourraient impacter la valeur de long terme des investissements mais aussi de repérer les opportunités offertes par un système plus résilient et créateur de valeur dans l’économie réelle(5).
REPENSER LES MODÈLES ÉCONOMIQUES TRADITIONNELS
Chez Ofi Invest AM, nous avons revu la manière dont nous définissons les scénarios macroéconomiques, partant du constat que les investissements publics et privés actuels sont insuffisants pour permettre une réelle transformation de l’économie réelle.
Nous nous sommes concentrés sur le risque climatique, car nos plus grands clients sont signataires de l’initiative Net Zero Asset Owners (NZAOA) qui implique une fixation des objectifs liés à la transition et une démarche d’engagement alignée avec ces objectifs. En conséquence, nous avons développé un scénario alternatif Net Zero qui capture les risques macroéconomiques et financiers induits par la transition au niveau des classes d’actifs sur un horizon de dix ans.
Il peut être comparé à un scénario de référence pour évaluer l’impact des risques de transition sur les différentes classes d’actifs et orienter l’allocation stratégique.
LES RISQUES ESG NE SONT PLUS PÉRIPHÉRIQUES
Selon une étude de MSCI(6), les pratiques ESG robustes peuvent agir comme un bouclier contre les chocs systémiques. Les entreprises bien notées sur les aspects ESG gèrent plus efficacement leurs ressources, maintiennent la transparence et adoptent des stratégies prospectives, ce qui contribue à réduire leur vulnérabilité.
Dans le cadre de notre analyse des pratiques des entreprises, nous avons analysé les coûts des controverses(7) ou des litiges les plus emblématiques depuis 2013. Alors que ces événements étaient souvent qualifiés de « tail risks » (risques extrêmes), la fréquence des controverses et les coûts associés nous montrent que cela peut provoquer des faillites.
En 2019, PG&E* (Pacific Gas and Electric Company) a été la première entreprise à faire faillite en raison du changement climatique, à la suite des incendies en Californie. Les amendes liées à des controverses ESG peuvent atteindre des montants colossaux allant jusqu’à 25 milliards pour Volkswagen* (Dieselgate) en 2016.
Les risques extra-financiers peuvent se traduire en risques financiers majeurs, affectant non seulement la réputation mais aussi la structure de capital et la capacité de remboursement des entreprises
(1) « When do you pull the trigger? » Rethinking insurance exposure in a warming world.
(2) Source : Munich Re Septembre 2025 : Climate change is showing its claws: The world is getting hotter, resulting in severe hurricanes, thunderstorms and
floods | Munich Re.
(3) L’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) est l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.
(4) Source : Bridging insurance protection gaps: regulation, incentives and coordination (Eurofi Magazine, septembre 2025) sur le site officiel d’EIOPA.
(5) Source : Addressing system-level risks and opportunities - a guide for investors. PRI November 2025.
(6) Source : Sustainability as a Leading Indicator for Credit Events – Septembre 2025, MSCI.
(7) Une controverse est définie comme un événement (ou une série d’événements) ayant un impact négatif sur les facteurs de durabilité et des conséquences
financières, réputationnelles ou opérationnelles potentielles.
* Les sociétés citées ne le sont qu’à titre d’ information. Il ne s’agit ni d’une offre de vente, ni d’une sollicitation d’achat de titres.