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12 / 04 / 2024 | 46 vues
Valérie Forgeront / Membre
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Austérité : zoom sur un patchwork d’attaques

Projets, réformes, mesures… Les annonces se multiplient, façon capharnaüm, particulièrement depuis ces derniers mois. Mais, difficile de ne pas le constater, tous ces projets sont reliés par le même fil : l’austérité sur les dépenses publiques.
 

L’exécutif martèle ainsi de plus en plus fort son objectif : réduire la dette au plus vite et ramener coûte que coûte, et ce malgré une conjoncture économique plus qu’incertaine, le déficit public en 2027 sous le seuil de 3% du PIB, règle fixée par le pacte européen de stabilité.

 

Cette volonté d’appliquer une trajectoire sévère préside les choix de l’exécutif, lesquels se traduisent par des attaques en règle. Est ainsi visée la diminution des droits des travailleurs, ceux des plus fragiles, les demandeurs d’emploi et les seniors. En lien, le paritarisme est malmené. Ainsi en est-il du respect de la liberté de négocier des interlocuteurs sociaux, du respect des accords signés, ou encore du respect de la gestion paritaire.

 

Droit dans le viseur de l’exécutif aussi, la fonction publique, les moyens des services publics, l’emploi, les salaires et le modèle de rémunération des agents. 

 

Le projet d’une loi Fonction publique a été annoncé par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, dès l’an dernier. Il a été confirmé le 16 janvier 2024 par le président de la République, puis par le Premier ministre, Gabriel Attal, le 30 janvier, annonçant un texte présenté au second semestre à l’Assemblée, donc repoussé de six mois.

 

Depuis, c’est le silence radio.

 

Le ministère avait indiqué l’an dernier, aux huit organisations syndicales représentatives dans le public (5,7 millions d’agents), qu’il y aurait des rencontres après l’été sur ce projet...


Il n’en a rien été, indique Christian Grolier, le secrétaire général de FO-Fonction publique,  qui  s’est opposé dès son annonce à cette réforme, venant après la loi de Transformation de 2019, « véritable miroir de la loi Travail et des ordonnances Macron », ou encore après la création en 2014 d’un nouveau régime indemnitaire Rifseep (1) basé sur une logique fonctionnelle.

 

Dans l’étau de l’austérité

 

Le projet actuel objectiverait, lui, entre autres, de placer la notion de « mérite » au cœur de la rémunération, et non la revalorisation massive du traitement indiciaire. Stanislas Guerini déclare vouloir « rendre de la liberté aux employeurs pour pouvoir définir le mérite », évoque la création de plans d’intéressement collectifs, la nécessaire « performance » des agents, ou encore la possibilité de les licencier.

 

Le projet, toujours non détaillé, ressemble toutefois à une nouvelle attaque du cadre statutaire. Mais pour l’instant il reste dans l’ombre et le ministère, communiquant sur les anciennes dépenses en matière de rémunération, tente de faire oublier qu’au fil des mesures d’austérité décidées, l’étau se resserre sur la fonction publique, notamment sur ses moyens pour une réelle amélioration des carrières et des rémunérations des personnels.

 

À la réduction des dépenses publiques à hauteur de seize milliards d’euros en 2024, actée par la loi de finances, s’est ainsi ajoutée l’annonce, par Bercy, d’un gel des crédits de l’État de dix milliards d’euros. Le 22 mars, le président de la République prônait un « nouvel effort budgétaire ». Quant à 2025, est déjà programmée une réduction supplémentaire des dépenses publiques à hauteur de vingt milliards d’euros.

 

Discuter des mesures d’une loi fonction publique, entre autres, « nécessite que le ministre ait malgré tout un peu de sous à lui consacrer, ironise Christian Grolier. Or les annonces de réduction des dépenses signifient qu’il n’y a plus aucune marge de manœuvre [budgétaire, NDLR]. La fonction publique est en situation de stand-by [d’attente, NDLR] ».

 

Pacte 2  ou le projet de nouveaux cadeaux au patronat

 

En avant la « simplification » à travers une loi Pacte 2 dont le texte, qui devait être présenté initialement début 2024, le serait « d’ici quelques semaines », a déclaré le ministre de l’Économie le 13 mars devant le Sénat, lequel vient de décider le 19 mars la création d’une nouvelle instance, le Haut conseil à la simplification pour les entreprises.

 

Le projet de l’exécutif se veut un second volet de la loi Pacte de 2019, le « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », qualifiée alors par FO de régression sociale.

 

La Pacte 2 entend encore « faciliter la vie des entreprises ».

 

Fin 2023, Bercy a travaillé avec le patronat pour co-construire des mesures de « simplification », loin de se limiter à un petit toilettage de normes. Car le projet vise aussi la réalisation d’économies.


Le 30 janvier, le Premier ministre indiquait, sans préciser, que « des démarches et des complexités du quotidien » font perdre chaque année « 60 milliards d’euros ». Et d’évoquer l’arrivée après l’été d’une réforme du droit du travail. Exécutif et patronat se montrent en phase et posent à l’évidence un lien entre « simplification » et réduction des droits des salariés. Menaces sur les seuils, accords de branche…

 

Le ministre de l’Économie a ainsi fait part depuis plusieurs mois de son souhait d’une réduction – de douze mois à deux – du délai de recours devant la justice prud’homale en cas de licenciement.

 

La CPME a présenté en janvier quatre vingts propositions de simplification, dont le relèvement des seuils d’effectifs qui déclenchent des obligations légales pour les entreprises.

 

Pour le Medef, « les seuils sociaux restent un enjeu », mais « ce n’est pas la priorité ». Son président, Patrick Martin, peste lui contre « le surpoids des impôts de production et un financement de la protection sociale reposant trop sur les salaires ».

 

Rappelons que les aides publiques aux entreprises représentent un manque à gagner annuel de 160 milliards pour les finances publiques, dont la moitié est due aux exonérations de cotisations sociales…

 

Un rapport de parlementaires de la majorité présidentielle sur les simplifications, remis au gouvernement à la mi-février, est garni lui de quatorze propositions menaçantes aussi pour les droits : relèvement des seuils, possibilité pour certaines entreprises de déroger aux accords de branche, allégement d’obligations (notamment sur le CSE), réduction des délais de contentieux, dont prud’homaux, à six mois, flexibilité accrue du recours au temps partiel par abaissement – sous les vingt-quatre heures hebdomadaires actuelles – de la durée minimale du temps de travail…

 

Le gouvernement entend s’inspirer de ces propositions pour le texte de loi. FO s’est élevée à nouveau contre le risque de « régression », et s’oppose à tout « recul social »

 

Coupes budgétaires… la surenchère!

 

Les lois de finances pour 2024 avaient acté une économie sur les dépenses publiques à hauteur de 16 milliards d’euros (notamment par la fin du bouclier tarifaire sur l’énergie), le décret publié le 22 février a ajouté un gel des crédits de l’État de 10 milliards d’euros.

 

« L’austérité enfin assumée », et en « sacrifiant les services publics », s’indignait la confédération, mettant en garde contre cette « cure qui, loin d’aboutir à la stabilité des finances publiques, conduira à accélérer le ralentissement économique et la récession ».

 

Et de rappeler que « le service public est garant de la cohésion sociale.

 

Sans service public, nous n’avons plus rien ».

 

Moyens effacés, politiques publiques affaiblies Le décret induit de moindres recrutements, des moyens de fonctionnement amputés, à l’État et chez des opérateurs publics, des politiques publiques rapetissées…

 

Ainsi est décidé un reste à charge (a priori de 100 euros) pour les travailleurs dans le cadre des formations engagées via le CPF.

Or, à plus de 80% elles le sont par des ouvriers et des employés. Le dispositif MaPrimeRenov’ perd aussi de la voilure avec un milliard d’euros de crédits ôtés. Le gel impacte globalement tous les secteurs.

 

À titre d’exemples : Recherche, enseignement supérieur et enseignement scolaire perdent plus de 1,5 milliard d’euros, Travail et emploi, quelque 1,1 milliard, soit 5% des crédits gelés. Écologie, développement et mobilités durables voient disparaître 2,13 milliards d’euros de crédits, soit près de 9% de leurs moyens actés par la loi de finances. Le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques perd 94 millions d’euros, soit 7,5% de ses moyens… « Le gouvernement prévoit 700 millions d’euros d’économies sur la masse salariale de l’État et 750 millions d’euros sur les achats. Une réduction des déplacements de 20% et des économies sur l’immobilier avec la réduction de 25% des surfaces de bureaux ».

 

Et cette nouvelle suppression de moyens pourrait n’être qu’un hors-d’œuvre : le président de la République a indiqué le 22 mars que « l’effort » devra être complété.

Est par ailleurs déjà annoncée pour 2025 une réduction des dépenses publiques, à hauteur de 20 milliards d’euros et qui viserait l’État et la protection sociale…!!!

 

(1) Le RIFSEEP ou régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, est l'outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l’État.

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Les annonces ordonnant l’austérité se multiplient, l’exécutif poursuivant toujours l’objectif de résorber au plus vite le déficit public et cela en ne touchant aucunement à la fiscalité, notamment celle des entreprises.

 

Si l’exécutif s’entête à écarter l’apport possible de recettes supplémentaires aux finances publiques, ce qui interroge nombre de spécialistes, il redouble d’idées quant à la réduction des dépenses publiques et à l’attaque des droits collectifs. Alors que les menaces contre les travailleurs sont clairement exprimées, que s’affiche la pression sur le paritarisme et que s’organise la remise en cause du financement de notre modèle social, FO a inscrit dans la résolution générale de son récent CCN la nécessité de discuter, dans le public comme dans le privé, des moyens d’action afin de porter un coup d’arrêt aux politiques d’austérité .

 

Je vous garantis la stabilité fiscale, nous n’augmenterons pas vos impôts, martelait le ministre de l’Économie le 3 avril à Paris devant un parterre de chefs d’entreprise. Cela visait à rassurer le patronat sur, entre autres, la fin promise en 2027 de la CVAE (impôt sur la valeur ajoutée, plus de 8 milliards d’euros de recettes initialement).

 

Pour le Medef, l’État et les collectivités, ainsi que les systèmes de santé, doivent faire des efforts considérables sur leurs dépenses. En revanche, il est hors de question de toucher à la fiscalité des entreprises et à leurs aides publiques (160 milliards d’euros par an). À l’évidence, l’exécutif n’en a pas l’intention.

 

Il concentre ses attaques sur les droits des travailleurs, et des assurés sociaux. Nous devons réfléchir plus globalement au financement de notre modèle social, assène ainsi Bruno Le Maire. Le Premier ministre annonce une réforme de l’Assurance chômage à l’automne (la lettre de cadrage devrait arriver d’ici juin), cela alors que le taux de chômage risque de grimper autour de 8 % fin 2024. Est entre autres envisagée une réduction de la durée d’indemnisation des seniors.

 

Plus largement, l’exécutif entend engager une nouvelle réforme du marché du travail. Il semble aussi projeter de s’attaquer aux arrêts de travail, par l’augmentation du nombre de jours de carence, de trois à sept, éventuellement.

 

Est aussi annoncé pour ce printemps un texte de loi de « simplifications », Pacte 2, s’appuyant sur les propositions des entreprises (notamment de la CPME). Sont dans le viseur les CSE, le recours aux prud’hommes, le temps partiel… Autres attaques ?

 

Dès le mois de mai, l’utilisation du CPF pour une formation induira pour le salarié un reste à charge de 100 euros. Depuis avril, les assurés sociaux ont vu doubler les franchises sur les médicaments, les consultations paramédicales et les transports sanitaires...

 

Discuter des moyens d’action afin de porter un coup d’arrêt aux politiques d’austérité

 

Si le Premier ministre annonce, sans détails, l’arrivée en juin de mesures de taxation des rentes, pour une application dès cette année (le président de la République a toutefois déclaré le 8 avril son refus d’une loi de finances rectificative pour 2024), ce n’est en rien une entorse au credo : la réduction sévère des dépenses publiques, pour un déficit public ramené à 3 % du PIB en 2027.

 

À la réduction des dépenses publiques, 16 milliards d’euros en 2024, a été ajoutée une coupe budgétaire de 10 milliards d’euros, douloureuse pour les missions publiques. Et d’autres mesures viendront en complément, avertit l’exécutif tandis qu’est déjà prévue une réduction des dépenses, à hauteur de 20 milliards d’euros en 2025.

 

Dans ce contexte de croissance déjà faible (à 0,8 % sur 2024 selon la Banque de France) et de chômage qui augmente, le cercle vicieux est enclenché, s’alarme FO. Les agences internationales de notation, Fitch et Moody’s, viennent, elles, de prôner encore plus d’austérité. Idem pour Scope, exprimant toutefois sa crainte de mouvements sociaux, à l’image de la mobilisation syndicale contre la réforme des retraites. Le CCN de FO a appelé le 28 mars à l’organisation d’assemblées générales dans les entreprises et administrations pour discuter des moyens d’action afin de porter un coup d’arrêt aux politiques d’austérité.