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01 / 12 / 2010
Marie-Noëlle Auberger / Membre
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Normaliser la responsabilité sociétale

Une norme pour la RSE reconnue internationalement... On aurait pu croire que l’Organisation Internationale du Travail, qui rassemble trois des principaux acteurs de l’activité humaine, à savoir les employeurs, les salariés et les États, se saisirait du problème et en émettrait des recommandations. On aurait pu penser que l’Organisation des Nations Unies irait plus loin que le pacte mondial (Global Compact), qui reste essentiellement déclaratif et sans contrôle… Mais hors du système des Nations Unies, une association internationale de droit privé, l’Organisation Internationale de Normalisation, plus connue sous son sigle anglophone ISO (International Standard Organisation), qui a tenté de donner officiellement un cahier des charges de la responsabilité sociale des entreprises.

Publication officielle le 4 novembre 2010


C’est au début du siècle et à la demande du groupe des consommateurs que l’ISO s'est à réfléchir à une norme sur les rapports entre les entreprises et la société, c'est-à-dire la responsabilité sociale de l’entreprise. Débutés en 2005 sous un double patronage brésilien et suédois, les travaux proprement dits ont duré cinq ans, 83 pays ayant désigné des experts pour participer aux travaux, lesquels ont été ponctués de conférences globales, de Salvador de Bahia au Brésil à Copenhague au Danemark. La norme a été votée en septembre 2010 et la publication officielle a eu lieu le 4 novembre 2010.

Les lignes directrices d’ISO 26 000 s’inspirent de l’existant (les « meilleures pratiques » développées par les initiatives socialement responsables dans les secteurs public et privé) et surtout elles veulent être cohérentes avec les déclarations et les conventions de l’Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées, textes que les lignes directrices ne doivent pas concurrencer mais compléter. Après une certaine confusion en début de parcours, l’ISO a établi un protocole d’accord avec l’Organisation Internationale du Travail pour garantir la cohérence d’ISO 26 000 avec les normes de celle-ci, et coopéré avec le Bureau du Pacte Mondial de l’ONU et l’OCDE.

  • Dans le cours des travaux, les États-Unis, dans le droit fil de leur exception impériale, (ils n’ont pas ratifié les conventions fondamentales de l’OIT concernant la liberté syndicale et les discriminations et ne reconnaissent pas l’action du Tribunal Pénal International envers leurs propres citoyens, entre autres) ont tout fait pour amoindrir la portée du texte en imposant des clauses restrictives, qui ont été acceptées du fait de la recherche du consensus. Ainsi, ISO 26 000 n’est-elle pas une norme impérative pour l’OMC et elle ne peut pas être invoquée devant les tribunaux. Néanmoins, les États-Unis ont été l’un des cinq pays a avoir voté contre l’adoption d’ISO 26 000, avec Cuba, l’Inde, l’Iran et le Luxembourg.

« Il convient de »


Les lignes directrices ne sont pas certifiables et leur application n’est pas obligatoire. Le texte n’emploie jamais les termes « il faut » ou « il est nécessaire », mais abondamment « il convient de », « s’il y a lieu », « dans la mesure du possible ». Ce n’est pas là le plus important car elles peuvent avoir un effet d’entraînement et peut-être d’alignement. On peut espérer que l’existence de ces lignes directrices mettra un peu d’ordre dans l’éparpillement des grilles d’évaluation extra-financières (même si d’éminents spécialistes n’y croient pas). Les consultants adaptent leur méthodologie à ISO 26 000 et certains comités nationaux sortent leur propre norme, qui sera certifiable. Les organisations syndicales sauront-elles en faire un outil pour le dialogue social ? Probablement pas toutes.

Ce qui nous paraît le plus important, c’est qu’ISO 26 000 établit explicitement que la responsabilité sociétale n’est pas de la philanthropie et que les organisations se doivent d’intégrer la responsabilité sociétale dans les systèmes et les procédures de l’organisation. Les organisations (entreprises au premier chef, vu la puissance des multinationales) ne peuvent pas se proclamer socialement responsables parce qu’elle font du mécénat sportif ou même humanitaire, alors que leur personnel est psychologiquement assujetti ou que leurs sous-traitants sont étranglés par les tarifs imposés. La responsabilité sociétale n’est pas un supplément offert quand l’essentiel est soumis au diktat de la finance, elle est intégrée aux processus de prise de décision ou elle n’existe pas réellement.
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