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04 / 10 / 2013 | 5 vues
Sophie Berlioz / Membre
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Les conditions d’une expertise CHSCT efficace

Expert CHSCT, DRH, avocat de direction, avocat des CHSCT. Tous les acteurs potentiels d’une expertise CHSCT se trouvaient à la table des intervenants du Café Social du 10 septembre, organisé par le Miroir Social au Procope, à Paris. Un tour de table porté par le cabinet d’expertise Émergences qui tenait à mettre en débat les conditions de l’efficacité des expertises CHSCT face à une cinquantaine de représentants du personnel et de direction. Les missions des experts ne serviraient-elles donc qu’à faire traîner les restructurations sans toutefois pouvoir les infléchir ?

Accepter la controverse

« Le préalable d’une expertise efficace tient dans la capacité d’une direction à accepter une controverse argumentée que notre mission vise à soutenir. Il est sain pour l’organisation d’aller au-delà du simple droit à l’expression pour reconnaître un droit à la controverse. Notre mission ne s’inscrit pas dans l’accompagnement des salariés aux changements décidés de façon unilatérale par la direction », estime Christian Jacques, président d’Émergences. Reste maintenant à s’entendre avec les directions sur l’efficacité de cette controverse. « Je n’ai pas de problème avec le mot controverse à partir du moment où cette dernière repose sur la recherche de solutions pragmatiques. L’expertise doit être utile aux salariés et aux entreprises. Or, celle-ci devient souvent un objet incontrôlable du fait de postures devenues trop idéologiques », considère Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH, qui s’interroge sur la qualité globale de ces rapports qui regorgent de lapalissades au niveau des préconisations. Et celui-ci de préciser que « la question du coût des expertises n’est pas un sujet ». « Une expertise inutile est toujours trop chère », rebondit Christian Jacques qui précise que son cabinet est amené à refuser de conduire des expertises lorsque les conditions de l’efficacité des missions ne sont pas réunies. Notamment quand les représentants du personnel tiennent coûte que coûte à obtenir des rapports à charge. « Un bon rapport est avant tout objectif avec des préconisations les plus précises possibles. Pour cela, je conseille aux experts de bien écouter les directions afin de comprendre comment on en est arrivé à la situation qui justifie l’expertise », explique Samuel Gaillard, avocat auprès des CHSCT. L’occasion pour Jean-Christophe Sciberras de se déclarer favorable à « un suivi dans la mise en œuvre des préconisations de l’expert par le CHSCT ». De concert, les participants à ce café social n’ont alors pas manqué de faire remarquer la faiblesse des moyens des directions des ressources humaines sur le terrain pour mettre en application les plans d’action décidés par les directions…

Les délais

Se fixer des délais peut contribuer à l’efficacité. La loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013, qui contraint désormais les délais sur les expertises CHSCT liées à des réorganisations avec suppressions de poste, était une revendication patronale. « Auparavant, cela pouvait traîner pendant 6 mois alors qu’un délai tout théorique de 45 jours était censé s’appliquer. Cet encadrement du délai contribue à renforcer l’attractivité de la France pour des groupes internationaux. La sécurisation juridique participe à la compétitivité », considère Pascal Lagoutte, avocat associé chez Capstan, qui a accompagné le MEDEF à l’occasion de la négociation de l’accord préalable à la loi. Un encadrement des délais jugés trop contraints par les cabinets d’expertise, en particulier au moment de la phase préparatoire. Aucun délai ne s’impose en revanche aux expertises sur les risques graves pour laisser le temps de trouver des solutions. Voilà encore pour la théorie… « Nous ne sommes pas opposés à un encadrement des délais sur ces expertises mais à la condition que l’employeur ne puisse plus contester la mission à partir d’un certain moment. Les directions n’auraient ainsi plus l’occasion de faire silence radio après la désignation de l’expert dans un but dilatoire », explique Christian Jacques. Voilà comment des expertises pour risques graves peuvent durer jusqu’à 2 ans.

Le juge

Alors que les juges n’hésitent plus à suspendre des réorganisations en s’appuyant sur les rapports des experts CHSCT, Samuel Gaillard indique « qu’il ne faut toutefois aller au pénal pour aller au pénal. L’essentiel est de parvenir à un accord ». Reste que quand une direction manque de loyauté dans le processus d’information de consultation d’une réorganisation, le rapport de force se tend et l’expertise CHSCT devient l’arme ultime devant un tribunal. « Cette responsabilité dénature un peu le rôle de l’instance », remarque Pascal Lagoutte qui ajoute que « le culte de la vérité expertale dans laquelle se trouve le juge donne un a priori plutôt favorable à une expertise du CHSCT qui ne serait jamais très loin de la vérité judiciaire. Une évolution de la terminologie ne serait pas pour nous déplaire ». En attendant, ces experts jouent parfois un rôle qui n’est pas le leur. « Les CHSCT attendent parfois de nous que nous compensions la faiblesse de l’expression interne dans l’entreprise avec des salariés qui attendent de pouvoir dire comment ils peuvent bien travailler. Mais il relève avant tout de la responsabilité des représentants du personnel de contribuer au droit d’expression », considère Christian Jacques. CHSCT et droit d’expression, voilà un sujet sur lequel ne devrait pas faire l’impasse le prochain rapport sur les éventuelles évolutions de cette instance que Pierre-Yves Verkindt, professeur à l’École de droit de la Sorbonne, doit remettre d’ici la fin de l’année au Ministre du Travail.
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