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03 / 07 / 2017 | 25 vues
maire jacques / Membre
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Les chemins de la transition énergétique : se méfier de la facilité mais ne pas se complaire dans la difficulté

La société mondiale veut éviter la solution de facilité qui consisterait à continuer comme avant, en puisant dans les ressources fossiles pour poursuivre le développement économique. Devant les risques climatiques, elle veut s’engager dans la transition énergétique sans renoncer au développement et avec le trilemme sécurité d’approvisionnement, équité et environnement. Ce dernier est le plus mis en avant, il se traduit par une orientation forte de sortie des combustibles fossiles (notamment le charbon) mais il ne faut pas oublier les autres objectifs, c’est-à-dire ne pas oublier la maîtrise des prix de revient en particulier.

Le chauffage électrique a plutôt mauvaise presse alors que la voiture électrique fait rêver

Techniquement, on peut arriver à tout usage à partir de toute source primaire. Mais pour cela, le chemin technique, économique et temporel peut être plus ou moins long et ardu. Devant un projet où une énergie non carbonée remplace un combustible fossile, il faut se demander si ce remplacement n’aurait pas pu être obtenu par un autre schéma plus simple et éventuellement plus rapide. Il faut aussi voir si l’énergie de remplacement ne pourrait pas être plus utile ailleurs. Il ne faut pas s’enthousiasmer devant une prouesse technologique. Le chauffage électrique a plutôt mauvaise presse alors que la voiture électrique fait rêver. Pourtant, les tonnes de CO2 sont toutes équivalentes dans leurs effets sur le climat. Au stade de l’utilisation, remplacer une tonne de pétrole dans une chaudière ou dans une voiture par de l’électricité mène au même résultat. Dans le système énergétique, deux énergies sont dominantes : le pétrole et l’électricité. Toutes les autres se positionnent en fonction de ces dernières.

Depuis que les inquiétudes sur les disponibilités se sont éloignées dans le temps, le pétrole (après raffinage) a toutes les qualités sauf une : l’émission de CO2. Il est liquide et dense en énergie, donc facile à transporter et à stocker. Il fait l’objet d’un marché mondial qui fixe en fait le prix directeur pour toutes les énergies primaires. Il peut satisfaire tout besoin énergétique ou chimique de façon simple et maîtrisée. Il est notamment imbattable pour un usage dispersé ou mobile.

En revanche, l’électricité a des qualités déterminantes à l’usage : pas de bruit, pas de pollution, pas de perte énergétique, une grande souplesse etc. Pour illustrer cette souplesse, on peut voir que dans l’aviation, les commandes électriques se sont imposées. Elle est aussi la seule façon de tirer parti des éléments comme le vent, la mer et le soleil, pouvant être utilisé aussi directement pour chauffer de l’eau ou sécher des produits divers. En revanche, l’électricité peut être polluante à la production. Il faut donc voir comment elle est produite. Il faudrait normalement faire un bilan carbone complet mais dans la suite de cet article, nous ne tiendrons pas compte des répercussions d’un usage sur l’équilibre du mélange électrique. Surtout, elle est coûteuse à transporter et à stocker et sera de plus en plus fournie par des sources intermittentes. Elle n’est pas adaptée aux emplois dispersés, variables ou mobiles (sauf si l’alimentation se fait directement sur un réseau).

Il faut aussi distinguer les énergies distribuées par réseau et les autres. Quand un réseau existe, on a généralement intérêt à le saturer jusque à sa limite de capacité car le coût marginal est faible. Quand on considère une énergie non carbonée, il faut examiner toutes les voies pour remplacer le pétrole, celles qui sont disponibles aujourd’hui et celles qui le seront demain et dans chaque cas considérer l’économie du système, le coût et les délais de mise en œuvre. Une solution disponible aujourd’hui, même moins satisfaisante qu’une technique potentielle, est préférable à l’attente car il faut agir vite. Il faut aussi regarder le potentiel, c’est-à-dire la ressource mobilisable car ce n’est pas la peine de mettre au point des procédés de production énergétique si la ressource n’est pas là.

Par exemple, on met au point des procédés de production d’énergie à partir d’algues mais combien peut-on en attendre ? De même, si l’on examine un usage, il faut examiner dans le même esprit les différentes énergies et le cheminement pour arriver au résultat. Enfin, il n’est pas interdit de considérer des solutions qui ne font qu’une partie du cheminement : c’est le sens de toutes les améliorations de rendement ou de la substitution du gaz au fuel ou au charbon.

Là où le réseau est présent, c’est certainement la voie de décroissance du CO2 la plus rapide, comme le montre d’ailleurs le cas américain. Dans la transition énergétique, le secteur des transports est celui qui pose le problème le plus difficile.

Les besoins croissent et les options techniques sont lourdes mais il ne faut pas oublier que les substitutions au fuel sont plus faciles dans le chauffage et qu’il représente des usages du même ordre de grandeur. La voiture électrique fait rêver (depuis longtemps) mais c’est certainement l’usage le moins adapté à l’électricité au moins comme source unique. Des progrès rapides se font sur les batteries et, effectivement, on peut se rapprocher des autonomies proches de celles des carburants liquides mais, quelle que soit la capacité du stockage, il faut le remplir et l’on ne sait pas remplir rapidement. Si l'on trouvait une solution au niveau de la batterie, le réseau électrique risquerait de ne pas le supporter compte tenu des intensités nécessaires.

Les constructeurs parlent de 30 minutes pour une recharge rapide : peut-on imaginer une station-service d’autoroute où les véhicules restent 30 minutes devant la pompe ? Quel utilisateur a envie de s’arrêter 30 minutes pour recharger (sauf arrêt casse-croûte) ?

Le véhicule électrique pur ne se conçoit que dans un système d’exploitation conçu pour cela, comme la flotte d’une société de livraisons dont les véhicules passent leur nuit dans un garage équipé ou la voiture électrique en libre-service… Il faut que la recharge trouve sa place dans les périodes de non-utilisation de la voiture. Mais le problème semble insoluble pour le quidam qui a un véhicule pour tous les usages et le gare dans la rue, au hasard des places disponibles.

Peut-être qu'à l’avenir, la société saura s’organiser autrement. Mais au stade actuel, le véhicule hybride semble la meilleure voie et il est même probable qu’associant les avantages de la puissance électrique et l’autonomie, il s’impose. L’optimisation des deux est sans doute susceptible d’améliorer le bilan et les agréments d’utilisation et si le véhicule est rechargeable, il pourra profiter des opportunités.

Le chauffage électrique ou les chauffe-eaux sont sans doute les moyens les plus faciles pour remplacer le pétrole à l’usage mais, évidemment, il faut que l’électricité ne soit pas carbonée. La solution viendra sans doute des progrès faits dans le fonctionnement du réseau avec les smartsgrids qui devraient permettre de déclencher les appareils au bon moment. Cela peut même être une solution de stockage bon marché. Les chauffe-eaux domestiques représentent en France un potentiel de stockage d’électricité supérieur aux stations de pompage. Le chauffage peut aussi être partiellement décarboné en remplaçant le charbon et le fuel par le gaz. Il est donc un secteur relativement simple à décarboner. C’est même possible indépendamment des actions d’efficacité énergétique.

La biomasse fait rêver : elle est abondante et a été longtemps la seule source d’énergie, mais il faut la collecter. Ce qui est collecté est déjà utilisé, donc viser l’énergie n’a de sens que si la collecte est augmentée ou si l’on sait utiliser les déchets. Pour la collecte primaire liée à la culture, elle sera déjà utilisée pour l’alimentation. Mais les parties cellulosiques non consommables peuvent être dirigées vers l’énergie.

Pour la forêt et les friches dans un pays comme le nôtre, la difficulté est plus sociologique que technique, à cause de la dispersion de la propriété et les progrès pour augmenter la production seront forcément lents. Il faudra aussi éventuellement satisfaire d’autres besoins à plus forte valeur ajoutée que le feu : bois d’œuvre, panneaux et papiers. Dans ces conditions, il faut plutôt penser à des chaudières de faible taille reparties dans ou autour des massifs. Il n’y pas de place pour de grandes centrales (sauf à importer le bois).

Pour les résidus cellulosiques ou ceux de l’industrie du bois, la voie des biocarburants est à la mode. La question est de savoir si l’utilisation thermique n’est pas la plus efficace puisqu’on ne voit pas à vue humaine de pénurie de carburant liquide, d’autant plus que la transformation est elle-même consommatrice d’énergie, la substitution est donc moins efficace.

Les déchets urbains ou certains déchets agricoles ne sont guère traitables que par la combustion ou par la fermentation et le gaz. Mais les gaz produits ne sont pas de grande qualité, ni de grande stabilité. Il ne faut donc pas viser des utilisations directes sophistiquées mais plutôt le diluer dans le réseau ou le brûler dans des unités locales.

Les municipalités sont souvent très fières de dire qu’elles font rouler les bus au gaz de déchets urbains mais il vaudrait mieux séparer les deux actions intéressantes en elles mêmes : la gazéification et la motorisation au gaz.

En conclusion, il faut toujours se rappeler que l’énergie n’est qu’une utilité et qu’il faut donc chercher les solutions pratiques sans sentiment. Les énergies doivent être utilisées là où leurs spécificités leur donnent l’avantage sur les autres. Il faut avancer rapidement, avec pragmatisme et modestie, et ne pas essayer de forcer la nature avec des subventions ou des exonérations fiscales déraisonnables, surtout à un moment où les prélèvements obligatoires sont considérés généralement comme excessifs.

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