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22 / 02 / 2011 | 5 vues
Martine Barthes / Membre
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Le syndicat doit donner la possibilité de travailler ensemble sur les critères du travail bien fait

L'introduction de logiques d'individualisation contribue à laisser chaque salarié livré à lui-même et à son unique responsabilité, dans une « autonomie » à moyens limités, mais avec une contrainte forte sur les résultats. On assiste à une mise en concurrence des salariés, victimes du contournement, de la remise en cause des garanties collectives.

Dévoyant l’aspiration à l’autonomie, le management actuel favorise l’isolement et des formes de mises en concurrence. La course sans fin à la performance a des conséquences sur la santé physique et mentale. La pression générée par les rythmes, les objectifs à tenir, les restructurations permanentes, l’absence de marge d’expression et de libre arbitre, les mises au placard, constituent des facteurs de souffrance des managers et des « managés ».

Ce phénomène se généralise avec des conséquences tragiques pour les salariés. L’éloignement des centres de décision, les directions insaisissables, l’absence d’interlocuteurs, le fait de nier les conflits ou delaisser perdurer les incompréhensions, participent au phénomène.

De fait, la souffrance au travail est souvent la conséquence de questions liées aux organisations, aux moyens et aux politiques managériales mises en œuvre pour l'atteinte des objectifs. Nous devons réfléchir à redonner un sens au travail, à « ré-humaniser » l'entreprise.

Dans ce contexte, l'apport syndical est primordial.

Par leur situation intermédiaire entre les objectifs gestionnaires et le travail, les cadres doivent composer avec une organisation et des objectifs qui, d’une part, ne sont pas forcément les leurs, et, d’autre part, qu’ils doivent transmettre. Leur rôle dans l’entreprise, leurs fonctions de concepteurs, de gestionnaires, ou d’animateurs les placent au cœur du télescopage entre leurs aspirations novatrices et les conséquences des stratégies patronales.

  • Le patronat, les directions (d’entreprises et de services publics) transfèrent sur cette population des risques et des responsabilités en matière de santé et sécurité qu’ils n’ont pas à assumer.

Poussée à son terme, cette logique conduit à remplacer le statut du salariat par celui de consultant et au retour du travail à la tâche (retour du taylorisme). Pour autant, les cadres, comme tous les salariés, sont régis selon les règles générales de l’activité salariée et notamment, au lien de subordination envers l’employeur.

Il est urgent de mettre en place un véritable débat sur les objectifs et sur les organisations de travail. Ces questions doivent être discutées, et donc faire l’objet de propositions alternatives, d’interventions et de mobilisation des salariés.

Le patronat cherche à réduire l’encadrement à un instrument de sa stratégie


Trop souvent, la référence à l’éthique et à la responsabilité sociale des entreprises est utilisée afin de masquer une réalité moins présentable : les chartes éthiques, les codes de bonne conduite, l’affichage de valeurs sous la forme d’engagements tels que le respect des personnes, de l’environnement, constituent autant d’outils de cadrage des pratiques managériales.

Ainsi, l’encadrement des entreprises se retrouve au centre de la contradiction entre un discours vertueux et une réalité plus brutale, en tant « qu’acteur » ayant à assurer la propagation d’idées « généreuses », tout en assumant la mise en œuvre de politiques contraires et en endossant les responsabilités (morale, juridique) qui naissent de cette contradiction. L’encadrement doit avoir le droit de pouvoir s’opposer aux objectifs contraires à son éthique.

Les intérêts des actionnaires et leur exigence de rentabilité sont de plus en plus des obstacles au développement durable, à l’efficacité sociale du travail, des sciences et des techniques.

Les promesses sur la place et le rôle incontournable des cadres, pour le progrès des sciences, des techniques, de l’humain, de l’entreprise, de leur environnement, sont passées aux oubliettes de l’histoire. Alors qu’il s’agirait de répondre à des défis écologiques, énergétiques, éthiques, sociaux inédits, le productivisme, l’accumulation financière et son avidité au profit laminent le sens du travail, écrasent les valeurs éthiques.

La capacité « d’autorégulation » affichée par les engagements des directions est manifestement limitée.

  • Lorsque les entreprises évoquent la « loyauté», nous posons la question de son fondement : loyauté à quels objectifs ? En réponse aux actionnaires, aux clients, aux clients-usagers, aux salariés ?


Le sens du travail, son organisation doivent, au-delà des stratégies des employeurs et de la sphère financière, être guidés par la recherche d’une efficacité économique et sociale durable en opposition à une rentabilité financière de court terme. Il importe de refuser les injonctions fondées sur les « valeurs », en exigeant dans chaque contexte de travail une analyse précise de ce qu’implique le principe, de quels moyens et marges de manœuvre on dispose pour le mettre réellement en œuvre.

Le rôle contributif des cadres est de faire en sorte que le travail ne soit pas facteur de souffrance et d’aliénation, mais un moyen d’humaniser, un épanouissement des hommes et des femmes où chacun éprouve sa liberté, par la création individuelle et collective.

Se montrer lucide sur les modèles qui se développent permet de savoir comment agir. Il s’agit d’abord de prendre la mesure du risque de pathologisation du champ du travail. L’intervention de différentes disciplines scientifiques dans le champ du travail a donné de la voix et cherché à agir sur les dégradations observées pour aider les personnes à gérer leur souffrance au travail et restaurer les situations altérées. Mais en observant certains effets paradoxaux de ces interventions, on voit poindre des risques réels pour les salariés, si la logique dans laquelle semble s’orienter la prise en charge des personnes souffrantes au travail se durcit pour occuper seule l’espace de l’action.

Le syndicat est nécessairement un acteur dans cette « politique du curatif »

En effet, certaines modalités de management du travail semblent s’orienter, vers une extension de la gestion aux phénomènes et troubles psychologiques. Le risque ultime étant de faire de la question du travail un champ de pathologisation, c’est-à-dire un lieu où ne parle et on ne traite plus que dela souffrance (physique et psychologique) des gens au travail, et où finalement le contenu et l’organisation du travail seraient indiscutés et indiscutables

Les conséquences possibles d’une logique omniprésente de prise en charge de la souffrance des personnes au travail interpellent l’action syndicale par delà les experts et professionnels impliqués dans sa gestion.

Dans le contexte économique actuel extrêmement difficile, le syndicalisme est happé par les questions de souffrance des personnes, la dénonciation des aspects négatifs du travail et la défense de l’emploi.

Gérer les risques, produire des expertises, soutenir les salariés, dénoncer… Le syndicat est nécessairement un acteur dans cette « politique du curatif ».

  • S’il lui appartient effectivement de soutenir les salariés, se laisser entraîner dans la seule gestion de la souffrance, pour s’y installer, c’est amputer le pouvoir d’agir dans l’entreprise.


Essayer detraiter individuellement un problème qui relève fondamentalement de l’organisation du travail, c’est se condamner à recommencer perpétuellement le même travail pour des individus dont on ne fera qu’amoindrir la souffrance sans jamais s’occuper de ses causes. Le syndicalisme doit être en mesure de renouer avec un discours faisant autorité sur le travail à côté de son engagement institutionnel ou défensif, et en relation étroite avec l’action pour l’emploi.

Comme l’écrit Danièle Linhart, un salarié en souffrance se serait autrefois considéré victime de rapports de domination et d’exploitation et sa condition aurait eu un sens sur le plan syndical et politique. Aujourd’hui, les mêmes souffrances sont vécues sur le mode de l’échec individuel et ne trouvent plus de résonance dans la société.

De ce fait, la souffrance au travail tend à être traitée individuellement comme un problème de nature psychologique, qui pourra être résolu en consultant un médecin, alors qu’elle trouve son origine dans une certaine organisation du travail, qui touche au collectif.

Oser penser une autre prise en charge. Un autre regard syndical pour un autre pouvoir d’agir.

Le syndicalisme doit permettre aux salariés de prendre leur travail à cœur


La souffrance, est dans là où on ne se reconnaît pas, c’est ce dont on ne parle pas à la maison, c’est ce qui angoisse... Le travail où l’on ne se reconnaît pas est une source réelle de souffrance, entrainant des conséquences graves pour la santé et qui touche chacun au plus profond de lui-même.

Le sens du métier se définit entre autres par des critères du travail bien fait. Faire son boulot est parfois contraire à ces critères. Le déni du conflit sur la qualité du travail est grave ! On fait comme si…

Ce déni, amène aux conflits et aux compromis. Ces compromis sont acceptables dès l’instant qu'ils n’enfreignent pas les valeurs éthiques et fondamentales.

Le syndicalisme doit servir à contraindre l’entreprise à faire ces compromis avec les salariés.

Penser, délibérer sur le travail est un acte de conscience qui interpelle chaque salarié, chaque citoyen.

Le collectif, le fil à plomb.

Aujourd’hui l’organisation du travail écarte le collectif et se sert de « script » qui substitue la situation de travail réel à laquelle on n’a pas les moyens de répondre ou de bien faire.

Le collectif donne la possibilité de délibérer de ce qui est juste et réel. Le refus d’en parler fini par rendre malade. La question du collectif est importante pour le syndicalisme. Les directions, cherchent à refouler le collectif (côté tranchant de l’outil de travail).

Si la santé c’est la performance, la santé sert aussi à la fabriquer : c’est avoir la capacité d’agir sur son milieu professionnel et environnemental.

S’occuper de bien-être est proche du critère du « bien faire » (facteur desatisfaction et d’épanouissement).

Si au fond, le syndicalisme était un outil pour dire publiquement qu’on a franchi les lignes jaunes ? Le bien-faire, (professionnalisme) contre les choix de l’entreprise.

  • Le syndicat doit nous donner la possibilité de travailler ensemble sur les critères du travail bien fait.

 

Pouvoir et pouvoir d’agir

Aujourd’hui, les pouvoirs se renforcent et l’on a de moins en moins la capacité d’agir sur le réel. Montrer ce que l’on est capable de faire. Avoir et faire autorité sur son travail. C’est là peut être une façon d’agir. Est-il possible de résister à la subordination ?

Dans le syndicat, il nous faut parler de la finalité et du sens du travail, libérer la parole des salariés.

Pour le salarié, aujourd’hui, il est difficile de refuser de faire un « sale boulot ». Dans ce contexte, il ne se fait plus respecter dans son travail.

Le syndicat est une structure organisée. Le syndicat et ses militants sont une force réelle. On peut peser lourd et agir dans l’entreprise sur le travail bien fait et rétablir une autorité professionnelle.

Le sens donné au travail pourrait rebondir à la lumière du concept de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Les accords RSE, associés à un dispositif de suivi dans un dialogue social réel, devraient engager les entreprises à mener des actions visant à améliorer l’existant en matière sociale (santé, sécurité, emploi, rémunérations) et sociétales (territoires,environnement).

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