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11 / 06 / 2012 | 34 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Le groupe Alpha en quête de ses synergies

« Par nos missions de diagnostic d’entreprises auprès des CE, nous sommes bien placés pour constater que beaucoup de stratégies de diversification échouent en conduisant à un affaiblissement des cœurs de métier », déclare Pierre Seleskovitch, le délégué syndical CFDT de Secafi, l’activité historique d’expertise auprès des CE et des CHSCT du groupe Alpha (retrouvez, sur abonnement, son interview du 7 juin 2012).

Le 24 novembre 2011, la CGT et la CFDT du groupe Alpha signaient d’une même voix un communiqué mettant en cause une stratégie la stratégie de diversification sur fond d’une première perte financière en 2011 avec une activité en recul de 10 %. Les modèles économiques des « nouvelles » branches que sont Sodie (activité reclassement rachetée en 2003) et de Sémaphores (conseil auprès des entreprises et des acteurs territoriaux) se cherchent.

  • Alors que Sodie est l’opérateur privé de placement (OPP) qui vient d’obtenir le plus de lots (8 sur 27) sur le dernier appel d’offres relatif à l’accompagnement triennal des chômeurs volontaires à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), on peut y voir un risque de surexposition aux incertitudes sur les flux de bénéficiaires. « Nous devons apprendre à bâtir une réelle stratégie de partenariat avec Pôle Emploi pour garantir un modèle économique et social efficace », soulignait Pierre Ferracci, président du groupe dans une interview, sur abonnement, publiée en décembre 2011.


La CGT et la CFDT estiment que les synergies entre Secafi, Sodie et Sémaphores sont surestimées et que la conjugaison de ces activités « sous-entend une grande rigueur » pour ne pas tomber dans le conflit d’intérêt. Cela revient « un peu à marcher sur des oeufs », illustre Pierre Seleskovitch qui reconnaît toutefois qu’il est temps de « sortir d’une approche manichéenne qui consisterait à penser que les missions conduites à la demande des seuls élus devraient être obligatoirement « à charge » sur toutes les actions de la direction et que les missions conduites en dehors du strict cadre des prérogatives légales des IRP serviraient uniquement les intérêts des directions ». Voilà qui nourrit la stratégie de diversification du groupe. Pour Pierre Ferracci, « Sodie et Sémaphores travaillent avec les entreprises avec l’accord tacite et parfois explicite des syndicats. Je considère que ces derniers sont mieux associés aux enjeux de reclassement lorsque le groupe Alpha est présent ».

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Il me semble que Pierre Seleskovitch a raison sur (au moins) un point : la coexistence d’activités très bénéficiaires (tournées vers les CE – CHSCT) et d’activités tournées vers les entreprises qui se trouvent, elles, en difficulté n’est pas saine durablement. Elle l’est d’autant moins que la plus grande partie de ces activités est réglementée et s’impose à ses clients : expertises CE et CHSCT, mais aussi obligations de reclassement, de revitalisation, expertise comptable, et une partie des activités de conseil aux collectivités territoriales… Secafi va-t-elle continuer à investir pour innover, pour rester à la pointe des connaissances et des pratiques de conseil, pour convaincre les 3 CE sur 4 qui ne font pas appel à l’expertise, pour continuer à mieux aider les CHSCT ? Voilà le risque fondamental – beaucoup plus que la politique salariale pointée par Pierre (Seleskovitch !), qui est plutôt dynamique chez Sacafi. Je ne partage pas le constat d’impasse stratégique : la coexistence de ces métiers pourrait parfaitement être assurée. La diversification n’est pas une aventure si elle repose sur des compétences distinctives cohérentes. Les résultats de l’appel d’offre de Pôle Emploi sur les CSP (récemment dévoilés par Miroir Social) montrent l’efficacité d’une stratégie tournée vers la totalité de la chaîne de l’emploi. A condition que Sodie soit aussi efficace pour gérer le contrat que pour le gagner ! Souvenons-nous du contrat précédent, présenté comme un acquis considérable, mais qui a fini par mettre à mal l’équilibre du groupe, pas seulement financier… Enfin, pour que la coexistence de ces métiers puisse s’épanouir dans la sérénité, je pense qu’il faut un vrai, un bon débat – comme le groupe Alpha a su en tenir il n’y a pas si longtemps – sur les conflits d’intérêt. Il faut les identifier, les traiter, y réfléchir collectivement, en profondeur. Mais cette question fondamentale reste un tabou, un impensé, un interdit. Dommage…