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15 / 12 / 2015 | 5 vues
Didier Porte / Membre
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Frais d’expertise du CHSCT : l’employeur est-il encore tenu de les payer ?

Selon l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. L’article L. 4614-13 indique, lui, que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur. Cet article lui offre la possibilité de saisir le président du TGI en référé aux fins de contester notamment la nécessité de cette expertise (art R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail).

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les frais d’expertise restent à la charge de l’employeur même lorsque ce dernier obtient, après que l’expert ait accompli sa mission, l’annulation en justice de la délibération du CHSCT ayant mandaté l’expert (Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-24218).

La position de la Cour de cassation faisait l’objet de très vives critiques de la part des employeurs. À l’occasion d’un litige opposant Technologia à l’entreprise Footlocker, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) était transmise par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel. La question posée était la suivante : l’interprétation jurisprudentielle de l’article L. 4614-13 du code du travail n’est-elle pas contraire à la liberté d’entreprendre et/ou au droit à un procès équitable ? Compte tenu de l’enjeu de cette question en termes de santé, la confédération FO s’était portée partie intervenante volontaire.

Pour Force Ouvrière, la procédure d’examen urgent des contestations sur l’expertise permet à l’employeur d’obtenir un jugement rapidement avant le terme de l’expertise afin d’éviter d’en supporter l’intégralité du coût, le cas échéant. Cette procédure urgente n’exclut pas, au surplus, la possibilité de saisir le TGI dans le cadre d’un référé d’heure à heure permettant ainsi de suspendre l’expertise. L’employeur n’a alors à supporter aucun ou quasiment aucun honoraire au titre de l’expertise. Ainsi, les dispositions litigieuses ne porteraient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit à un procès équitable, eu égard aux motifs d’intérêt général poursuivis à savoir la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi l’argumentaire de Force Ouvrière. Dans sa décision du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel déclare comme contraire à la Constitution le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4614-13 du code du travail. Il relève que ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition n’imposent au juge judiciaire saisi d’un recours de l’employeur de statuer dans un délai déterminé. L’employeur est tenu de payer les honoraires correspondant aux diligences accomplies par l’expert alors même qu’il a obtenu l’annulation de la décision du CHSCT. La combinaison de l’absence d’effet suspensif du recours de l’employeur et de l’absence de délai d’examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l’employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l’exercice d’une voie de recours. Le Conseil constitutionnel en conclut que la procédure applicable méconnaît les exigences découlant de l’article 16 de la déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété (Cons. constit., décision QPC n° 2015-500, 27 novembre 2015).

Le Conseil constitutionnel reporte cependant l’abrogation des dispositions litigieuses au 1er janvier 2017 afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée. Elle relève qu’une abrogation immédiate aurait eu pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d’expertise.

Comment pourrait, à l’avenir, se faire le financement des expertises ?

 


S’il est probable que cette question figurera dans le projet de réforme du Code du travail qui sera présenté début 2016, Force Ouvrière est opposée, jusqu’à présent, à toute mesure qui viserait à doter le CHSCT d’un budget de fonctionnement et à faire peser sur ce budget le financement des expertises. En effet, dans une telle hypothèse, il se pourrait qu’il vienne à manquer de moyens. La solution, que semble dessiner le Conseil constitutionnel, pourrait consister à prévoir l’effet suspensif du recours de l’employeur et fixer un délai au terme duquel le juge devra statuer. Bien entendu, ce délai imparti pour statuer devrait être le plus court possible pour ne pas gêner la procédure d’expertise, surtout en cas de risque grave.

On pourrait également imaginer un délai extrêmement bref de saisine du tribunal par l’employeur.

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