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Pourquoi les droits de douane doivent se discuter en CSE ?
Les nouveaux droits de douane de l'administration fédérale américaine vont s'imposer aux directions des entreprises françaises qui exportent sur ce marché. Le direct du 26 juin organisé par Miroir Social avec le cabinet Orseu Ethix a été l'occasion de montrer que les conséquences sociales devaient s'anticiper dans le cadre du CSE.
"Nous générons plus de 25 % de notre activité en exportant nos machines aux Etats-Unis. Il nous manque des données économiques plus précises quant à notre positionnement sur ce marché mais je ne tiens pas à mettre le sujet à l'ordre du jour de notre CSE car cela risque d'être interprété comme une attaque par la direction qui pourrait remettre en question un socle social plutôt avantageux. Une chose est certaine, les salariés craignent pour leur emploi en cas de hausse majeure", explique le secrétaire du CSE de cette PME industrielle de 100 salariés qui a préféré ne pas témoigner à découvert à l'occasion du direct du 26 juin organisé par Miroir Social avec le cabinet Orseu Ethix qui visait à expliquer l'intérêt des élus de CSE à voir aborder le sujet des droits de douane en séance.
Un sujet inhabituel
De fait, le sujet est sensible et surtout inhabituel. "Le plus grand marché du monde, l’Union Européenne a totalement supprimé les barrières douanières en son sein et il a presque complètement supprimé les barrières intérieures dues aux normes. Plus généralement les droits de douane avec les USA ou avec la Chine sont tombés à des niveaux très faibles, avec des moyennes de l’ordre de 3%. De nombreuses restrictions normatives demeurent (interdiction des OGM, du poulet au chlore, normes de sécurité etc.), mais elles font l’objet d’harmonisations régulières et ne constituent pas des entraves massives à la circulation des marchandises. Certes il pouvait y avoir des poussées plus ou moins ponctuelles de résistance mais il s’agissait surtout de processus d’adaptation. Trump est venu avec un tout autre raisonnement. Selon lui, le libre-échange a détruit l’industrie américaine et tous les autres pays (européens, asiatiques) sont des profiteurs. Ce raisonnement est simpliste mais il bouleverse la pratique du commerce international. Pour Trump il n’y a pas d’accord gagnant-gagnant. Un « deal » est un jeu à somme nulle dans lequel il y a un gagnant et un perdant. Pour lui les USA sont le perdant, oubliant totalement la quantité de services que ceux-ci vendent au monde entier. Dès lors, son objectif consiste à renchérir considérablement le coût des biens importés pour inciter à les produire sur le sol américain", explique Jean-Pierre Yonnet, directeur général du groupe Orseu Ethix. Et celui- ci de recommander : "Si les directions n'ont pas prise sur les droits de douane, elles ont tout intérêt à informer les élus en CSE des scénarios prévus pour adapter les prix de vente ou le niveau de la marge avec les potentielles conséquences économiques et sociales. Il s'agit de se montrer transparent pour anticiper au mieux. Si les directions n'initient pas la démarche en CSE, il appartient aux élus de le faire". Encore faut-il se sentir légitime pour le faire.
Ne pas faire l’autruche
"Il faut regarder les choses en face plutôt que de faire l'autruche", lance Corinne Lantheaume, Secrétaire générale du Syndicat Général de l'Agroalimentaire Gironde CFDT. De fait la filière viticole est particulièrement exposée aux droits de douane sur le marché américain et force est de constater que le sujet est trop rarement abordé en CSE des entreprises de la filière. "Certains producteurs se sont empressés de surstocker aux Etats-unis avant la hausse annoncée mais les dépenses sont non couvertes par les ventes. Il y a une prise de risque. C'est une décision qui doit faire l'objet d'une information en CSE, d'autant que la situation économique de la filière est déjà dégradée or la guerre commerciale sur les droits de douane, avec ses à-coups, peut être un accélérateur", souligne Corinne Lantheaume.
L'incertitude n'est pas propice au commerce. Elle pourrait conduire à des stratégies plus défensives des entreprises. "Cela peut se traduire par une remise à plat des circuits d'approvisionnement et de fabrication des produits en fonction des droits de douane. On touche la à la chaine de valeur des activités avec des incidences possibles sur la localisation des activités et donc sur les emplois", prévient Jean-Pierre Yonnet qui rappelle qu'un droit de douane s'applique sur le prix « Coût Assurance Fret » (CAF) de la marchandise, c’est-à-dire sur la valeur de la marchandise au point d’arrivée dans le pays importateur. "Évidemment une hausse d'un droit de douane 200% est très pénalisante mais moins que ne l’ont compris la plupart des commentateurs car elle ne s'applique pas sur le prix final qui intègre la marge”, précise t-il.
Autant d'éléments censés se retrouver dans la BDESE. Et Corinne Lantheaume de conclure, "il est essentiel que les représentants des salariés se donnent les moyens de comprendre la structuration du modèle économique de leur entreprise".
* Retrouvez dans le dernier Zoom, la lettre d’information des représentants du personnel d’Orseu Ethix un éclairage complet sur les droits de douane. Comment cela fonctionne ? Qui a intérêt au protectionnisme ? Quelles conséquences pour les salariés français et européens ?