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10 / 10 / 2018 | 2628 vues
Hélène Fauvel / Abonné
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Fin du paiement en espèces dans les guichets des impôts à la faveur d'une externalisation

Fin septembre, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a réuni un groupe de travail pompeusement intitulé « accélération de la stratégie de la DGFiP sur les espèces », présidé par la chef du service des collectivités locales.

N’aurait-il pas été plus honnête et lisible d’intituler ce groupe de travail « suppression des espèces à la DGFiP » ?

En effet, à cette occasion, le dispositif de suppression du numéraire aux guichets DGFIP et les conditions de l’externalisation auprès d’un prestataire externe recruté par appel d’offres ont donc été détaillé (mais pas trop).

L’autorisation de réaliser une telle opération a été demandée au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances 2019. En introduction, la présidente précise que l’idée première d’abaisser le seuil de 300 à 150 € dès 2019 a rapidement été abandonnée au profit de cette externalisation.

Notre syndicat a fermement condamné cet énième recul du service public de la part de notre administration. Recul qui fait suite à tous ceux déjà constatés sur les missions.

C’est encore un mauvais coup porté au réseau en général mais encore plus au réseau rural déjà durement touché par l’adaptation des structures du réseau (ASR). Comme nous l’avions déjà évoqué lors du groupe de travail du 6 avril 2017 sur les caisses sans numéraire, cette suppression du numéraire est principalement motivée par des préoccupations budgétaires.

Pour nous, il s’agit aussi de continuer de réduire les emplois qui concourent pourtant à servir tous les citoyens, dont les plus fragiles et les plus défavorisés.

Notre syndicat a également détaillé ses interrogations et commentaires sur les fiches traitant respectivement du dispositif mis en œuvre et de la généralisation de l’offre de paiement en ligne.

Nous n'avons pas jugé utile de commenter les fiches qui n’étaient que pure propagande pro-externalisation ou une succession d’éléments statistiques censés justifier par le menu l’extinction du numéraire à nos guichets.

En séance, une copie de l’extrait du projet de loi de finances (article 63) afférent au maniement des espèces par une autre personne que le comptable public nous a été distribuée.

Ce document a permis d’éclaircir certains points. En réponse, la présidente a tenté de convaincre les organisations syndicales présentes que cette stratégie du « zéro espèce » est surtout un remède à la recrudescence des actes délictueux envers nos structures. Selon elle, elle permet aussi de ne pas pénaliser les publics fragiles en leur laissant une possibilité de payer en numéraires.

Pour nous, cette opération n’en reste pas moins emblématique de l’orientation actuelle de la DGFiP de se désengager de pans entiers de ses missions et de ne plus être un véritable service public.

Sur le calendrier, la présidente nous a informés du fait que l’appel d’offres de ce marché n’est pas encore lancé. La cible du « zéro espèce » serait à horizon 2020/2021.

L’objectif affiché sur les documents préparatoires et à l’article 63 du PLF 2019 d’une préfiguration début 2020 pour une généralisation au 1er juillet 2020 est en effet soumis aux aléas de la consultation des prestataires.

À l'issue de la procédure de marché public, la DGFiP connaîtra le coût de cette opération, lequel dépendra de la consistance de l'offre : points de contacts, horaires d'ouverture, respect strict des exigences énumérées par la DGFiP liées à la confidentialité des données et au maniement de fonds.

Points importants à retenir en réponse aux interrogations que nous avions formulées

Le prestataire sera soumis à des contrôles « par les mêmes services que ceux contrôlant les comptables publics » (cf. PLF 2019). Des dispositions tendant à garantir l’obligation de confidentialité et les modalités de contrôle seront rappelées dans le cahier des charges de la consultation. Ce prestataire choisi sera soumis au secret professionnel.

Sur ce dernier point, aucune précision ne nous a été donnée. Lors d'une opération identifiée par la « data matrix » (sorte de QR code ou code barre) figurant sur l’avis, il y aurait une vérification immédiate que cette opération ne s'est pas déjà dénouée chez le prestataire, y compris le jour même. Le reversement se fera tous les soirs vers nos applications via CLO (outil d’émargement de masse dans Hélios) ou un système équivalent.

Pour nous, il est quand même étonnant de constater qu’il a fallu attendre une externalisation pour penser et créer un outil que les fonctionnaires de la DGFiP ont réclamé sans jamais l’avoir.

Les privés ne goûteront donc pas aux charmes des opérations d'encaissement ou de décaissement nécessitant souvent nombre de vérifications, notamment lorsque l'usager se présente avec une facture sans titre.

Quelques postes de DGFiP resteraient spécifiques à des opérations particulières qui seront précisées par décret (cf. art. 63 PLF 2019). On pourrait y trouver les fonds de secours, les hébergés, les rémunérations des aviseurs des douanes etc.

À une question de notre syndicat sur le maillage géographique de ces postes (DDFiP ou SPL ?), l’administration dit n’avoir pas encore réfléchi à ce stade.

Le prestataire aura une compétence nationale (incluant les DOM mais pas les COM). Des travaux informatiques devront être menés tant du côté de la DGFiP (adaptation du module CLO, apposition de la data matrix sur les factures…) que du prestataire retenu. Pour éradiquer le numéraire, la DGFiP a lancé la solution internet du titre payable par internet (TIPI) en 2010.

Parallèlement, l’offre Payfip permettant en plus du paiement en ligne par carte bancaire de pouvoir être prélevé sur le compte a été testée dans plusieurs départements (Lot et Rhône) et fonctionne très bien, selon la direction générale. Cependant, elle n’est pas encore en mesure de communiquer de données chiffrées et d'éléments de comparaison.

Pour un paiement par prélèvement sur le compte bancaire, il faudra s’identifier via son numéro fiscal en plus de celui de la facture. Les collectivités ont l'obligation de mettre une offre de paiement en ligne prévue par la loi de finances rectificative pour 2017 à disposition.

Notre syndicat a exprimé ses vives inquiétudes sur les conséquences de cette loi pour les usagers du secteur local.
En effet, au 1er juillet 2020, les collectivités dont le montant annuel des recettes est supérieur ou égal à 50.000 € devront être équipées en conséquence ; idem pour celles dont le montant est supérieur ou égal à 5 000 € au 1er janvier 2022.

Nous avons eu l’engagement de la DGFiP qu’aucune pénalité ne serait émise à l’encontre du redevable qui ne paierait pas de façon dématérialisée.

À une question posée sur l’estimation du coût que représentent les encaissements et décaissements, la DGFiP rétorque qu'il n'est pas possible de présenter les données relatives au nombre de paiements réalisés en espèces par les usagers.

Les données à la disposition de la DGFiP sont partielles. De même, il est impossible de consolider les décaissements au niveau national. Sur la base de données incomplètes, on décide donc la mort du numéraire.

Sur la sécurisation des postes qui n'ont plus que des paiements résiduels en charge, on nous répond que les contrats de télésurveillance seront maintenus. Seuls les coûts liés aux transports de fonds permettront des économies.

Pour nous, il conviendra malgré tout de surveiller les tentations de certains DDFiP de très près, malgré tout, et de récupérer de l’argent de ce côté-là. Le champ de compétences territorial du prestataire sera national. Il y aura un seul prestataire ou un groupement avec des partenaires.

Notre syndicat a attiré l’attention de l’administration sur les risques générés par d’éventuels sous-traitants. Pour la formation du personnel, il n’y aura pas d'accès aux applicatifs DGFiP.

À terme, il y aura un accès des usagers aux fichiers du SPL via France Connect. Notre organisation syndicale a été la seule à évoquer le devenir de l’ACF caisse dite « prime de caisse ».

Même si l’on continue de nous répéter qu’elle n’est pas exclusivement liée au maniement des espèces, l’administration avoue qu’il « peut y avoir une réflexion d’engagée ».

On sait traduire ce genre de paroles. C'est pourquoi notre syndicat continuera de dénoncer une perte d’activité qui symbolise une fois de plus le renoncement de notre administration à ses obligations de service public au profit de tous.
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