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20 / 03 / 2014 | 16 vues
Social Nec Mergitur / Membre
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Des professeurs de la Ville de Paris interpellent Anne Hidalgo sur le droit du travail

« Nous vous prions, Madame, de répondre, et s'il vous est possible de sortir du silence sans manier la langue de bois », écrivent-ils dans une lettre ouverte incendiaire.

 

Les relations sociales se tendent à la Ville de Paris en cette période électorale. Après les agents des équipements sportifs et le personnel des bibliothèques, c’est au tour des professeurs des cours du soir pour adultes de dénoncer leur situation dans une lettre ouverte. Pour ces enseignants, malgré les promesses faites, les relations sociales à la Ville de Paris, sont assez « mergitur », comme nous le rappelions ici.

 

C’est pourquoi le collectif pour la contractualisation des professeurs de CMA vient d’adresser une lettre ouverture à Anne Hidalgo, favorite au fauteuil de maire de Paris, mais aussi première adjointe dans la municipalité sortante. La charge est lourde pour l’ancienne inspectrice du travail puisque celle-ci est interpellée « sur l'illégalité, en matière de droit du travail, des pratiques de la mairie de Paris » et lui demande de répondre « s'il vous est possible sans manier la langue de bois » pas moins.


La voici dans son intégralité:

 

« Madame,

Le collectif pour la contractualisation des professeurs des cours municipaux d'adultes (CMA) vous interpelle aujourd'hui sur l'illégalité, en matière de droit du travail, des pratiques de la mairie de Paris car la situation, dénoncée depuis longtemps tant par le personnel que par ses représentants syndicaux et parfaitement connue des responsables administratifs et politiques, devient d'autant plus insupportable qu'elle aurait dû changer par application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012.

 

Bertrand Delanoë ne manque pas de mettre en avant ses actions de déprécarisation. Il oublie de mentionner que le nombre annuel des « précaires nouveaux » dépasse certainement le nombre des « déprécarisés ». La CGT, après un recensement, estime à plus de 15 000 le nombre de faux vacataires à la mairie de Paris.

 

Certes, avant l'arrivée de l'équipe socialiste, les communiqués auto-satisfaits sur le sujet n'existaient pas : rien n'était prévu pour les milliers de faux vacataires, ces employés qui assurent des missions permanentes mais que la ville embauche abusivement à la vacation (modalité d'emploi légale seulement lorsqu'elle concerne une mission ponctuelle, limitée dans le temps). Comme on nous l'avait déclaré à l'époque, à l'accueil du service des ressources humaines de l'Hôtel de Ville : « les vacataires n'ont aucune perspective de carrière ». La rime intérieure n'adoucissait pas l'amertume mais la phrase avait le mérite d'être claire.

 

Aujourd'hui, les choses ont changé : on déprécarise a minima (Danielle Simonnet, sur son blog, avance le chiffre de 6 %) parallèlement à des embauches toujours massives de vacataires. Combien de faux vacataires ont été recrutés pour mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires ? Tout Parisien fréquentant les bibliothèques municipales peut lire ces affiches-offres d'emploi : « la Mairie recrute des vacataires ». Il s'agit, par exemple, d'animateurs ou de surveillants de cantine. C'est bien connu, les enfants mangent un mois à la cantine, puis ne mangent plus ; la surveillance de la cantine est donc une mission temporaire. De qui se moquent les services municipaux des ressources humaines ? D'une grande partie de leurs employés, chargés d'assurer des services continus et pérennes, dont la ville par ailleurs se plaît à faire la publicité.

 

La direction des affaires scolaires (DASCO) est l'une des directions parisiennes les plus friandes de faux vacataires. Pourquoi diable cela changerait-il quand les élus en place, en dix ans, n'ont pas remis en cause cette pratique ? La distorsion est d'ailleurs incontestée, entre ce que la mairie définit comme emploi vacataire, sur son site officiel, et les emplois vacataires effectifs. L'illégalité est devenue criante, insupportable, avec l'entrée en vigueur de la  loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, que la mairie de Paris se refuse à appliquer à certaines catégories d'employés, tout particulièrement à ceux qui ont un « petit temps ».

 

C'est le cas pour les professeurs des CMA. Cette institution dispense des cours du soir aux Parisiens depuis le XIXème siècle. C'est dire si la mission est provisoire... Selon les chiffres de la DASCO, sur les 850 professeurs qui forment annuellement 30 000 auditeurs, 500 ne sont pas titulaires de la fonction publique et sont donc concernés par l'embauche contractuelle.

 

Pourtant, en 2007, une trentaine de professeurs seulement a été contractualisée, sans tenir compte de l'ancienneté. Quant aux 470 collègues restants, dont certains enseignent depuis 20 ou 30 ans, ils n'ont pu que constater les inégalités nouvelles : heures de réunion rémunérées pour les uns, pas pour les autres, heures supprimées pour maintenir en-deçà du seuil (arbitrairement fixé) pour une contractualisation... La médecine du travail ? Le droit individuel à la formation ? Les congés payés ?

 

Pour les faux vacataires, cela n'existe pas. L'indemnité chômage pour compenser l'absence de congés payés l'été ? Ceux qui ont eu l'occasion de demander leur indemnisation au fameux bureau des pensions de la rue Audubon savent la propension de ce service, qui est en passe de devenir à lui seul une légende urbaine, à égarer des dossiers confectionnés à l'aide de dizaines de documents, à notifier des refus immotivés... Bref, à dissuader quiconque de réitérer une demande.

 

Malgré cette absence de droit, les exigences vis-à-vis des professeurs, depuis 2007, se sont accrues. Le professeur précaire devra ainsi en fin de session se faire évaluer par ses auditeurs, à qui sont posées des questions aussi pertinentes que, par exemple : « le professeur corrige-t-il les exercices qu'il donne ? » Non, bien sûr, le professeur fait les pieds au mur. Sans doute les lois de la récente « démarche qualité », qui ne nous épargne pas de petite humiliation. Telle est la situation des enseignants. On conviendra qu'ils ne sont guère valorisés.

 

Aux professeurs qui se rendent à leur travail, à 18h30, depuis 20 ans, pour former les Parisiens et que vous laissez sans contrat de travail, quel message adresserez-vous, Madame ? Les enseignants des CMA qui ont demandé par courrier, en 2012, puis une nouvelle fois en 2013, leur requalification en CDI par application de la loi, se sont vu opposer non un refus écrit mais un silence complet. Cela s'appelle du mépris. Mépriser du personnel au point de ne pas répondre à une demande de régularisation qui constitue un tel enjeu pour leur situation professionnelle et personnelle, est indigne de responsables administratifs ou politiques.

 

Le collectif des professeurs, soutenu par le syndicat UNSA, vous a écrit le 19 avril 2012. La lettre reste en ligne sur leur blog. Elle n'a pas reçu de réponse. Ainsi en va-t-il de tous les courriers envoyés aux différents niveaux du millefeuille des ressources humaines. À chaque niveau trône, on peut l'imaginer, une corbeille broyeuse consacrée aux recommandés.

 

Nous avons cru que nos démarches aboutiraient : les Verts ont fait pour nous un vœu au Conseil de Paris (8,9 et 10 juillet 2013). Nous avons rencontré l'élue en charge de la vie scolaire, Colombe Brossel, le 1er juillet 2013, qui nous a promis pour 2014 l'élaboration d'un règlement d'emploi, et pour la fin 2013, 50 contrats équivalents temps plein, devant concerner 200 professeurs. Promesse non tenue : les ressources humaines n'ont pas daigné contractualiser les professeurs en 2013, inversant ce calendrier. Le règlement d'emploi est bien en cours d'élaboration mais aucun contrat n'a été proposé. Les calendes grecques sont certainement la date envisagée.

 

Après tant de vaines démarches, nous faut-il vraiment attendre quoi que ce soit de votre équipe ou chaque professeur devra-t-il aller devant le tribunal réclamer l'application de la loi ?

 

Nous vous prions, Madame, de répondre, s'il vous est possible de sortir du silence sans manier la langue de bois. Vous engagez-vous, une fois élue, à contractualiser les professeurs des cours municipaux d'adultes ? Et, plus généralement, que ferez-vous pour la contractualisation de la dizaine de milliers de faux vacataires de la ville de Paris ? ».

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