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25 / 07 / 2014
Didier Cozin / Membre
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CPF, une réforme de la formation « faite maison » ?

À quelques mois de la mise en œuvre de la réforme et du compte personnel de formation (CPF) il est permis de se poser des questions sur l’avenir d’un dispositif aussi mal né et peu maîtrisé par les pouvoirs publics.

Le compte personnel de formation était peut-être une idée généreuse sur le papier ; il devait permettre de généraliser la formation et de sécuriser les travailleurs pour développer leurs compétences, mais qu'en sera-t-il concrètement sur le terrain en 2015 ?

Entre les bonnes intentions affichées, un vote en urgence au Parlement et l’embrouillamini actuel des textes et décrets à paraître (qui contredisent parfois la loi), la réforme est bien mal engagée.

Le volet CPF dans l’ANI de 2013 relevait du concours de beauté 

Selon le texte de l'ANI de janvier 2013, le compte personnel de formation devait avantageusement remplacer le DIF :

  • mis en œuvre dans les 6 mois (donc avant juillet 2013), universel (donc bénéficier aussi aux travailleurs non salariés ou précaires),
  • ne pas être limité financièrement (« les droits acquis demeurent comptabilisés en heures, quel que soit le coût horaire de la formation »).

Progressivement, tout au long des innombrables palabres sociales avant, pendant et après la réforme, le CPF (censé être « le phare » de la formation) a réduit ses ambitions, son périmètre et désormais même ses (maigres) financements pour en arriver à la peau de chagrin actuelle.

Le MEDEF (qui en avait fait une monnaie d'échange en janvier 2013) a récemment exigé que soit encore déduite des 40 euros d’un CPF (0,2 % de la masse salariale) la rémunération des stagiaires (ce que le texte de loi du 5 mars 2014 excluait pourtant).

Alors qu'annuellement un DIF généralisé aurait pu coûter 12 milliards d'euros (selon les calculs de la Cour des Comptes en 2008) et après n’avoir été doté que de 800 millions au maximum, le CPF se voit amputé tous les jours de montants considérables.

Désormais, 25 millions de titulaires du CPF se partageront donc environ 300 millions d’euros car le MEDEF a obtenu du ministère du Travail un jugement à la Salomon (qui compliquera encore un peu plus sa gestion si jamais quelques entreprises s’y risquent) qui divise le montant des dépenses pédagogiques par deux.

Mais les opérations ne s’arrêtent pas là. Il faudra encore sans doute retrancher :

  • les frais de gestion des OPCA (en général 10 % des sommes cotisées), soit 80 millions environ ;
  • les frais annexes : hébergement, restauration, déplacement des stagiaires ;
  • les frais de tenue des compteurs CPF par la Caisse des Dépôts (à moins que cela ne soit gratuit, donc payé par nos impôts).

 

Pour la formation, ne resteront au mieux et au final (en admettant que l'intégralité des cotisations formation soient payées, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui) que 300 millions d’euros par an.

Considérant que le CPF sera nécessairement utilisé pour des formations longues et qualifiantes et que de telles formations ne coûtent pas moins de 6 000 euros par stagiaire (en 2013, un plan spécial de formations qualifiantes pour 30 000 chômeurs avait coûté 200 millions d’euros), on peut en déduire qu’en année de croisière (dans 5 ou 6 ans au mieux), le CPF permettrait de former 40 à 50 000 personnes tous les ans.

Le pire est donc imaginable

Via le CPF, il aurait fallu former 2 millions de chômeurs de longue durée, 2 millions de jeunes sans qualification et encore 2 ou 3 millions de salariés « bénéficiant » des centaines d’heures de leur compte pénibilité (1 facteur de pénibilité = 100 heures de CPF par an).

Donc, six millions de personnes ont un besoin pressant de professionnalisation et de formation mais sont face à un dispositif lourd, complexe qui, au mieux, permettra de n'en former que 1 ou 2 % par an.

Par ailleurs et pour corser le tout, le CPF fera peser sur l’employeur une nouvelle obligation sociale : former 100 % de ses effectifs sur une durée de 6 ans (pris aussi en grande partie sur le 0,2 % du CPF).

Les pouvoirs publics font actuellement vœu de réalisme et de pragmatisme face au social, la formation professionnelle peut-elle échapper à cette très probable catastrophe éducative ?

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