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19 / 10 / 2021 | 270 vues
Nora Ansell-Salles / Abonné
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Protection sociale : « Il faut faire attention à la sémantique, souvent trompeuse » - Étienne Caniard

À un moment où les réflexions et propositions de toute sorte vont bon train sur l'avenir de la Sécurité sociale, la place et le rôle des complémentaires de santé, Étienne Caniard, ancien président de la Mutualité Française, qui a exercé de nombreuses responsabilités notamment au sein de la Haute Autorité de santé et du CESE où il a porté plusieurs rapports, de la recherche médicale, avec la Fondation de l'Avenir, a bien voulu répondre aux questions de Mines d'infos.

 

Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise sanitaire ?

Il faut prendre du recul et arrêter de faire des comparaisons ponctuelles vraies à un moment donné, démenties quelques semaines plus tard. Le meilleur exemple est la politique zéro covid suivie par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, considérée comme exemplaire il y a encore quelques mois et aujourd’hui mise à mal par le variant delta. Finalement, il semble que le facteur le plus discriminant pour évaluer les différences entre nations soit moins les politiques suivies que le degré de confiance ou de défiance envers les autorités donc d’adhésion ou d’acceptation des contraintes. De ce point de vue, la France n’est malheureusement pas la mieux placée. En revanche, la crise a fait apparaître la capacité des acteurs de terrain à s’adapter et à innover dès lors qu’ils disposent de marges de manœuvre. La crise a obligé à desserrer l’étau d’une règlementation parfois pesante et tatillonne et à faire confiance aux acteurs. Il ne faudrait pas que le retour à la normale nous mène à l’oublier. L'État doit faire confiance aux acteurs, alléger la règlementation en amont et développer une évaluation ex-post fondée sur les résultats.

 

En tant qu'ancien président de la Mutualité Française, quel regard portez-vous sur les regroupements et fusions de mutuelles dans le contexte actuel ?

C’est un mouvement de fond, rendu impératif par les contraintes économiques, les enjeux des systèmes d’information, le besoin de relations avec les professionnels de santé et l’Assurance-maladie, aujourd’hui pour le tiers payant, demain pour inventer de nouvelles formes de contractualisation. Cela ne doit pour autant pas empêcher de rester très vigilant pour maintenir un lien de proximité avec les adhérents et nouer des relations de partenariats ancrées dans les territoires. Ce n’est pas incompatible.

 

Quelle est votre vision sur les conséquences pour la Mutualité Française, sur sa place et son rôle ?

La FNMF doit bien sûr s’adapter. Des fonctions qui étaient autrefois l’apanage de la fédération deviennent accessibles aux mutuelles. La fédération doit en tirer les conclusions, ce qu’elle fait très bien depuis des années. Quant à définir son rôle, je préfère (encore une fois parce qu’il est beaucoup plus facile de dire ce qu’il faudrait faire que d’agir) laisser le nouveau président de la mutualité française, Éric Chenut, proposer ses solutions. Il a une vision précise du rôle des différentes structures et sait que les décisions ne s’imposent pas mais doivent être discutées et négociées. Si l'on y ajoute sa ténacité et sa force de conviction, il a tous les atouts en main pour être un excellent président de la FNMF

 

Avez-vous des regrets sur des dossiers qui n'ont pu aboutir ou voir le jour ?

Bien sûr sinon cela voudrait dire que tout ce que je souhaitais faire a été réalisé. Personne ne peut se vanter d’un tel bilan, loin de là. Les regrets sont l’occasion de réfléchir et de tirer des enseignements de ses échecs. Si je devais en citer un, je retiendrais mon incapacité à convaincre les mutuelles d'instaurer des indicateurs de « service social rendu », sur le modèle du « service médical rendu » des médicaments. À mes yeux, c'était un formidable outil d’amélioration des pratiques des mutuelles et l’occasion de démontrer notre contribution à l’intérêt général. Malheureusement, une majorité de mutuelles a craint que cela ne mette nos faiblesses plus que nos forces en évidence et cette idée ne s’est jamais concrétisée.

 

Si le futur président de la République sollicitait vos conseils en matière de politique de santé et de protection sociale, que lui suggereriez-vous ?

De surtout se placer dans le long terme pour essayer de se poser les bonnes questions. Il faut comprendre que les évolutions épidémiologiques entraînent de nouveaux besoins (notamment d’accompagnement) et que les enjeux de la protection sociale sont désormais autant dans l’organisation de l’offre et des parcours que dans la solvabilisation. Mais c’est aux candidats de proposer un programme puis, et, surtout  de le mettre en œuvre. Il est tellement plus facile de dire ce qu’il faudrait faire sans être en position de responsabilité ! Prendre des décisions est l’exercice le plus difficile qui soit, conseiller le plus facile parce qu’il n’est pas nécessaire d’en assumer les conséquences. C’est aux décideurs (que nous avons la chance de pouvoir choisir, ne l’oublions pas) de prendre les décisions.  

 

Que vous inspirent les scenarii du HCAAM ?

C’est malheureusement une fois de plus une approche macro-économique qui contourne les difficultés, par exemple en laissant supposer que l’on peut soudainement supprimer des dépassements d’honoraires en place depuis quarante ans et qui, pour certaines spécialités, constituent la moitié des revenus. Il faut faire attention à la sémantique, souvent trompeuse.

 

Le scénario dit « grande sécu » laisse penser que la Sécurité sociale va remplacer les complémentaires et que cela sera plus efficace et moins cher, en supprimant le ticket modérateur. C’est oublier que la moitié des remboursements des complémentaires ne concerne pas le ticket modérateur mais concerne d’autres frais, dont personne ne parle, actes hors nomenclature ou dépassements d’honoraires et prix totalement déconnectés des bases de remboursement, comme en optique ou en dentaire. Comment imaginer soudainement avoir des tarifs opposables pour toutes les dépenses?

 

Au delà (et peut être est-ce le plus préoccupant ?), ces scenarii donnent le sentiment que l’on continue de considérer que le seul enjeu est le remboursement des soins alors qu’aujourd’hui, l’organisation de l’offre et des parcours des patients et la prévention sont des enjeux aussi importants que la solvabilisation des dépenses. Pour ma part, j’aurais préféré que l’on réfléchisse à la façon de trouver des solutions à des questions essentielles telle que la régulation, puis de se demander quelle peut être la valeur ajoutée de chaque acteur. Je crains une fois de plus que l'on aborde cette question avec des a priori dogmatiques et que le défaut de pragmatisme et d’approche micro-économique ne mène à des solutions inapplicables.

 

Ouvrages d'Étienne Caniard

Mieux soignés demain : un autre regard sur la santé

Pour un autre regard sur la santé, un État régulateur et des acteurs responsabilisés. Notre système de santé et de protection sociale a beaucoup d'atouts mais peine à se réformer. Aucun nouveau progrès ne sera possible sans un engagement et une implication de tous les acteurs : soignants, patients, Sécurité sociale, mutuelles etc. auxquels l'État devrait faire confiance plutôt que d'agir en leur lieu et place. C'est un important repositionnement qui est nécessaire pour chacun.

 

Étienne Caniard et Gaby Nonnand

Santé : je veux qu'on m'écoute... Ouvrons le débat

Quel meilleur moyen pour faire naître un débat citoyen que de partir des relations que les patients et leurs proches nourrissent avec le système de santé ? À partir de récits courts relatant la perception d'usagers, cet ouvrage met des dysfonctionnements trop souvent négligés en évidence : insuffisance ou excès de médecins, difficile orientation dans le système de soin, crise des urgences, maltraitance médicale, soins palliatifs et fin de vie, soupçon sur le pouvoir de l'industrie du médicament, rôle de la médecine du travail... Autant d'exemples concrets et de témoignages sur lesquels Gaby Bonnand et Étienne Caniard rebondissent pour les nuancer, les interroger, apporter les repères indispensables pour mieux comprendre la complexité de l'organisation du système de soins aujourd'hui et identifier les leviers sur lesquels agir. Le sentiment de maltraitance parfois ressenti par les patients ou leurs proches est l'écho de la souffrance de nombreux soignants qui ne peuvent plus remplir la mission qu'ils ont choisie comme ils le souhaitent. Les problèmes liés au changement de formule du Levothyrox (considérés comme un scandale sanitaire par une majorité de Français) révèlent aussi les difficultés de rapidement informer les professionnels de santé et les usagers sans amplifier les ambiguïtés de la place de l'industrie pharmaceutique. L'errance diagnostique de certains patients aux symptômes peu spécifiques nourrit la défiance vis-à-vis du système de santé et de ses experts, comme nous le montrent les débats sur la maladie de Lyme. Le livre propose des pratiques positives et innovantes pour répondre aux attentes et aspirations des citoyens, ainsi que des changements possibles et nécessaires en matière de politiques publiques.

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 Alors que les pouvoirs publics s’étaient engagés dans un agenda social resserré, depuis le 23 juin dernier, le processus d’échanges thématiques, tel qu’envisagé initialement par la ministre Amélie de Montchalin, a été stoppé. En effet, la réunion du 23 septembre, 4ème réunion du processus de discussion posé par la DGAFP, a été annulée la veille de sa tenue et remplacée par des réunions bilatérales syndicat/DGAFP (voire syndicat/ministère FP).

L’objectif du Gouvernement était de prendre attache auprès de chaque syndicat pour débattre des aspects les plus stratégiques de la réforme afin d’aboutir fin 2021 à un projet de décret pour le versant FPE. Le 13 octobre dernier, une réunion multilatérale s’est néanmoins organisée à la DGAFP.

Pour rappel, début septembre, les derniers échanges avec la DGAFP avaient porté sur la constitution d’un panier de soins en santé avec différents schémas d’architecture notamment liés à l’articulation :

◼ des niveaux de négociation interministérielle/ministérielle,

◼ des garanties socle de base/options.

 

Les derniers travaux étant restés en l’état, le Gouvernement souhaite finaliser rapidement un projet d’accord interministériel. Pour cela, des arbitrages sont nécessaires sur la structuration du processus de négociation.

Deux scénarios de négociation sont envisagés pour la conclusion d’un accord interministériel définissant un panier de soins interministériel : avec adhésion obligatoire ou bien adhésion facultative (axe non privilégié par le gouvernement mais par certaines organisations syndicales et mutulles). Dans le prolongement de la réunion OS/DGAFP du 13 octobre, de nouvelles réunions bilatérales devraient suivre pour présenter a minima un projet d’accord sur le volet santé.

Pour ce faire, les fédérations syndicales attendent des avancées sur les questions liées notamment à la prévoyance et aux solidarités intergénérationnelles. Côté FPT, la réforme avance avec la construction de propositions formalisées des employeurs territoriaux qui devraient aboutir fin 2021 à la publication des décrets d’application de l’ordonnance PSC pour le versant territorial.

Des sujets apparaissent très positifs : l’aide obligatoire en santé et en prévoyance, l’intégration de l’invalidité et de l’interruption temporaire de travail dans les garanties prévoyance… néanmoins, les délais de mise en œuvre de la réforme (2025 pour la prévoyance et 2026 pour la santé) sont trop lointains et aucune période transitoire n’est prévue pour accompagner les employeurs dans cette nouvelle obligation de financement. De plus, la question de l’intégration des retraités n’est pas réglée.

 

 Le Réseau régional MFP se mobilise sur le PLFSS pour 2022, plus précisément sur l’article 12 qui pose le principe d’un alignement fiscal et social des contributions des employeurs publics sur celles du secteur privé en matière de protection sociale complémentaire des personnels.

Certes, cela peut être perçu comme une avancée mais elle reste insuffisante au regard du non-respect de la multiplicité possible des futurs dispositifs de couverture PSC.

Demain, avec la disposition de l’article 12, seuls les contrats collectifs obligatoires (CCO) apparaitront avantageux en matière d’exonération fiscale et sociale. Pour rappel, l’ordonnance de cadrage n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la Fonction publique pose l’obligation de participation financière de l’employeur public à la complémentaire santé de ses agents, participation ouverte aussi bien aux contrats collectifs à adhésion obligatoire (CCO) qu’à ceux à adhésion facultative (CCF) ou aux contrats individuels (CI), sélectionnés au terme d’une procédure de mise en concurrence.

Néanmoins, l’article 12 cantonne les avantages fiscaux et sociaux aux seuls contrats collectifs obligatoires percutant ainsi de plein fouet le cadre légal de la réforme en cours. Dans les faits, les agents dont l’employeur n’aura pas fait le choix d’un CCO ne pourront pas bénéficier des avantages ouverts par cette disposition budgétaire.

Cela créé une brèche dans la réforme avec l’ouverture possible d’une iniquité entre personnels de la Fonction publique, d’autant plus au moment où l’ordonnance PSC entre en application, au 1er janvier 2022.

Ainsi, depuis début octobre, la MFP, à l’appui de son Réseau régional, alerte les parlementaires sur les dérives possibles de la réforme PSC en cours.

Une proposition d’évolution du texte de l’article 12 du PLFSS a été adressée au Gouvernement et, en parallèle, l’ensemble des parlementaires ont été saisis, via deux amendements, sur cette problématique d’iniquité ouverte entre agents publics.

L’action d’Influence de la MFP a été largement relayée auprès des parlementaires via les militants MFP.

 

A la date du 19 Octobre 2021, 34 amendements ont été déposés sur l’article 12 pour l’examen en séance publique du PLFSS prévu à partir du 20 octobre (21 sont d’ores et déjà déclarés « à discuter »).

Ces amendements sont portés par les groupes socialistes, UDI, Libertés et Territoires, des députés LR, Agir Ensemble ou encore « non inscrit ».

 

dernière heure: la MFP devrait être reçue par la Ministre de la FP le 26 octobre....