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28 / 07 / 2018 | 22 vues
Marc Crespin / Membre
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Arkéa : les syndicats méprisés

À marche forcée, la direction d’Arkéa se dirige vers l’indépendance du Crédit Mutuel. Quitte à se passer de l’avis des syndicats, inquiets des conséquences de cette séparation sur l’emploi. Mépris, rétention d’information et atmosphère délétère : les dirigeants d’Arkéa symbolisent la fuite en avant du macronisme triomphant. Jusqu’à quand ?

La frustration est sans aucun doute ce que ressentent les représentants du personnel d’Arkéa. La direction de la branche bretonne du Crédit Mutuel, qui entend faire sécession de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) afin de voler de ses propres ailes, a présenté son projet d’indépendance à la fin du mois de juin. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le schéma présenté inquiète les syndicats, avec raison.

Un DG qui « présente le projet à tout le monde sur Twitter », mais pas aux syndicats

« On demande aux élus du personnel de se prononcer sur un projet qui reste vague, qui nous semble peu stabilisé et sur lequel pèsent, comme toujours, énormément d’incertitudes », ont lâché quelques représentants du personnel de la banque, foulant aux pieds la clause de confidentialité que leur direction tentait de leur imposer. C’est que l’heure est grave et que la direction d’Arkéa ne semble en faire qu’à sa tête, ne respectant ni l’avis de ses syndicats maison ni celui des autorités de contrôle françaises et européennes.

« On nous a fourni un document de 34 pages, dont à peine 20 sont vraiment utiles. C’est maigrelet pour une réforme de fond, dit historique. C’est vraiment peu pour un texte censé détailler les conséquences sociales, économiques et juridiques de la séparation », se désolent les syndicats. « Ce n’est pas sérieux et il est injuste de nous imposer une clause de confidentialité car on en a appris bien plus par la presse que dans ce document », pestent des élus du personnel qui ont l’impression d’être pris pour quantité négligeable. 

L’attitude de leur direction ne fait rien pour les rassurer, loin de là. Ainsi, « le directeur général, Ronan Le Moal, n’est pas venu au comité central d’entreprise (CCE) [qui se tenait le 5 juillet dernier, NDLR] alors qu’il présente le projet à tout le monde sur Twitter ». En lieu et place du DG, c’est le DRH qui a consenti à participer à la réunion par « vidéo-conférence, depuis les bureaux parisiens d’Arkéa sur les Champs-Élysées ». Un mépris et une claque envoyés depuis « l’endroit qui symbolise le plus la centralisation et le parisianisme qu’Arkéa veut combattre ». Du moins en théorie.

« Un climat anxiogène et délétère »

Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que la direction d’Arkéa méprise ses syndicats. En avril dernier, déjà, cinq représentants des organisations syndicales représentatives du groupe Crédit Mutuel Arkéa s’étaient rendus, à leur demande, au Ministère du Travail. Reçus par le cabinet de Muriel Pénicaud, ils avaient fait valoir les risques que le projet d’indépendance faisait peser sur l’emploi.

« Trop de questions restent sans réponse », jugeaient déjà les représentants du personnel. « Quand nos dirigeants parlent d’indépendance, nous voulons comprendre. Quel sera notre futur statut juridique ? Nos emplois seront-ils mieux préservés avec l’apparition d’un Crédit Mutuel concurrent sur nos territoires ? Quelles sont les perspectives financières quand on devient un établissement dix fois plus petit ? ». Ces questions sont légitimes.

Les syndicats d’Arkéa dénoncent également un « climat anxiogène et parfois délétère ». « La stratégie de nos dirigeants est redoutable. Il ne s’agit plus d’informer mais de mobiliser et de convaincre du bien-fondé de la version officielle par tous les moyens, y compris les plus contestables. Il faut être soit pour, soit contre l’indépendance. Tout a été rendu binaire », déplorent les représentants du personnel. Il faut croire qu’ils n’ont toujours pas été écoutés.

Vers une nouvelle « phase sociale » du quinquennat ?

Le sort réservé aux syndicats d’Arkéa ne laisse pas d’inquiéter, à l’heure où les défenseurs des droits des salariés voient leur avenir s’assombrir. Du haut de sa tour d’ivoire, Emmanuel Macron n’a jamais caché le peu de cas qu’il faisait des corps intermédiaires. On l’a bien vu lors de la casse du Code du travail ou lors de la réforme de la SNCF, passée au forceps à coups d’ordonnances, après une « consultation » qui n’en avait que le nom. On le voit également à la volonté du Président de la République de vouloir déshabiller le paritarisme, sur la question des caisses chômage ou de la formation professionnelle.

« La méthode Macron vise, je le crains, à délégitimer les syndicats, en les opposant au pouvoir politique », analyse avec acuité Bernadette Groisson, secrétaire générale de la FSU. « La méthode Macron, c’est : vous discutez et je tranche », abondait Laurent Berger (CFDT) en février dernier. Mais le vent est peut-être en train de tourner. Un député LREM confie ainsi qu’une partie de ses troupes « pense que les corps intermédiaires, les syndicats, sont indispensables. On en a besoin pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé des réformes ». Au cours du dernier congrès de Versailles, Emmanuel Macron lui-même a annoncé ouvrir une nouvelle « phase sociale » du quinquennat, visant à « jeter les bases d’un nouveau contrat social, celui du siècle qui s’ouvre ».

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