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13 / 02 / 2013 | 1 vue
Jean Louis Bally / Membre
Articles : 17
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ANI flexisecurité : histoire d'un dérapage

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier a fait l’objet de trois versions successives, dont les deux premières écrites par le MEDEF. La version finale est plus défavorable aux salariés que la première version proposée le 14 novembre 2012. Explications et textes à l’appui.

  • Proposition du MEDEF en date du 14 novembre 2012
  • § 4.B p 9 : « Les refus des salariés des modifications de contrat ou transformation d’emplois seraient traités dans le cadre de plans de redéploiement dès lors que lesdites modifications se situeraient dans les limites de la définition des offres raisonnables d’emploi, donnée par le Code du travail. »


Autrement dit, le MEDEF démarre la négociation sur les mobilités en proposant lui-même pour limite celle du Code du travail, L5411-6-3 : 30 km, une heure de déplacement entre domicile et travail.

  • Proposition du MEDEF en date du 18 décembre 2012
  • art. 13 p 10 : « La négociation ou la consultation prévue ci-dessus (L.2242-15 ) doit porter sur les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Elle comporte notamment les limites imposées à cette mobilité. L’accord ou la consultation ne peut prévoir des mobilités géographiques ayant pour effet de proposer au salarié un poste, s’il est situé en dehors de la zone géographique de son emploi telle que précisée dans l’accord ou la consultation ci-dessus, éloigné de plus de cinquante kilomètres de son lieu de travail ou nécessitant une augmentation du temps de transport supérieure à 45 minutes. »


Les 30 km sont passés à 50 et l’heure à 1h45 max. Avec une nuance subtile : la référence de départ n’est plus le trajet domicile-travail mais « une zone géographique d’emploi » définie par accord (minoritaire).

  • Accord signé le 11 janvier 2013
  • art. 15 p 16 : « La mobilité interne s’entend de la mise en œuvre des mesures collectives d’organisation courantes dans l’entreprise, ne comportant pas de réduction d’effectifs et se traduisant notamment par des changements de poste ou de lieux de travail au sein de la même entreprise. L’organisation de cette mobilité interne fait l’objet, dans les entreprises dotées de délégués syndicaux, d’une négociation triennale… Elle comporte les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique de son emploi, telle qu’également précisée par l’accord, »


Désormais, la zone géographique de l’emploi et les limites de la mobilité sont soumises à la dérogation d’accords (minoritaires) d’entreprise. Il suffit que Renault définisse la France pour zone géographique et trouve trois syndicats minoritaires pour signer et le tour est joué : l’article L5411 est caduc.


Curieuse négociation que celle où la dégradation des conditions de l’accord se fait toujours dans le même sens. Vers qui se tourneront les salariés qui seront licenciés « pour cause personnelle » en cas de refus de la mobilité ?

Le texte de loi proposé par le gouvernement reprend sans modifications la dernière version de l'accord...

Il faut rappeler qu'en 2010, la direction de France Télécom n'a pas eu de mal à faire signer la même clause par une majorité de syndicats, obligeant les salariés à accepter une mobilité forcée de près de 400 km (3 régions limitrophes) et provoquant la destruction de la vie familliale de plusieurs milliers de foyers ainsi que quelques suicides.

Entre le fort et le faible, c'est la liberté (des accords) qui opprime et c'est la loi (du Code du travail) qui affranchit.

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