Cette fois-ci, les hôtesses et stewards (13 600 salariés dans la compagnie) espèrent que la direction saura entendre leurs revendications dans le cadre du prochain accord qui doit régir leurs conditions de travail, leurs carrières et leur rémunération.
Rien n’est moins sûr. Entamées au printemps, les discussions piétinent pour l’instant. La direction ne semble pas vouloir entendre la grogne du personnel navigant commercial (PNC), déplore le syndicat FO. La récente grève qui, du 27 juillet au 2 août derniers, a été massivement suivie (60 à 70 % de grévistes) a cependant montré à quel point le malaise social persistait au sein d’Air France.
Le 24 août, la première rencontre de négociation a seulement consisté à établir le calendrier et la méthode qui seront adoptés pour la suite des discussions. Reste donc à débattre en profondeur du prochain texte d’accord tandis que celui actuellement en vigueur expire, en principe, le 31 octobre.
Accord prolongé jusqu’en février 2017
Jusqu’en juillet, avant la grève, la direction proposait de mettre en place un prochain accord quasiment identique et d’une durée limitée à 17 mois au lieu d’un accord d’une durée de trois à cinq ans. En contrepartie, elle promettait de ne pas procéder à un plan de départs volontaires jusqu’en 2018. Pour les syndicats, un accord d’une durée de vie aussi courte, donc peu protecteur, n’était pas acceptable.
Les choses ont évolué. La direction a unilatéralement décidé de maintenir l’accord collectif actuel jusqu’en février 2017, le temps de négocier le suivant. Cette position a été confirmée le 24 août. Pour la direction, ce délai devrait aussi permettre d’intégrer au prochain accord les données du projet industriel du groupe Air-France-KLM que le nouveau PDG, Jean-Marc Janaillac, devrait dévoiler en novembre.
Récemment, la direction envisageait aussi de scinder les négociations afin d’aboutir d’une part à un accord à durée indéterminée qui porterait sur les carrières et certaines règles de rémunérations et d’autre part à un autre qui resterait, lui, à durée déterminée et porterait sur les autres règles.
Un climat social tendu
Quoi qu’il en soit, cette reprise des négociations se tient dans un climat social pour le moins tendu. Fin septembre, quinze salariés d’Air France passeront en effet en justice, accusés d’avoir commis des actes de violence le 5 octobre 2015.
Ce jour-là, les salariés (PNC, personnel au sol, pilotes) avaient spontanément manifesté leur colère contre le projet de 2 900 suppressions d’emploi, annoncé par la direction lors d’un comité central d’entreprise.
Dans le cadre de cette affaire, le licenciement de plusieurs salariés ne participe pas davantage à apaiser les tensions dans la compagnie.
Ces paramètres s’ajoutent donc à la difficulté rencontrée depuis le printemps par les syndicats de négocier les caractéristiques du prochain accord collectif du PNC. Dès les premières discussions, la direction s’était en effet employée à refuser la quasi-totalité des revendications des hôtesses et stewards.
Or, pour les syndicats, « les revendications sont plus que raisonnables au vu de la situation financière de l’entreprise ». Lors de la grève en juillet, les syndicats ont aussi rappelé les « 220 millions d’économies et de productivité réalisés entre 2013 et 2015 (plan Transform 2015, NDLR) par le PNC, entraînant la suppression de plus de 2 000 postes et permettant le redressement de la compagnie ».
Menaces sur les conditions de travail
Ces derniers mois, la direction envisageait néanmoins « de nouvelles baisses des compositions d’équipages, au mépris de la sécurité et de la sûreté à bord », s’indignaient les syndicats, fustigeant un éventuel recul des conditions de travail.
La direction proposait par exemple de réduire le nombre de membres du PNC à 3 (contre 4 actuellement) sur une « très grande majorité des vols longs et extra-longs » effectués sur les Airbus A319.
De leur côté, les syndicats (dont le SNPNC-FO) rappellent que les hôtesses et stewards sont déjà « épuisés par la densification du service et l’augmentation des cadences. L’explosion des arrêts maladies et des risques psychosociaux en témoigne ».
En guise de dernière provocation, cet été, à l’issue de la grève et en amont de l’ouverture des négociations sur l’accord collectif, la direction a stigmatisé à plaisir le coût de la grève évaluée, selon elle, à 90 millions d’euros.
L’entêtement de la direction a un coût
Les syndicats ont immédiatement retourné l’argument du coût de la grève sur les finances de la compagnie. Un poids tout relatif, en effet.
Il équivaut au financement d’un accord collectif d’une durée de 4,5 années. Accord qui aurait immédiatement pris les revendications du PNC en compte, rétorquent les syndicats, renvoyant ainsi la direction aux conséquences de son entêtement à ne pas entendre la grogne du personnel depuis des mois.
Face à une direction qui persiste à mettre en avant le coût de cette récente grève, les syndicats multiplient les mises en perspective. Ainsi, soulignent-ils, l’amélioration à hauteur de 580 millions du résultat d’exploitation d’Air France au premier semestre 2016 équivaut, par exemple, au coût que pourrait avoir un accord collectif pendant 28 ans.
Autre comparaison ? Le recul de 300 millions de la dette de la compagnie au premier semestre 2016 équivaut, lui, au coût de 15 années d’accord collectif…
Bref, les syndicats de PNC indiquent en substance qu'il y a du grain à moudre pour concevoir un accord collectif de qualité.