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05 / 03 / 2015 | 11 vues
Michel Abhervé / Membre
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À quoi servent les économistes, surtout s’ils pensent tous la même chose ?

Le Ciriec ayant signalé mon article > À quoi servent les économistes, surtout s’ils pensent tous la même chose ?

Je réponds à la sollicitation de le publier ici.

Comme toute science humaine, l’économie est plurielle. Si l’histoire, la sociologie et plus récemment la géographie ont reconnu que ce pluralisme était créateur, une tendance de l’économie fait exception en se posant comme seule légitime.

L’objectif est simple : conserver une position hégémonique dans les institutions universitaires en s’opposant par tous les moyens à la création d’une nouvelle section au Conseil National des Universités, intitulée « Institutions, économie, territoire et société ». Celle-ci aurait le tort de ne pas laisser les économistes orthodoxes ne pas monopoliser, au nom de leur conception, les instances de la discipline : curieux pour des tenants de la concurrence.

Preuve qu’ils doivent être inquiets pour le maintien de leurs positions de pouvoir, la virulence de leurs attaques, mobilisant même le Prix Nobel, Jean Tirole, qui qualifie, avec modération, dans une lettre à Geneviève Fioraso (Secrétaire d’État aux Universités) la création de cette section de « catastrophe pour la visibilité et l’avenir de la recherche en sciences économiques dans notre pays ». Quant à Alain Ayong Le Kama, président de la section actuelle du CNU des sciences économiques, il affirme  dans Le Figaro que cette nouvelle section se servirait qu’« à caser les «ratés» ou «frustrés» du système universitaire », ce qui met en évidence sa remarquble fraternité avec d’autres universitaires, ce qu’il accentue en poursuivant : « Un article au sein de la revue française d’économie rurale vaudra autant que celle de l’American Economy Review ». Quel mépris pour l’économie rurale, comme si la seule économie qui pouvait avoir droit de cité était celle fondée sur une approche théorique, formaliste et mathématique, publiant dans des revues à forte connotation idéologique

Face à ce mépris de ceux qui veulent garder leur hégémonie dans les instances universitaires, au nom d’une conception de l’économie excluant toute approche pluraliste, la réaction prend la forme :

  • d’une tribune du président de l’Association française d’économie politique, André Orléan, dans Le Monde, « Les économistes ont également besoin de concurrence » ;
  • d’une lettre ouverte à Jean Tirole commençant ainsi : « La diversité intellectuelle n’est pas source d’obscurantisme et de relativisme mais d’innovations et de découvertes » ;

  • d’une pétition qu’il est possible de signer ici, même si l'on n’est pas universitaire.

Il est au moins un ministre qui aurait pu signer cette pétition. En effet, Emmanuel Macron affirme dans Marianne ce que sa formation doit « à l’école du MAUSS » (le mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales, animé par le sociologue Alain Caillé) et qu’il est « attaché à ce qu’il n’existe pas qu’une seule approche de l’économie » et poursuit : « L’économie se construit aux frontières de la politique, de la sociologie et de la philosophie. Même si les mathématiques apportent beaucoup, c’est une science sociale et morale ».

Espérons que sur ce sujet, Geneviève Fioraso confirmera la décision préparée et ne se laissera pas impressionner durablement par des pratiques qui s’apparentent quelque peu à du  terrorisme intellectuel et ont pour le moment obtenu la suspension de la décision de création de cette section. Ce n’est pas certain...

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merci pour cette alerte et cette initiative à relayer largement refusons la dictature des "sachants" ou de la pensée unique... pour ouvrir largement les débats c'est du débat et des confrontations d'idées que les choses peuvent progresser Comme si, dans un monde aussi complexe et mouvant, il ne pouvait y avoir qu'une approche des choses et qu'une voie possible