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09 / 06 / 2016 | 6 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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À côté du géant EDF, 150 entreprises locales de plus en plus soumises à la loi du marché

Leurs salariés étaient largement représentés au 5ème congrès de la fédération FO énergie et mines qui s’est tenu à Tours du 30 mai au 3 juin et qu'Évelyne Salamero, journaliste à FO Hebdo a suivi. Sur cet important sujet, elle souligne que les ENN (entreprises non nationalisées) jouent un rôle clef dans la distribution de l’énergie. Un rôle aujourd’hui menacé.

ERDF, désormais rebaptisée Enédis, filiale à 100 % d’EDF, assure environ 95 % de la distribution de l’électricité en France. Mais les 5 % restants qui concernent tout même 3 millions de consommateurs répartis dans 2 500 communes, sont assurés par des entreprises locales : régies directes (services municipaux) ou indirectes, sociétés d’économie mixtes locales, société d’intérêt collectif agricole pour l’électricité (SICAE).

Outre la gestion du réseau de distribution, certaines assurent également l'approvisionnement en électricité.

De tailles très diverses, elles peuvent employer de 5 à 1 000 salariés chacune et en totalisent environ 7 000.

On en compte beaucoup dans le sud-ouest et le nord-est du pays. Électricité de Strasbourg, l’une des plus importantes dont EDF est l’actionnaire majoritaire, compte 980 salariés. Mais dans le Tarn, par exemple, deux petites régies distribuent et fournissent en électricité et en gaz la ville de Carmaux et ses environs.

Pourquoi les appelle-t-on des entreprises non nationalisées depuis 1946 ?
Au lendemain de la guerre, la loi de 1946 a nationalisé plus d’un millier d’entreprises privées distributrices d’électricité mais a prévu un régime dérogatoire pour celles qui appartenaient déjà aux communes.

C’est en effet dès le début du XXème siècle que ces dernières, constatant que les entreprises privées qui édifiaient les premiers réseaux électriques délaissaient les zones rurales au profit des zones urbaines pour des raisons de rentabilité, ont décidé de prendre les choses en main et d’organiser elle-même le service public de fourniture et de distribution d’électricité sur leur territoire.

La loi de 1946 a d'ailleurs confirmé que ces ENN doivent assurer une mission de service public. Leurs salariés sont couverts par le statut national unique des industries électriques et gazières, comme les agents de la grande entreprise publique née de la nationalisation, EDF-GDF.

L’ouverture à la concurrence des années 2000

Les délégués FO de cinq des plus importantes ENN étaient présents au congrès de la fédération FO énergie et mines : Électricité de Strasbourg, de Metz, de Grenoble, Soregies pour Poitiers et enfin Séolis et sa filiale Geredis pour le département des Deux-Sèvres, dont le délégué FO, Christophe Breuillat, est intervenu à la tribune.

Séolis est un bon exemple du retour du secteur privé sur le devant de la scène, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence dictée par les directives européennes depuis les années 1990.

Jusqu’en 2008 le Syndicat intercommunal d’énergie des Deux-Sèvres (SIEDS) prenait en charge à la fois la gestion des réseaux (entretien et extension) et la fourniture (la vente) de l’électricité. Mais le gouvernement, sous l’impulsion de Bruxelles, a obligé tous les opérateurs (EDF et les ENN) à préparer la séparation des activités de distribution (gestion du réseau), qui restent du domaine public, de la fourniture, la vente, désormais ouverte à la concurrence. La régie du SIEDS a donc disparu, remplacée par la société d’économie mixte Séolis. Le SIEDS a ainsi abandonné la gestion directe au profit d’une gestion déléguée. Séolis a créé une filiale, Geredis Deux-Sèvres, pour gérer le réseau de distribution.

L’équilibre du réseau et les acquis des salariés en danger

À la tribune, Christophe Breuillat a tenu à souligner la solidarité entre les délégués de toutes les ENN. Il explique pourquoi : « nos entreprises travaillent de plus en plus en concurrence les unes avec les autres, une concurrence de plus en plus exacerbée depuis la fin des tarifs réglementés de vente aux gros clients, les entreprises.
« L’équilibre du réseau est véritablement en danger aujourd’hui ».
Aujourd’hui, pour gagner des parts de marché certaines baissent le prix de vente au point qu’il devient inférieur au coût de production et pour compenser, la variable d’ajustement est bien sûr toujours la même : nos emplois, nos droits, nos salaires ». Il soulève un autre problème.

La loi de 1946 avait créé un fonds de péréquation de l’électricité (FPE) pour que les entreprises gestionnaires du réseau de distribution excédentaires puissent aider les déficitaires et ainsi assurer un équilibre du réseau sur l’ensemble du territoire national. Le coût d’exploitation en zone rurale où il faut couvrir beaucoup de kilomètres pour peu de consommateurs n’a en effet rien de comparable avec celui d’une zone urbaine.

Mais le FPE a été réformé en 2004 et 2014 et son fonctionnement actuel ne tient plus suffisamment compte de cette réalité et ne permet donc plus une réelle péréquation, dénonce Christophe Breuillat. « L’équilibre du réseau est véritablement en danger aujourd’hui », alerte-t-il.

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