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06 / 05 / 2013
Sylvain Thibon / Membre
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Vivendi décide de ne rien décider

L’assemblée générale de Vivendi s’est tenue le 30 avril au Carrousel du Louvre. Le 1er mai, rien n’avait changé.

La « revue des actifs détenus par le groupe », décidée il y a tout juste un an, reste à l’état de revue même si tout n’a pas été mis sur la table lors de cette assemblée générale, notamment l’avenir de Maroc Telecom.

Finalement, depuis un an, le seul grand changement de cette revue d’actifs aura été le départ fracassant et inattendu de Jean-Bernard Levy, le patron opérationnel du groupe. Depuis, c’est l’Arlésienne ! Un jour, on vend GVT (notre filiale brésilienne au développement exponentiel) ; le lendemain, il n’y a plus d’acheteur. Un autre jour, c’est au tour d’Activision Blizzard (la filiale leader mondial des jeux en ligne) d’être sur la ligne de départ. Puis on garde tout. Un autre jour encore et c’est Maroc Telecom qui est sur la sellette. Mais là, les intérêts financiers ne sont surement pas les seuls enjeux… Maroc Telecom, une très belle filiale, pourrait être la seule cession du groupe réalisée en 2013.

  • Pendant ce temps, Jean-René Fourtou réaffirme son attachement à prendre le temps : « Nous n’allons pas brader ces superbes actifs ». Alors pourquoi vendre ? C’est bien la question qu’a dû se poser il y a un an Jean-Bernard Levy au conseil de surveillance avant de claquer la porte.

Pour désendetter le groupe ? Pour permettre l’arrivée de Vincent Bolloré à sa tête ? Le premier actionnaire du groupe avec 5 % du capital, dont l’absence remarquée à l’assemblée générale du 30 avril a été abondamment critiqué par les actionnaires…

Pour recentrer le groupe sur les médias, comme le souhaite Bertrand Meheut ? De quels médias parle-t-on ? Des jeux, de la musique et la télé ou de la seule télé autour de Canal+ ? Mais qu’est-ce qu’un groupe de médias sans un actionnaire puissant, sans une capacité d’investissement importante, sans un soutien permanent d’un groupe aux reins solides ?

À moins que l’après-démantèlement soit déjà écrit ! Rapprochement avec les activités Bolloré, Havas par exemple, ou bien rapprochement avec un opérateur ADSL afin de sécuriser la diffusion des contenus ? Tout est envisageable. Dans ce dernier cas, nous aurions alors perdu beaucoup de temps pour prendre ce virage stratégique. Cette évolution est prévisible depuis plus de 7 ans. Or, il y a 7 ans, nous absorbions TPS. Pourquoi ne pas avoir réalisé une telle opération à ce moment-là alors que Free était encore un nain industriel sur le marché des télécoms ?  Pourquoi avoir snobé SFR, notre partenaire naturel dans Vivendi, pendant si longtemps ?  

Côté SFR, la seule annonce pourrait être une mise en bourse d’une partie de son capital…Pourquoi faire ? Permettre l’arrivée d’un financier étranger dans le capital de SFR, d’un fond de pension américain ? Dans ce cas, pourquoi avoir racheté à Vodafone il y a quelques mois les 44 % qu’il détenait chez SFR ? Ce choix pourrait s’avérer dangereux pour cette très belle filiale, qui, même si elle souffre un peu de l’arrivée de Free sur le mobile, n’en reste pas moins une très belle entreprise à l’avenir radieux si les bonnes décisions sont prises.

Pour l'avenir de Vivendi, les questions restent donc ouvertes. Une certitude : on ne démantèle pas ainsi un groupe de 60 000 salariés en interne, des centaines de milliers en externe, d’un coup de baguette magique et c’est heureux. 

Au regard de ce maelström, on comprend pourquoi Jean-Bernard Levy a préféré partir. Car il avait su construire un projet industriel doublé d’une ambition sociale. Le projet industriel est à reconstruire, l’ambition sociale est à terre. Des milliers d’emplois pourraient être concernés par ces restructurations sans certitude d’un accroissement de la valeur globale du groupe.

Lors de cette assemblée générale, certains actionnaires ont demandé à Jean-Bernard Levy de rendre ses indemnités de départ. Nous pensons au contraire qu’il faut remercier ce grand patron, le seul à nous avoir balisé le chemin pendant une dizaine d’années, tout en poursuivant sereinement une politique de redressement spectaculaire et de développement raisonné en France et à l’étranger, une expansion intelligente, maîtrisée et qui porte ses fruits. Rachat d’EMI, développement de Canal+ en Pologne, achat de GVT au Brésil, tous les investissements réalisés sous l’ère Levy ont été générateurs de valeur. Dira-t-on la même chose dans 5 ans ? 
 

  • Malheureusement, le rendement financier et les ambitions personnelles ne peuvent attendre. Ces actionnaires avides de rendement à court terme seraient prêt à se saborder avec l’équipage pour tenter de retrouver un hypothétique eldorado disparu corps et âmes avec son promoteur dans les affres d’une aventure devenue alors incontrôlable. 

Vivendi est une très belle entreprise française, un groupe qui a su construire un modèle international original dans les médias et les télécoms, un groupe solide, aux finances saines, aux capacités d’investissements importantes. Qu’il faille restructurer ou modifier l’organisation du groupe, personne n’en doute. Certains actionnaires avaient proposé l'an dernier d'en finir avec le directoire et le conseil de surveillance et d'organiser les activités autour d'un conseil d'administration. D'autres avaient même proposé que Jean-Bernard Lévy en prenne la tête...
 
Aujourd'hui, une autre option est sur la table. Mais démanteler par appartement pourrait finalement apparaître comme un gâchis monstrueux, destiné à assouvir quelques ambitions personnelles et permettre d’augmenter de quelques euros la valeur d’une action au seul profit d’actionnaires avides de rendement à court terme.

Le pire n’est jamais sûr mais la période est à la question alors que les grandes décisions sont peut-être déjà prises. Ainsi, 58 000 salariés et leurs familles attendent la suite de l’histoire avec grand intérêt mais vous avez raison, M. Fourtou, prenez votre temps avant de démanteler ce paquebot, les salariés ne sont pas pressés...

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