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18 / 12 / 2014 | 178 vues
Adrien Chignard / Membre
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Risques psychosociaux : quand les erreurs d’aujourd’hui font les succès de demain

Depuis quelques années, les diagnostics du stress et des risques psychosociaux (RPS) sont devenus légion dans les grandes entreprises et dans les PME. Redoutés par certains, attendus par d’autres, les résultats sont rarement générateurs d’apprentissage pour les acteurs de l’entreprise. Ils permettent tout au plus de faire un consensus sur la façon dont les situations sont perçues dans l’environnement professionnel. Fondamental et nécessaire, ce consensus n’est toutefois pas suffisant pour amorcer l’amélioration des conditions de travail.

Les enquêtes européennes et nationales le montrent : depuis 2007 la situation se dégrade et en 2013, 68 % des Français estimaient que la qualité de vie au travail (QVT) s’était dégradée dans les cinq dernières années.
Pour comprendre ce qui freine l’action, les professionnels du secteur ont beau jeu d’accuser les effets collatéraux de la crise (moins de moyens économiques et humains, accélération des rythmes, moins de marges de manœuvre) et, pour certains, la mauvaise volonté des dirigeants d’entreprise. Il est toujours étonnant d’entendre des spécialistes remettre en question le monde entier mais pas leurs pratiques. Les psychologues appellent cette façon de fonctionner l’attribution externe : quand j’échoue c’est de la faute des autres.

Il n’est pas question ici de minorer les conséquences de l’environnement socio-économique sur les conditions de travail, ce serait tomber dans l’excès inverse, l’attribution interne : tout ce qui m’arrive n’est que de ma faute et l’environnement n’a aucun effet sur moi. Or, si j’ai froid l’hiver, c’est certes parce que la température est basse mais aussi parce que je ne suis pas assez couvert au regard du climat. Ce juste partage des responsabilités permet de retrouver des leviers d’amélioration sur ses pratiques et de ne pas uniquement subir et déplorer une situation.

Compte tenu de la dégradation de la situation, il semble que la réalité plaide pour un changement de paradigme afin de rendre l’amélioration de la qualité de vie au travail concrète. Comprendre à quoi ressemblera ce nouveau paradigme revient à répondre à la question : pourquoi est-il si difficile de sortir des constats pour passer à l’action et promouvoir la QVT ? 

Pour y répondre, il faut envisager trois erreurs fondamentales ainsi que leurs conséquences.

 

L’erreur dans la façon d’étudier le sujet

Le manque d’intégration des questions de QVT dans les projets qui préoccupent l’entreprise nuit considérablement à la façon dont elles sont traitées. Les audits sont réalisés dans le seul but d’améliorer la santé au travail mais ce n’est pas la première vocation de l’entreprise.

Certes sans santé, l’entreprise ne produira rien mais l’objectif unique de produire de la santé n’est que peu audible pour ceux qui décident. Le cadre juridique oblige également l’entreprise mais une contrainte extrinsèque n’a jamais été un élément de motivation à agir : tout au plus, on fera le strict minimum pour ne pas dégrader la santé.

Seule l’intégration de la santé au travail dans les projets propres à l’entreprise (changement d’outils, d’organisation, déménagement) permet de servir directement ses intérêts. Cela donne à la QVT un statut de moyen au service des performances de l’entreprise.

L’erreur relative à l’objet étudié

Les résultats des audits du stress et des RPS mettent trop souvent en lumière des « catalogues » de problèmes en se focalisant sur tout ce qui précipite ou cause du stress au travail sans considérer les facteurs de protection, c’est-à-dire ce qui diminue la probabilité d’apparition d’un trouble psychosocial (dépression, épuisement professionnel…).
En parallèle, « l’histoire du risque », c’est-à-dire ce qui lie les facteurs de risque entre eux, est rarement expliquée. Par exemple, il n’est pas rare de constater que les problèmes d’équilibre des vies sont souvent le résultat de problèmes de charge de travail, eux-mêmes en lien avec des rôles mal définis suite à un changement peu accompagné.

Par ailleurs, remplir un trou n’a jamais fait une butte : résorber les risques psychosociaux n’a jamais développé la QVT ! De même que la santé définie par l’OMS n’est pas une absence de trouble, la QVT n’est pas une absence de RPS.

La conséquence de l’hyper-focalisation sur les facteurs de risque est simple : on ne voit pas ce que l’on peut gagner mais juste ce que l’on peut éviter de perdre. C'est là la différence : on développe plus de motivation à agir devant la perspective d’un gain que devant celle d’une absence de perte. Étudier et mettre en lumière les facteurs de protection et les gains potentiels facilite la mise en place des actions.

L’erreur dans la temporalité

L’accélération des rythmes de travail et la culture de l’immédiateté actuelles rendent souvent inaudible l’équation « santé = performances à long terme ». Mettre en place des actions qui transforment les habitudes dans un environnement travail est toujours long et complexe.

Quand on demande en plus de changer des habitudes relatives à la santé et à la QVT qui ne servent qu’indirectement le projet à court terme de l’entreprise, c’est bien souvent beaucoup d’efforts pour peu de résultats.

Comment faire alors pour profiter d’un moment durant lequel l’entreprise sera plus flexible et ses habitudes plus malléables pour implanter de nouvelles façons de faire ? Il suffit pour y parvenir d’utiliser le mouvement et la plasticité engendrés par les situations de changement déjà initiées dans l’entreprise.

En encapsulant la santé au travail dans et en amont des changements, on lève les trois obstacles à la mise en place d’actions concrètes et rapidement efficaces :

  • on parle à l’entreprise des sujets qui la touchent directement : ses propres projets de changements ;
  • on se focalise à la fois sur les risques mais aussi sur les gains escomptés ;
  • on intervient à un moment où les choses sont déjà mouvantes donc moins résistantes aux modifications de fond comme de forme.
En bref, on suscite l’envie d’agir.

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Bonjour Adrien Je partage aussi l'essentiel de ce point de vue qui démontre que pour toute action de conseil en général, on ne peut se contenter d'un diagnostic aussi complet soit-il. Pour faire bouger les lignes, il faut que les acteurs internes, quel qu’ils soient, puisse agir en lien avec les leviers qui sont les leurs. Le consultant doit identifier pour chaque objectif les moyens propres à chacun dans sa sphère d'action. Quand on parle à un commercial, il faut proposer des solutions en cohérence avec ses propres objectifs au sein de la fonction commerciale. Il faut que chacun ait intérêt à agir pour que les solutions proposées soient intégrés dans les processus habituels et deviennent intrinsèques à l'action quotidienne. Sans cela, il n'y a pas d'appropriation ni de résultat sur le moyen terme. Sans ce travail, il fait une belle photo mais n'accompagne pas à la réalisation du film.