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14 / 05 / 2025 | 12 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Un mois « Trumpesque »

Éric TURJEMAN, Co-Directeur des gestions OPC chez OFI INVEST ASSET MANAGEMENT livre ses réflexions suite à des semaines pour le moins "dense " en évènements ou revirements de la nouvelle administration américaine...

 

JE COUPE LE SON… ET JE REMETS LE SON......

 

Qui aurait pu prévoir, en détaillant les annonces du 2 avril sur les droits de douane américains, que le mois se solderait peu ou prou proche de l’équilibre ? La remontée des derniers jours d’avril est d’ailleurs à inscrire dans les annales, puisqu’il est historiquement très rare de voir le S&P 500 enchaîner 9 jours consécutifs de bourse à la hausse. Finalement, la remontée depuis les points bas du 4 avril est de près de 12 %. La brutalité du contre-pied a cependant pris de court beaucoup d’investisseurs, les portefeuilles ayant été repositionnés vers les valeurs à forte visibilité au fur et à mesure que le risque de récession augmentait.


UN MOIS « TRUMPESQUE »


Un mois d’avril fait d’annonces, de contre annonces, de menaces de rétorsion, de volte-face et de va-et-vient, un mois « Trumpesque » en quelque sorte.


Nous en sortons étourdis, autant par les gesticulations politiques américaines que par la violence des mouvements de marchés. 7 jours après avoir imposé ses tarifs à l’ensemble du monde, Donald Trump opère un demi-tour et décrète un moratoire de 90 jours, le temps de négocier avec les pays partenaires. Ce qui donne accessoirement du temps au marché obligataire américain pour se remettre de ses émotions, les taux à 10 ans ayant culminé à 4,45 % quelques heures après les annonces du 2 avril.
 

La pro- chaine échéance est donc maintenant fixée au 9 juillet prochain. Espérons que, d’ici-là, la majeure partie des partenaires commerciaux américains auront finalisé un accord avec l’administration américaine.


Les entreprises américaines sortent également étourdies de cet épisode.


Beaucoup d’entre elles renoncent d’ailleurs à annoncer des perspectives sur l’ensemble de l’exercice dans un contexte marqué par un degré d’in- certitude historique. Les alertes sur les résultats accélèrent et concernent de plus en plus des sociétés liées à la consommation des ménages, signalant probablement un début d’attentisme de la part des consommateurs américains. Procter & Gamble*, Colgate*, Pepsi* et Kraft-Heinz*, pour ne citer qu’elles, ont blâmé un environnement plus complexe marqué, certes par les nouveaux tarifs, mais également par un contexte inflationniste très présent depuis le déconfinement, des marchés en baisse brutale et un contexte économique très incertain.
 

D’autres acteurs nous signalent avoir été très prévoyants, en important massivement des biens intermédiaires ou finaux avant la mise en place des nouvelles barrières douanières. Les stocks ainsi constitués devraient permettre à certaines entreprises de maintenir le même environnement de prix le temps que les accords commerciaux soient trouvés.

 

Quoiqu’il en soit, les prévisions du consensus sont en cours d’ajustement et n’intègrent plus que 7 % de croissance de bénéfices pour 2025. Avec un PER (*) proche de 22 fois les résultats 2025, le marché américain n’est clairement « pas donné » face aux défis qu’il doit relever.


L’EUROPE TIRE SON EPINGLE DU JEU


En comparaison avec la situation américaine, l’Europe retrouve certains atouts aux yeux des investisseurs.
 

Le cadre des affaires y semble moins versatile, les plans de relance européens - notamment allemand - devraient pérenniser la croissance, et les écarts de performance deviennent notables avec les marchés américains, surtout en euro alors que le dollar s’est déprécié de près de 10 % depuis ses points hauts. Cet élément devrait d’ailleurs peser sur les estimations de croissance des résultats des entreprises européennes à l’avenir, une telle variation de la parité n’ayant pas été anticipée par le consensus des analystes.
 

Avec un PER 2025 de 14 fois, la décote historique européenne a clairement disparu. Nous sommes cependant encore loin des valorisations atteintes par les marchés américains.


LA PRUDENCE EST TOUJOURS DE MISE


Après un tel rebond des marchés américains, il nous apparaît opportun de neutraliser ce pari, tant l’avenir est fait d’incertitude. Les entreprises américaines elles-mêmes témoignent d’un environnement difficilement prévisible.


Il est délicat à ce stade d’imaginer ce qui pourrait propulser les marchés un cran plus haut, d’autant que des baisses de taux massives de la part de la Fed ne nous semblent pas réalistes à ce stade.

 

(*) Le PER ou "Price earning ratio" est le coefficient multiplicateur appliqué au bénéfice net d'une entreprise pour obtenir la valeur de celle-ci. Quand une entreprise est cotée en bourse, le PER est le résultat de la division du "cours de l'action" par le "bénéfice net par action".

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