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03 / 12 / 2019 | 2519 vues
Pascaline Kerhoas / Abonné
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Réforme du recouvrement fiscal et social : un rapport « perdant-perdant »

Par lettres de mission du 2 octobre 2018 et du 29 avril 2019, la Ministre des Solidarités et de la Santé et le Ministre de l’Action et des Comptes publics ont chargé Alexandre Gardette (administrateur général des finances publiques) de leur faire des propositions pour réformer le recouvrement fiscal et social.

 

Ce rapport daté du 31 juillet 2019, transmis aux fédérations syndicales ministérielles, détaille les pistes pour unifier le recouvrement fiscal au sein de Bercy. Alexandre Gardette y a fait des propositions de transfert différencié, impôt par impôt.

 

Certains ont déjà été transcrits dans la loi de finances 2019 : la taxe sur les boissons non alcoolisées avec effet au 1er janvier 2019, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et la TVA sur les activités pétrolières avec effet au 1er janvier 2020.

 

Afin de poursuivre ces transferts, une organisation en mode projet sera mise en place à la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et à la Direction générale des finances publiques d’ici fin 2019, afin de s’assurer du suivi, de la coordination de ces chantiers et de l’ensemble des volets qu’ils recouvrent.

 

Sur le fond, l’ensemble de la réforme, proposée par Alexandre Gardette, repose sur plusieurs chantiers distincts :
 

  • l’unification au sein de chaque sphère, recouvrement social autour de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS et recouvrement fiscal autour de la DGFIP) ;
  • le développement de synergies entre chacune de ces deux sphères, avec notamment l’instauration d’un portail informatique commun ;
  • les perspectives d’une éventuelle mise en commun de moyens, notamment en vue d’exercer le recouvrement forcé.
     

« L’unification » du recouvrement au sein de la sphère fiscale à l’horizon 2024
 

Pour la sphère fiscale, la lettre de mission du 29 avril dernier donnait la priorité au transfert des créances recouvrées aujourd’hui par le réseau de la DGDDI vers la DGFIP.

 

Les fédérations ont pris connaissance du transfert échelonné de 11 prélèvements sur les 14 restants à la Douane à l'occasion du groupe de travail ministériel du 12 septembre. Les transferts vers la DGFIP ont trouvé leur traduction législative dans le projet de loi de finances 2020 (PLF) aux articles 60 et 61.

 

Leur entrée en vigueur nécessite un délai avant d’être effective : cela implique notamment une réorganisation des réseaux (conséquences sociales, organisationnelles, fonctionnelles et transfert d’emplois) ainsi qu’une traduction applicative et informatique préalable (modifications des formulaires déclaratifs et partage des applications de la Douane ou adaptation de celles de la DGFIP).

 

Si le transfert du recouvrement est envisageable pour presque la totalité des prélèvements gérés par la Douane, il doit s’accompagner d’une nouvelle répartition des fonctions, en amont et en aval du recouvrement.
 

Notre fédération a rappelé l’importance et la cohérence de maintenir une chaîne de « recouvrement- contrôle » et a exprimé ses craintes de voir cette réforme du recouvrement ne devenir qu’une étape préalable « au transfert complet des contrôles à la seule DGFIP ».

Cette réforme fragilise l’ensemble du dispositif douanier, avec une perte de plus de 3 000 emplois si ce projet allait à son terme, sans apporter aucun renfort humain à la DGFIP.
 

Le maintien du recouvrement de certaines recettes à la DGDDI : pour le rapporteur, une exception de métier prévue par la lettre de mission est justifiée dans trois cas seulement : les droits de douane, la taxe intérieure à la consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la TVA à l’importation due par les non-assujettis (régime dérogatoire).

 

Le PLF 2020 inclut le principe de l’unification du recouvrement, la liste des impôts concernés et le calendrier des transferts.


S’agissant des produits recouvrés par d’autres administrations ou des opérateurs de l’État, l’expertise est renvoyée au second semestre 2019 mais toujours dans l’optique de renforcer la polarisation autour de la DGFIP.
 

La direction du budget (DB) a recensé 53 organismes (hors réseaux des URSSAF, de la DGFIP et de la DGDDI) collectant des taxes affectées pour leur propre compte.
 

Pour le Centre national du cinéma (CNC) par exemple, le recouvrement de l’ensemble des taxes pourrait être transféré à la DGFIP à compter de 2022, avec une convention sur le contrôle fiscal et le contentieux.
 

L’ensemble de ces transferts vise à parachever la rationalisation du recouvrement dans la sphère fiscale et à inscrire le principe de la compétence générale de la DGFIP en matière de recouvrement fiscal dans la prochaine loi de programmation des finances publiques.
 

Cette partie du rapport ne part pas d’un constat où des arguments permettraient d’identifier de potentiels manquements dans l’exercice des missions douanières. Il s’inscrit uniquement sur un postulat politique de base : l’unification du recouvrement.
 

De là, il échafaude un scénario en deux temps, d’abord unifier le recouvrement fiscal puis se projeter vers une fusion du recouvrement aujourd’hui tricéphale (Douanes, DGFIP et URSAFF), pour un réseau unique au sein duquel rien n’assure par ailleurs que l’État garderait la main.

 

Depuis toujours, la DGDDI est une administration d’abord et avant tout fiscale, confirmée en cela par le transfert des contributions indirectes il y a bientôt trente ans. Le professionnalisme des agents a permis d'élaborer des outils modernes et d’avoir des résultats ne cessant de vanter les ministres successifs par médias interposés (Gérald Darmanin n’est pas le plus avare en la matière).

 

Du propre aveu des agents, les milliers de suppressions d’emplois à la DGFIP aboutissent à l’impossibilité matérielle et humaine d’effectuer l’ensemble des missions qui leur sont dévolues dans des conditions optimales, notamment les missions de contrôle. D’ailleurs, aucun agent, ni même une organisation syndicale (et certainement pas nous) n’a demandé un tel transfert de missions dans cette direction.
 

Pour une raison simple, ils savent très bien que ce dernier se ferait sans aucun transfert d’emplois et alourdirait ainsi encore un peu plus leur charge de travail. Il suffit de regarder les PLF 2019 et 2020, dans lesquels les premières taxes transférées ont validé des suppressions d’emplois en Douanes mais n’ont en aucun cas amorti le nombre de suppressions d’emplois à la DGFIP.

 

C’est donc une réforme perdant-perdant pour le personnel des deux administrations.

 

Les premières réunions qui ont eu lieu à Bercy suite à la publication de ce rapport démontrent d’autres enjeux, politiquement moins corrects, où des luttes de pouvoir, voire certaines rancœurs personnelles interfèrent. L’intérêt général qui sied à tout fonctionnaire est parfois oublié par les premiers d’entre eux.
 

Quant aux documents fournis, très partiels, leur étude a rapidement permis de délégitimer les données présentées qui ont pour seul but de valider le bien-fondé de la réforme, quitte à décrédibiliser le travail d’une administration et de son personnel, ce qui n’est pas acceptable tant sur la forme que sur le fond.

 

Développement de synergies communes et mise en place d’un portail informatique commun

 

Afin de développer les synergies entre les deux sphères (sociale et fiscale), le rapporteur propose notamment de mettre « un portail informatique commun » en place.
 

Dans cette optique, un questionnaire en ligne a été envoyé à un panel de professionnels usagers des sites des administrations. Les résultats ont permis de faire ressortir les attentes des répondants de disposer d’un portail unifié, proposant des services authentifiés via un identifiant unique. Le portail commun ne devra pas se limiter au seul recouvrement, incluant le déclaratif.

 

Le rapporteur se prononce pour qu’au-delà du paiement des cotisations sociales et des impôts, celui des amendes, des produits locaux et des produits non fiscaux de la DGFIP puisse être effectué sur ce portail.

 

Le projet de portail unique porterait sur l’ensemble des recettes collectées par les administrations fiscales, notamment la DGFIP (produits locaux, recettes non fiscales et amendes). Dans un premier temps, il serait ouvert aux usagers professionnels (entreprises, travailleurs indépendants, micro-entrepreneurs…) puis aux particuliers dans un second.

 

Le pilotage stratégique de cette réforme est confié à une mission interministérielle pour une durée de trois ans : « France Recouvrement », créée par décret le 10 septembre 2019. Elle est rattachée au secrétariat général des ministères économique et financier pour sa gestion administrative et financière. France Recouvrement est chargée du pilotage, de la cohérence et de la coordination des travaux liés :

 

1- à l’unification du recouvrement dans la sphère sociale, d’une part, et dans la sphère fiscale, d’autre part ;

2- au développement de nouvelles synergies et de coopérations entre les sphères fiscale et sociale et à la mutualisation de certaines données entre les réseaux ;

3- à l’harmonisation des procédures de recouvrement entre les deux sphères ;

4- au déploiement d’un portail informatique du recouvrement fiscal et social.

 

Présidé par le chef de la mission interministérielle, le comité stratégique comprendrait notamment la DGDDI, la DGFIP, la direction de la sécurité sociale (DSS et ACOSS) et éventuellement des personnalités qualifiées.
 

Le rapporteur préconise la création d’un service à compétence nationale, qui pourrait être mis en place par décret pour une effectivité juridique début 2020 et une affectation de moyens financiers et humains progressivement entre mars et août 2020 (temps de « recrutement » au sein des directions et de l’opérateur).

 

L’ampleur de ce projet informatique nous rappelle des exemples passés, tels Copernic avec son dépassement de délai de près de dix ans et surtout son coût pharamineux.

 

Quelques jours après la parution de la création de « France recouvrement », Alexandre Gardette en a été nommé chef de la mission interministérielle.

 

La mise en commun du recouvrement forcé, un scénario approfondi en priorité

 

La création d’un service de recouvrement forcé, spécialisé et commun aux réseaux existants est envisagé. Toutefois, compte tenu d’une organisation différente entre les deux réseaux et de performances difficilement comparables, la faisabilité et la pertinence de ce scénario n’ont pas pu être démontrées à ce stade.
 

Néanmoins, le rapporteur note que l’harmonisation des instruments risque d’accroître la concurrence entre les services chargés du recouvrement forcé de chaque réseau s’ils ne sont pas coordonnés.
 

L’étude des organisations actuelles des URSSAF et de la DGFIP révèle d’importantes différences qu’atténuent plusieurs points communs. La mission d’appui a analysé les organisations actuelles des deux principaux réseaux en matière de recouvrement forcé.
 

Les deux réseaux présentent des résultats significatifs en termes de performances de recouvrement mais les méthodes de calcul divergent et les gains escomptés, ainsi que les coûts correspondants n’ont pu faire l’objet d’une évaluation par la mission d’appui. Afin de remédier à cette situation, une convergence des indicateurs de performances doit être initiée.

 

L’ensemble de ces caractéristiques rend a priori complexe une mise en commun du recouvrement forcé d’ici 2022 mais cela demeure un scénario envisageable à moyen terme, en considérant à la fois les conséquences de la création d’un portail commun sur l’inter-opérabilité des systèmes d’information, celles d’une harmonisation des procédures et les nouvelles voies ouvertes par la loi de fonction publique en matière de recrutements de contractuels.

 

De surcroît, l’étude statistique menée sur les défaillants communs aux deux réseaux révèle des recoupements de périmètre.


La réduction du nombre d’interlocuteurs dans la sphère sociale et l’harmonisation des procédures entre les deux sphères permettront une simplification du point de vue de l’usager.

 

Par ailleurs, les « outils » juridiques et informatiques qui seront développés ces trois prochaines années permettront d’envisager plus aisément une unification complète du recouvrement des prélèvements obligatoires ultérieure, qu’il s’agisse du seul recouvrement forcé ou de l’ensemble de la chaîne de recouvrement.

 

Le rapporteur engage la DGFIP à démontrer que des gains de performances sont possibles par la spécialisation d’un service organique en matière de recouvrement forcé à partir de son « modèle de pôle de recouvrement spécialisé : « PRS » et d’une application spécifique.

Pour cela, la nature des actions de recouvrement effectuées par les PRS devrait être élargie dans le cadre d’expérimentations.
 

Ces nouvelles expérimentations gagneraient à être engagées sans attendre le développement de la nouvelle application de recouvrement forcé : recouvrement du service public (ROCSP).

Le syndicat national FO DGFIP était très réservé sur la création des PRS, dont aucun bilan n’a pu prouver l’efficacité. Les difficultés demeurent, que ce soit en termes de perte de technicité, de compétence territoriale des comptables, de liaisons entre les structures, de charge de travail pour les agents et de manque de lisibilité pour les usagers.

 

Dans le détail, l’application ROCSP vise à étendre l’outil existant « RSP » de recouvrement forcé des produits fiscaux des seuls professionnels aux particuliers et à l’ensemble des produits relevant de la DGFIP, à savoir :

 

➢ les produits fiscaux actuellement gérés dans l’application RAR (créances des particuliers notamment) ;

➢ les amendes actuellement gérées dans l’application AMD ;

➢ les recettes non fiscales actuellement gérées dans l’application REP ;

➢ les produits locaux actuellement gérés dans Hélios et les produits de l’assistance publique des hôpitaux de Paris (Eifel) ;

➢ éventuellement dans un second temps à d’autres types de produits (comme par exemple les produits douaniers ou certains types de cotisations).

 

Ce choix incarne l’approche unifiée du recouvrement forcé dans la sphère fiscale, engagé avec la création de la saisie administrative à tiers détenteur (SATD). Le développement de cette nouvelle application pourrait un jour constituer l’outil d’un éventuel service commun de recouvrement forcé. Le rapporteur souhaite associer l’ACOSS et la DGDDI au comité de pilotage du projet ROCSP.

 

Dans cette perspective, la DGFIP pourrait expérimenter une organisation plus poussée en la matière, tant d’un point de vue fonctionnel (élargissement du modèle des PRS) qu’informatique (autour de ROCSP) d’ici 2025.

 

Compte tenu de ces éléments, l’unification complète (au sens organique) du recouvrement fiscal et social, autour d’un seul opérateur, serait de nature à maximiser les gains d’efficience à long terme, lesquels restent au cœur de la transformation publique, avec une simplification pour les usagers.

 

Un tel objectif est hors d’atteinte pour 2022, compte tenu des chantiers à mettre en œuvre pour y parvenir. Cependant, il pourrait constituer une éventualité à l’horizon de la prochaine décennie.

Quelle que soit la solution retenue pour financer le projet (à commencer par le développement du portail commun), l’unification du recouvrement fiscal et social va nécessiter des investissements importants.

 

À travers des évolutions fonctionnelles et informatiques, le rapporteur propose que la DGFIP démontre l’intérêt d’exercer un recouvrement forcé multi-créances, via un modèle PRS rénové et un nouvel outil, ROCSP.

 

En effet, la rationalisation du recouvrement fiscal autour de la DGFIP se traduit d’abord par le transfert de nombreux prélèvements encaissés par la DGDDI. Cette première étape sera complétée par le transfert des produits gérés par les opérateurs de l’État.

 

La création de la mission interministérielle « France Recouvrement », chargée du pilotage d’ensemble de la réforme. Composé d’équipes mixtes, le service à compétence national permettrait de fédérer les acteurs sur ce projet commun.
 

Dans cette optique, le rapporteur demande à la DGFIP d’expérimenter un recouvrement forcé sur des créances de nature diverse, en élargissant le périmètre de ses pôles de recouvrement spécialisés, sans attendre le développement de sa nouvelle application ROCSP.

 

Le rapport « Gardette » ne trace aucun état des lieux de l’existant et ne démontre pas les insuffisances du dispositif actuel du recouvrement fiscal, justifiant de proposer une nouvelle organisation.
 

Ce document est une commande gouvernementale, qui s’inscrit dans les suites d’« action publique 2022 ».

Ses conclusions varient quelque peu de la lettre de mission, en écartant certaines options radicales (regroupement unique du recouvrement forcé, création d’une agence de recouvrement) à court terme. Mais l’unification complète du recouvrement fiscal et social demeure une éventualité pour la prochaine décennie.
 

À l’heure où le ministre justifie ces réformes sous le sceau des économies budgétaires mais également sous le prisme de libérer les entreprises du carcan administratif, la question pour nous de l’intérêt même de cette réforme est posée.

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Suite à la présentation du rapport d'Alexandre Gardette, un groupe de travail ministériel s’est tenuces dernières semaines  sur l’avenir du recouvrement fiscal, plus particulièrement sur le transfert à la DGFIP des onze taxes actuellement perçues par la douane.

Le gouvernement a inscrit le transfert des taxes concernées dans les articles 60 et 61 du projet de loi de finances 2020, avec un calendrier étalé de 2020 à 2024. Simultanément, Alexandre Gardette a été nommé chef de la mission interministérielle « France recouvrement ».

Ce groupe de travail a eu un premier bilan des taxes transférées dans la loi de finances 2019 à son ordre du jour, à savoir : les taxes sur les boissons non alcoolisées (BNA), la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dans ses différentes composantes et la TVA sur le pétrole.

En l’absence remarquée des deux directeurs généraux concernés ou de leurs adjoints, Alexandre Gardette a déclaré, en introduction des débats, que le transfert de ces taxes était hors du champ de son rapport, puisque déjà voté, mais leur examen devait éventuellement permettre de revenir sur certaines problématiques, particulièrement la mission de « contrôle ».

Notre fédération souhaite rappeler que les travaux devaient se tenir à un niveau ministériel alors que plusieurs directions étaient affectées. Elle refuse de rentrer dans le jeu d’opposition entre les deux directions, but avéré du ministre pour tenter de mieux diviser le personnel. Si l’ensemble de ces transferts allait à son terme, il s’assimilerait à la dislocation du réseau douanier, avec plusieurs milliers de suppressions d’emploi et des fermetures de sites.

Pour la DGFIP, le personnel ne demande pas ce transfert d’activités, à l’heure où son propre réseau est sous le coup d’une profonde réforme, avec 1 500 suppressions d’emploi dès l’an prochain et où déjà la charge de travail ne permet pas d’assurer ses missions de manière optimale.

Il ne faut pas occulter le véritable projet émis par le gouvernement, même si le rapport le considère à ce stade comme prématuré : la fusion du recouvrement fiscal et social, donc du recouvrement des impôts, des taxes et des cotisations sociales.

Sur ce point, Alexandre Gardette a annoncé que l’ensemble du rapport, intégrant la partie recouvrement social, serait prochainement communiqué aux fédérations. Il a exclu la partie « ressources humaines » des débats du jour, la renvoyant à un groupe de travail ministériel spécifique. De ce fait, les débats se sont concentrés sur la technicité de l’exercice des missions pour les trois taxes transférées dans la loi de finances 2019.

Transfert des boissons non alcoolisées

La gestion, le recouvrement et le contrôle des droits applicables sur ces boissons ont été transférés à la DGFIP le 1er janvier 2019, sans transfert d’emplois.

Alors que bien des redevables attendent toujours leur avis de paiement, nous  contestons les données chiffrées fournies. Le document de travail se complaît à constater une augmentation des recettes perçues depuis le début d’année, pour souligner deux lignes plus loin, que cela est dû au seul changement de tarif. C’est à la limite de la manipulation.

Face aux arguments exposés, Alexandre Gardette a demandé aux deux directions d’établir de nouveaux tableaux plus fiables, avec des données pouvant être comparées.

De même, face aux nombreux arguments développés par les participants sur la nécessité de maintenir les contrôles de cette taxe à la DGDDI, Alexandre Gardette a été, selon ses mots, « ébranlé » et a donc admis la nécessité de revoir les deux directeurs généraux pour éventuellement revenir sur la décision initiale.

Transfert des composantes de la TGAP

Les quatre composantes (émissions polluantes, huiles, lessives et matériaux d’extraction) seront transférés le 1er janvier 2020 et concernent 2 500 redevables.

La composante « déchets » (qui concerne 400 redevables) sera transférée en 2021.

La gestion de la TGAP a été centralisée au bureau des douanes de Nice (cinq agents à temps plein) et la DGFIP souhaite aujourd'hui l’éparpiller dans 475 services impôt entreprises, SIE ou SIE/SIP (service impôt particulier) sans aucune création, ni même transfert d’emploi.

Alors que l’ambition de cette unification du recouvrement fiscal était de simplifier la vie des entreprises, il est paradoxal de voir leur interlocuteur unique disparaître. Comme quoi, les objectifs de cette réforme sont tout autres et d’abord et avant tout d’anéantir le recouvrement douanier.

D’autres services douaniers sont touchés par le transfert de la TGAP : un bureau de la Direction générale, la recette inter-régionale de Marseille, le Centre informatique d’Osny, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le Service d’analyse de risque et de ciblage.

Pour la DGFIP, la gestion et le contrôle de nombreux services seront mobilisés sur l’ensemble du territoire, à partir du moment où ils auront un redevable TGAP dans leur périmètre.

La Douane conservera des compétences sur la gestion de cette taxe jusqu'à fin 2022 pour les quatre premières composantes et fin 2023 pour la TGAP « déchets ».

Les contrôles de cette taxe seront concentrés dans les services de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) et les directions du contrôle fiscal (DIRCOFI) de la DGFIP.

Pour les contribuables, la phase transitoire aura pour conséquence d’avoir deux interlocuteurs fiscaux. Ils devront régler le solde de cette année à la DGDDI et régler l’acompte de l’année 2020 à la DGFIP, cela à quelques jours d’intervalle.

Belle simplification et sans aucune communication auprès des intéressés à ce jour !

Transfert de la TVA sur le pétrole

Pour Alexandre Gardette, l’argument de ce transfert s’inscrit dans le regroupement complet de la perception de la TVA à la DGFIP. Il a précisé qu’à l’origine, la taxe intérieure pour la consommation des produits énergétiques (TICPE) aurait dû suivre le même chemin. Il n’a pas repris cette conclusion dans son rapport et en a convaincu le ministre.

Ce premier groupe de travail s’est rapidement transformé en réunion technique durant laquelle les agents des douanes présents ont largement pu démontrer l’incohérence des transferts programmés et leurs dangers dans la lutte contre les fraudes environnementales et de santé publique.

C'est là la limite entre les discours de tribune de nos dirigeants et les réalités de l’exercice des missions dans le quotidien des agents.

 

A l'occasion du récent Congrès des Maires de France, toutes les associations d'élus locaux ont élaboré une motion commune sur la fiscalité locale.

Cette dernière reposait depuis 1959 sur quatre taxes - héritées de la Révolution Française- à savoir, les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle.

Les impositions étaient calculées à partir de deux éléments:

- une valeur locative des biens des contribuables fixée par l'administration fiscale

- et des taux votés par les assemblées locales.

Ce système, qui offrait une large part d'initiative aux assemblées locales, subissait une première atteinte avec la suppression en 1959 de la taxe professionnelle sur les entreprises, remplacée par une "contribution économique territoriale" assise d'une part sur des bases foncières et d'autre part sur la valeur ajoutée des entreprises.

L'assiette étant plus étroite que l'ancienne taxe, il en résultait une baisse du rendement de l'impôt, compensé par une dotation de l'Etat.

Mais c'est l'équilibre même du système de 1959 qui allait être mis à bas avec la décision de l'actuel Président de la République de supprimer la taxe d'habitation, d'abord pour environ 8 foyers fiscaux sur 10 entre 2018 et 2020, puis pour tous les contribuables en ..2023.

Cette réforme inquiète à juste titre les élus locaux, la taxe d'habitation concernant tous les contribuables et pas seulement les seuls propriétaires, redevables de taxes foncières.

Cette inquiétude se justifie pour de nombreuses raisons..

Si la compensation "au centime" des pertes de ressources par les dotations de l'Etat est effective pour la première année, l'expérience montre que, pour les années suivantes, l'indexation n'en est pas correctement assurée.

Pour dégager des recettes nouvelles, il peut être tentant d'agir sur les taxes foncières , mais ces dernières ont déjà progressé entre 2008 et 2018 de...34,7%, soit 3 fois et demie plus vite  que l'inflation !!

Il est également possible d'intervenir en modifiant, çà ou là, les bases d'impositions datant de...1970, mais avec des conséquences imprévisibles pour les contribuables...également électeurs .

Le plus grave réside sans doute sur la perte d'initiative des responsables locaux sur la nature et le volume de leurs ressources.

- Au moment où les charges des collectivités augmentent, souvent en raison du transfert de compétences de l'Etat,

- Au moment où, malgré la bonne opinion que garde pour eux la population, de nombreux élus renoncent à renouveler leurs mandats, devant l'ampleur des tâches et des responsabilités qui pèsent sur eux,

se pose la question, au-delà des aspects financiers, de l'exercice de la démocratie locale, essentielle pour un fonctionnement humain de nos institutions républicaines et plus que nécessaire dans le contexte actuel.

 

 

C’est confirmé : les mesures sociales et fiscales du premier budget initié par l’exécutif, consolidées sur l’année 2018, ont d’abord profité aux ménages les plus aisés. Ellie Hiesse, journaliste  s'est penché sur les élements fournis par l'Insee...

 

Il en ressort que ces diverses mesures se sont traduites, hors fiscalité indirecte, par un gain annuel moyen de 790 euros pour les 10% de ménages les plus riches et de seulement 130 euros pour les 10% les plus pauvres, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Les ménages les plus aisés ont été les grands gagnants des mesures socio-fiscales mises en œuvre en 2018 montre l’Insee dans l’édition 2019 du « Portrait social de la France », rendu public le 19 novembre. Les 10% de personnes les plus aisées bénéficient d’un gain en niveau beaucoup plus important que les autres explique ainsi l’institut. L’écart est particulièrement marqué, lorsqu’on considère l’effet des mesures sur toute l’année, et après leur pleine montée en charge : les 10% de ménages les plus modestes voient leur niveau de vie annuel augmenter de 130 euros en moyenne, contre 790 euros pour les 10% de ménages les plus riches.

L’intensité de la pauvreté augmente

En pourcentage, l’augmentation du niveau de vie moyen est néanmoins identique pour les 10% les plus riches et les 10% les plus modestes : dans les deux cas, elle est de + 1,4%. Plus largement, constate l’Insee, le rapport entre la part du niveau de vie détenue par les 20% les plus aisés et celles détenues par les 20% les plus modestes est nul en consolidé. Autrement dit, les premières mesures prises en 2018 n’ont pas permis de réduire les inégalités.

Elles les laissent quasi-inchangées.  L’effet consolidé des mesures sur les indicateurs d’inégalité usuels est faible, précise l’Insee, estimant que le taux de pauvreté ne diminue que de 0,2 point. Par contre, l’intensité de la pauvreté augmente de 0,1 point sous l’effet des mesures. En clair, le niveau de vie de la population pauvre s’éloigne donc un peu plus du seuil de pauvreté.

Les plus riches des riches privilégiés

Si les 10% les plus riches bénéficient de la hausse du niveau de vie la plus importante, cela est dû aux réformes sur les prélèvements directs, qui leur a été particulièrement favorables. Ce sont ces réformes aussi qui ont donc le plus impacté le budget de l’État, induisant un manque à gagner certain.

La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a augmenté, lui, de 3,44 milliards d’euros le revenu disponible de 340 000 ménages, soit une hausse de près de 10 000 euros sur l’année en moyenne pour chacun d’entre eux.

Autre exemple, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du patrimoine (PFU). Il a bénéficié à 4 470 ménages, qui ont vu leur revenu disponible croître de 1,39 milliard d’euros. A titre de comparaison, le dégrèvement de 30% de la taxe d’habitation (première phase de la réforme de la TH en 2018 qui a concerné 18,36 millions de ménages), qui est la mesure sur les impôts directs ayant concerné le plus de Français et en premier les personnes de niveau de vie intermédiaire, a porté sur 3,12 milliards d’euros.

Le coup dur de la réforme des aides au logement

A l’opposé du spectre, les ménages modestes, dont le niveau de vie est très dépendant des politiques redistributives, ont bénéficié, analyse l’Insee, de la revalorisation de prestations telles l’allocation aux adultes handicapés ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ainsi que de la réforme de la prime d’activité et de la mise en place du chèque énergie. Les réformes des prestations intervenues en 2018 ciblent en priorité les personnes à bas revenus, indique l’Insee, précisant : mais elles engagent des masses financières moins importantes et se compensent en partie, d’où un effet plus limité sur les inégalités.

A ce titre, les réformes des aides au logement ont durement impacté un grand nombre de Français modestes. Le gel du barème pour les locataires, la réduction du prêt à taux zéro et de l’APL accession pour les primo-accédants ont induit, pour les comptes publics, des économies à hauteur de 270 millions d’euros…, au détriment de 4,74 millions de ménages, particulièrement les plus fragiles. L’impact de ces deux réformes est concentré sur le tiers le plus modeste de la population. Les familles monoparentales et les personnes appartenant à un ménage dont la personne de référence est au chômage ou inactive (hors retraités) sont particulièrement touchés, indique l’Insee.

Les effets de la fiscalisation des cotisations

L’institut revient encore sur les effets contrastés de la bascule des cotisations sociales vers la contribution sociale généralisée (CSG). La réforme fait 15,6 millions de ménages gagnants mais aussi 10 millions de perdants, explique-t-il. Le gain moyen en niveau de vie varie entre 60 et 90 euros sur la quasi-totalité du spectre, c’est-à-dire les personnes dont les revenus se situent entre les 2e et 9e (les plus aisés) déciles.

Plus en détail, l’impact est très différent selon le statut d’activité des Français concernés. Dans les ménages où la personne de référence travaille, le gain moyen de niveau de vie annuel est évalué à 200 euros, par personne, soit moins de 17 euros/mois… Au sein des ménages où la personne de référence est retraitée, le niveau de vie annuel est amputé de 260 euros en moyenne.

Pour FO, et au-delà de ces chiffres, le basculement des cotisations sociales vers la CSG présente un grand danger, celui d’une étatisation financière de la sécurité sociale. En effet, en fiscalisant de plus en plus les cotisations – c’est-à-dire en diminuant davantage encore le salaire différé des travailleurs –, la réforme prive de recettes la sécurité sociale, qui plus est impactée par une politique d’exonérations de cotisations lesquelles ne sont même pas compensées par l’État.

A l’origine de la crise sociale…

Pour être complet sur ce bilan socio-fiscal 2018, encore faut-il prendre en compte les mesures de fiscalité indirecte, à savoir l’augmentation des prix sur le tabac et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Une dernière hausse qui, dans le contexte d’envolée du baril du pétrole fin 2018, a été à l’origine du grand mouvement de contestation sociale.

Et pour cause : ces deux mesures se sont soldées par une perte globale de 4,51 milliards d’euros pour les ménages. Les plus modestes et ceux vivant en zones rurale et péri-urbaines ont été les plus impactés.

Au final, conclut l’Insee, l’effet combiné de l’ensemble des mesures sociales et fiscales (directes et indirectes) de 2018 accroît de 0,7% le niveau de vie des ménages. Mais cette moyenne masque de grandes différences. Ainsi, plus que jamais, les 10% de Français les plus aisés apparaissent comme les grands gagnants, avec une hausse de leur niveau de vie de 1,2%, soit l’équivalent de 680 euros. Sous le 9e décile, l’effet est compris entre 0,4% et 0,7%, indique l’Insee. Ce qui signifie, pour les 10% de ménages les plus modestes, un gain de 40 euros, sur l’année… De quoi éclairer, en chiffres, la crise sociale qui a débuté à la fin 2018.