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08 / 04 / 2019 | 175 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« Les retraites et la dépendance ne sont liées en aucune façon » - Philippe Pihet, FO

Ces dernières semaines, il ne se passe de pas de jour pour que les idées les plus diverses ou les « injonctions contradictoires » fleurissent sur ces sujets sensibles. À l'occasion du printemps ?
 

Après l’hypothèse émise le 20 mars par le Premier Ministre de faire financer la dépendance des plus âgés par un allongement de la durée d’activité et l’annonce de la Ministre de la Santé, lors de la remise du rapport Libault, le 28 mars, sur le grand âge d’une « grande loi » sur la dépendance à l’automne, Philippe Pihet, secrétaire confédéral FO en charge du secteur de la retraite à la confédération, a répondu aux questions que nombreux peuvent se poser.
 

Que penser de la proposition du Premier Ministre de travailler plus longtemps pour financer la dépendance des plus âgés ?
 

Je vois dans cette proposition un habillage maladroit, qui correspond en réalité à un choix du gouvernement de reporter l’âge légal de départ à la retraite. Le Premier Ministre vient de dévoiler la volonté de l’exécutif, au-delà de son projet de réforme systémique, de faire une réforme bis des retraites, paramétrique celle-là. Tout cela alors qu’il nous a été dit dans la concertation que l’on ne toucherait pas à l’âge légal de la retraite, aujourd’hui fixé à 62 ans. Le Premier Ministre décrédibilise à la fois la concertation et la confiance qu’il cherche auprès des jeunes générations concernant la mise en œuvre d’un régime unique par points. Comment faire confiance à un gouvernement qui change les règles du jeu en cours de route et qui a l’intention de repousser l’âge de la retraite des générations nées à partir de 1960 ?
 

Les deux sujets de la retraite et de la dépendance sont-ils liés, comme l’affirme le gouvernement ?
 

Les retraites et la dépendance ne sont liés en aucune façon. Rapprocher les deux dossiers revient à faire reposer le financement du risque uniquement sur l’assurance vieillesse, donc sur les retraités. Ce serait un non-sens économique et une injustice sociale majeure. Cela acterait la fin du contrat social inter-générationel, selon lequel la Sécurité sociale permet à chacun de cotiser selon ses moyens pour percevoir selon ses besoins. Si les personnes en perte d’autonomie sont en grande majorité des personnes âgées, n’oublions pas que les handicaps existent et peuvent survenir à tout âge. La perte d’autonomie est un risque de la vie.
 

Que proposer pour financer la dépendance de nos aînés ?
 

Nous revendiquons la création d’un cinquième risque au sein de la Sécurité sociale et plus précisément au sein de sa branche Assurance maladie. Ce risque serait financé par une cotisation sur l’ensemble des revenus, les revenus du travail et ceux du capital. Nous sommes évidemment en premier lieu opposés au financement de la perte d’autonomie par l’assurance privée, comme cela a un temps été évoqué, mais ne figure heureusement pas dans le rapport de Dominique Libault.
 

Que penser des pistes de financement évoquées dans le rapport de Dominique Libault ?

 

Une piste mérite d’être creusée, celle de l’utilisation de la CRDS. En revanche, faire financer la dépendance par les excédents de l’assurance maladie me paraît plus qu’aléatoire, en raison de la situation financière du régime, dont nous craignons qu’il soit de nouveau en déficit en 2019. Quant à l’idée de créer une nouvelle journée de solidarité payée uniquement par les salariés, c’est clairement non pour notre organisation syndicale. Ce serait la porte ouverte à un doublement de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), la taxe de 0,3 % prélevée sur les revenus bruts des retraites, des pensions d’invalidité et des allocations de préretraite.
 

Les syndicats du personnel des EHPAD et de l’aide à domicile sont reçus aujourd’hui à l’Élysée. Quelle est l’engagement de la confédération dans ce dossier ?


Depuis le départ, la confédération apporte son soutien au personnel des EHPAD et de l’aide à domicile, à ses syndicats et à ses fédérations FO. Il est urgent de redonner des moyens à la hauteur des besoins au secteur, notamment d’instaurer au niveau des effectifs un ratio d’un encadrant pour un résident dans les EHPAD, sur la base des préconisations du plan « solidarité grand âge 2006 », qui n’ont jamais été appliquées. L’augmentation de 25 % du taux d’encadrement dans les EHPAD, d’ici 2024, proposé dans le rapport Libault, reste notoirement insuffisant. Ce rapport insiste par ailleurs sur la nécessité de revaloriser les métiers de l’âge mais il ne contient aucune mesure concrète en faveur d’une hausse des rémunérations. C’est là aussi l'une de nos principales revendications.
 

Cela fait plus de quinze ans que les gouvernements se repassent le dossier de la dépendance, de quinquennat en quinquennat. Existe-il aujourd’hui d’un véritable défi à relever avec l’arrivée des générations du baby-boom à la retraite ?

 

Le dossier de la dépendance a toujours bloqué sur les aspects financiers. Il est évidemment urgent de débloquer des moyens pour satisfaire les besoins criants dans ce secteur. Mais il faut toujours faire attention aux chiffres présentés comme alarmistes. On prévoit certes plus de 40 000 personnes âgées dépendantes de plus par an à compter de 2030 mais ces statistiques ne prennent pas en compte les actions de prévention et les progrès technologiques de la médecine. ll convient de garder la tête froide.

 

Sur le dossier de la réforme des retraites, on assiste aussi à des déclarations de toute nature. Que faut-il en penser à ce stade ?

 

La semaine dernière, notre secrétaire général, Yves Veyrier, a tenu à adresser un courrier au Premier Ministre sur le projet de réforme systémique des retraites, voulue par le gouvernement. Ce courrier rappelle que, depuis début 2018, une concertation est menée par Jean-Paul Delevoye (nommé Haut Commissaire par le Président de la République) à travers des réunions bilatérales avec les organisations syndicales et patronales. Dès la première réunion, notre organisation a fait savoir qu’elle entendait défendre la retraite par répartition, garante de la solidarité inter-générationelle telle que fondée sur le régime général et les régimes complémentaires, les régimes particuliers existants, le code des pensions civiles et militaires de retraite.


Aussi, dès le lancement de cette concertation, nous avons fait connaître notre opposition à un régime universel par points remettant en cause les régimes particuliers, le calcul des droits à pension sur les annuités et les meilleures années de la carrière, ouvrant la porte à un régime a minima et à la capitalisation individuelle pour ceux qui en auront les moyens.


Nous avons aussi indiqué qu’elle contesterait toute tentative de reculer encore l’âge de départ à la retraite, que ce soit par report de l’âge légal ou allongement de la durée d’activité.


Une première réunion multilatérale avait été organisée le 10 octobre, sous la présidence d’Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé. L’ensemble des participants avait alors reçu confirmation que la borne d’âge fixée à 62 ans ne serait pas remise en cause.


Nous avions alors souligné que le cadre des rencontres et discussions mis en place par le Haut Commissaire avait permis des échanges directs et sincères de part et d’autre. L’ensemble des participants avait d’ailleurs souligné la transparence qui régnait dans les réunions. Mais ces dernières semaines, les déclarations de plusieurs membres du gouvernement laissent à penser que la question de l’âge ou le nombre de trimestres requis sont de nouveau à l’ordre du jour, sans que cela n’ait jamais été abordé dans le cadre des rencontres avec le Haut Commissaire. C’est pourquoi la confédération s’interroge aujourd'hui sur le sens et l’objectif de la concertation, dont nous avions déjà fait remarquer au Président de la République le 10 décembre dernier que le terme même était désormais connoté négativement, faute de prise en compte effective des analyses et positions syndicales.


Aussi, nous lui avons indiqué qu’en l’absence de clarification et de communication du projet du gouvernement et de prise en compte de nos analyses, positions et revendications concernant la préservation des droits à la retraite, FO se verrait en situation de mettre fin à sa participation à ladite « concertation », qui pourrait prêter à confusion quant à son objet et à notre rôle. Nous allons parallèlement renforcer notre campagne d’information et de mobilisation sur cet enjeu social majeur.

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