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13 / 10 / 2022 | 370 vues
Fabien Brisard / Abonné
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Le télétravail depuis l'étranger nécessite une nouvelle réglementation

Le télétravail a pris une dimension toute particulière depuis la crise sanitaire et, à l'évidence, s'est installé durablement dans les organisations . De nombreux accords au fil des mois sont venus fixer un cadre à celui-ci et, quels que ce soient  les secteurs d'activité ( public ou privé) les modalités de mise en oeuvre continue de faire l'objet de nombreuse discussions entre partenaires sociaux. Le télétravail occasionnel ou régulier est-il sur le point de supplanter l’organisation traditionnelle du travail et de son management ? En tout cas il la bouscule sérieusement.

 

Martine Derdevet, docteure en droit, présidente fondatrice de MAIAO Conseil, Vincent de Graauw, expert en mobilité internationale, fondateur de V2G Consulting, Charlotte Michaud, Avocat associé, Flichy Grangé Avocats, Franck Morel, Avocat associé dans le même Cabinet, et ancien Conseiller social du Premier Ministre de 2017 à 2020, se sont penchés sur ce  dossier pour le CRAPS ( le Cercle de Recherche et d'Analyse sur la Protection Sociale) et ont synthétisé leurs réflexions et propositions concernant le télétravail depuis l'étranger. Nul doute qu'elle apporteront une très sérieuse contribution aux débats du moment.

 

Si la législation française (1) accorde aux entreprises une marge de manœuvre au regard de la possibilité (postes éligibles, catégorie de salariés) ou de l’opportunité de le mettre en œuvre, il ne s’agit pas pour autant d’un « droit » opposable et automatique octroyé au salarié, le refus de l’employeur a une demande du salarié de télétravailler étant possible mais devant être motivée.

 

En « 2021, 22 % des salariés ont télétravaillé en moyenne chaque semaine »(2). Mais ce chiffre masque une réalité contrastée. Il doit en effet tenir compte de la profession exercée « un salarié sur deux », et des variations de son taux selon la période concernée « élevée en début d’année », puis en recul « avant de rebondir en fin d’année »(3).

 

Le télétravail exercé depuis l’étranger fait également l’objet d’un mouvement appréciable, mais plus difficile à appréhender : recouvrant une grande variabilité de situations issues ou accentuées notamment par la crise sanitaire du COVID 19. Il peut néanmoins se distinguer par son caractère « volontaire »(4) ou « contraint »(5).

 

Si le télétravail ne doit pas être confondu avec le détachement, l’analyse des statistiques le concernant peut donner un éclairage : « Le nombre de travailleurs détachés [….] s’établit en moyenne à 72 600 en 2019 (+5,9 % par rapport à 2018) »(6). Il recouvre essentiellement les prestations de services transnationales entre deux entreprises distinctes (57 %), puis les mises à disposition de salariés au titre du travail temporaire (26 %), et enfin les mobilités intra-groupes (19 %).

 

Ce taux, loin de se stabiliser, chute en 2020-2021 « de l’ordre de – 20 % en 2020 par rapport à 2019 »(7= impacté par la crise sanitaire. Il ne rattrape pas davantage son niveau d’avant-crise « moins de 60 000 salariés étaient détachés au troisième trimestre 2021, soit pratiquement le même niveau qu’observé en 2020 »(8).

 

Se gardant de toute déduction hâtive, ces chiffres confortés par le retour d’expérience des entreprises interpellent : Ne témoignent-il pas de l’émergence d’une nouvelle forme de détachements « virtuels », d’abord contraints, puis volontaires notamment au regard des prestations de services tertiaires ou de la mise à disposition « intra-groupe » ?

 

Autrement formulé comment ces nouvelles formes de travail hybrides, issues de l’ingéniosité des entreprises peuvent-elles se maintenir dans un contexte dépourvu d’un cadre légal adéquat, et fragmenté par domaines du droit ?

 

Ce qui est certain c’est qu’il existe un cadre juridique au plan européen marqué par une multiplicité de textes (1). Chacun a pu adapter son mode de fonctionnement mais on atteint les limites de cette méthode et il est nécessaire de disposer d’un cadre normatif européen adapté et cohérent (2).

 

I. QUEL CONTEXTE RÈGLEMENTAIRE EN EUROPE ET EN FRANCE ?
 

A. UN CADRE JURIDIQUE ANCIEN MAIS ÉVOLUTIF
 

Le télétravail à l’international décliné en de multiples situations de « virtual assignement » issues de la pratique ingénieuses des entreprises, n’est pas soumis à une règlementation internationale dédiée (9), mais mobilise plusieurs domaines du droit. Conséquence de cet angle « mort » du droit supra national, un vide juridique qui échoit donc aux Etats, tâche qu’ils accomplissent par discipline du droit, donc de façon segmentée, provoquant des disparités, accentuées par l’inadéquation des dispositifs à l’égard de ces nouvelles situations.

 

Concevoir une structure règlementaire susceptible d’encadrer une variété de situations de télétravailleurs mobilisant le droit du travail, de la protection sociale, de l’immigration et le droit fiscal, et ce, au sein de plusieurs Etats, relève d’une gageüre.

 

Au sein de l’Union européenne, des initiatives ont toutefois relevé ce défi dans un contexte où à l’échelon international, aucune réglementation n’est à l’heure actuelle à même d’encadrer le télétravail à l’international autrement que par domaines du droit (10). Ces mesures se singularisent tant sur le fond que sur leur mode opératoire car issues du dialogue social.

 

En 2002, les partenaires sociaux européen (11) avaient conclu un Accord-cadre portant le télétravail particulièrement précurseur puisqu’il ancrait déjà les fondations du télétravail qui se sont maintenues durant 2 décennies avant que ceux-ci (12) jugent de la nécessité de l’actualiser dans un programme de travail conjoint signé le 28 juin 2022. Ils indiquent qu’« un des défis clés qui sera persistant est pour les partenaires sociaux de faire un bilan des évolutions de la digitalisation et de tirer les enseignements de la crise sanitaire sur le télétravail, à la lumière de leur accord existant de 2002, qui posa les fondations pour un dialogue social et une négociation collective pour organiser un télétravail volontaire. Cela inclue des problématiques telles que le travail hybride, le droit à la déconnexion, l’organisation du travail et en particulier le management à distance des travailleurs en ligne et le lien avec temps de travail, santé et sécurité, équilibre vie professionnelle et personnelle, surveillance, respect de la vie privée et protection des données »(13).

 

Les partenaires sociaux souhaitent que les principes de cet éventuel accord qui réviserait celui de 2002 soient mis en œuvre par le biais d’une directive européenne, et qui donnerait une portée normative obligatoire au contenu de l’accord (14). Ils souhaitent que ce texte puisse comporter un droit à la déconnexion.

 

La réglementation internationale du télétravail s’avère donc fragmentée, conduisant à une approche qui consiste à découpler les différents domaines du droit (droit social, droit de la sécurité sociale). Ces domaines relèvent à l’échelon européen, soit d’une harmonisation, soit d’un système de coordination, et au grand international d’accords inter-étatiques. Le palier national est donc incontournable.

 

B. DE MULTIPLES PROBLÉMATIQUES SOULEVÉES PAR LA MULTIPLICITÉ DES SOURCES AVEC QUELQUES PRINCIPES GÉNÉRAUX.

 

Le recours au télétravail salarié depuis l’étranger ne s’improvise pas et invite à se saisir de plusieurs problématiques parmi lesquelles le régime de sécurité sociale, la loi applicable au contrat de travail, le régime d’imposition du salarié, la délivrance d’éventuels justificatifs professionnels ou titre de séjour, le traitement des données,…

 

L’enjeu consiste principalement à déterminer si par le recours au télétravail à l’international, le travailleur localisé hors des frontières change totalement ou pas de législation applicable, passant de celle du pays où il travaillait habituellement à celle de son lieu de résidence à l’étranger.

 

On pourrait naïvement penser que le statut social du travailleur placé en télétravail à l’étranger est unifié : la législation au contrat de travail serait la même que celle gouvernant la protection sociale. La réalité est tout autre, le salarié pouvant être simultanément assuré social dans un Etat et relever de la législation d’un autre Etat (ou de plusieurs) pour la relation de travail.

 

La construction de la relation de travail est complexe tant les configurations de télétravail sont variées. Il n’existe en outre pas de statut du télétravailleur à l’étranger, contrairement à ce qui est prévu pour le travailleur détaché à l’étranger. Surtout, l’employeur doit composer avec les règles et principes propres à chaque domaine du droit dont le manque d’homogénéité ou de coordination est peu propice à dégager des solutions simples et opérationnelles.

 

Sous l’angle de la sécurité sociale, si le règlement européen 883/200415 couvre nombre de cas de figure pour identifier la législation applicable au travailleur, du plus simple au plus complexe en présence de pluriactivités dans plusieurs Etats de l’UE, ses dispositions ne sont pas des plus limpides dans le cas du télétravailleur transfrontalier dont la situation n’est pas véritablement appréhendée. A tout le moins, l’analyse devrait s’articuler entre le principe de coordination des systèmes de sécurité sociale favorisant l’unicité de législation sociale et celui de territorialité reposant sur la notion de lieu d’exercice d’une activité et sur son caractère substantiel. La démarche est essentielle car il s’agit côté entreprise de devoir procéder aux prélèvements et règlements adéquats des contributions sociales et côté salarié d’appréhender la nature et la qualité des prestations sociales garanties. Une solution ne serait-elle pas de permettre une continuité d’affiliation dans un même Etat membre, piste testée pendant la période de crise sanitaire ? De même, on doit s’interroger en matière de protection sociale complémentaire sur la continuité de la couverture des télétravailleurs situés à l’étranger.

 

S’agissant des conflits de lois applicables à la relation de travail, on se réfère spontanément aux dispositions spécifiques issues du règlement européen 593/200816. L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit de régir les conditions d’exécution du contrat, durée du travail, rémunération, congés, droit à la déconnexion, modalités de rupture du contrat, …

 

Les règles peuvent à première vue paraître simples, les parties ayant la faculté de choisir la loi applicable au contrat. Il apparaitrait ainsi aisé de favoriser la continuité en maintenant par exemple, la législation française du travail, les conventions collectives étant alors incluses dans ce choix. Une réserve toutefois : ce choix ne peut avoir pour effet de priver le salarié du niveau de protection minimale que lui aurait offert la loi applicable à défaut de choix ; sont visées ici les dispositions dites impératives. Le contrat est donc susceptible d’être gouverné par deux législations. Pour déterminer la loi impérative applicable, et sous réserve des cas de pluriactivités, le règlement européen 593/2008 retient comme critère prioritaire le lieu habituel de travail (plutôt que celui de l’exercice de l’activité salariée auquel se réfère le règlement européen 883/2004). L’analyse ne s’arrête cependant pas à cerner le lieu habituel de travail ; elle implique d’identifier plus spécifiquement les dispositions non dérogeables du droit local et plus favorables. L’exercice n’est pas aisé. A la différence du régime du détachement pour lequel la réglementation européenne a précisé les règles devant impérativement être respectées, il est requis ici de se reporter au droit de chaque Etat. La définition du caractère plus favorable d’une loi nationale par rapport à une autre loi nationale, ou de l’ordre public social, ne devrait-elle pas aussi faire l’objet d’une méthode harmonisée ?

 

Sur le plan fiscal, c’est en principe la source du revenu qui détermine son imposition. Dès lors que la situation de télétravail peut voir un impact sur la résidence fiscale du salarié, il convient en pratique de se saisir des conventions fiscales bilatérales, chacune pouvant en outre être dotée de critères propres. La question n’est pas à négliger. Côté salarié, l’employeur peut en effet être tenu de déclarer, précompter, payer l’impôt dans le pays concerné, via le prélèvement à la source, ce qui le conduit à devoir alors s’enregistrer localement et y établir une paie locale.

Par ailleurs, le salarié devra être vigilant sur les obligations déclaratives fiscales qui pèsent sur lui dans son pays de résidence fiscale. Côté entreprise, il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact fiscal ; en effet la présence d’un salarié pour exercer une activité professionnelle peut générer un risque fiscal lié à la reconnaissance d’un établissement stable.

 

II. QUELLES MÉTHODES ADOPTER POUR PROPOSER UN CADRE EFFICIENT ?

 

A. LES SOLUTIONS CONTRACTUELLES ET CONVENTIONNELLES EXISTENT MAIS AVEC DES LIMITES

 

Chaque situation de télétravail ou « Virtual assignement » étant particulière, il convient faute de réglementation dédiée de résoudre ces cas par domaine du droit, puis de s’assurer de la cohérence des solutions, sachant qu’il est parfois difficile de « cocher toutes les cases ».

 

Les entreprises désireuses d’attirer et retenir des nouveaux talents en leur sein, proposent souvent à leurs futurs salariés le télétravail à l’international.

 

Mais elles sont de plus en plus conscientes des risques juridico-fiscaux qu’elles encourent face aux contrôles (17) et faute d’encadrement perçu comme fiable.

 

Certaines d’entre-elles ont donc avec leurs partenaires sociaux, utilisé leur accord transnational pour définir les lignes directrices d’un télétravail respectueux des conditions de travail partout où elles opèrent (18).

 

Mais il est un domaine où le cadre contractuel est très présent avec plusieurs questions en découlant, c’est celui de la protection sociale complémentaire. Alors même que le cadre « public » de la protection sociale comme exposé précédemment, permet aux salariés concernés d’être couverts, force est de constater que bon nombre d’entreprises insèrent, au sein des « packages » de leurs salariés des assurances au 1er euro sur mesure. En effet chaque entreprise a la faculté de contracter une assurance privée de son choix, et d’en déterminer le contenu, sous réserve de respecter les garanties obligatoirement applicables et le cadre juridique. Une telle “liberté contractuelle” a toujours été affirmée avec force par la doctrine et la jurisprudence (19).

 

Le contrat d’assurance est donc la « loi » que se sont fixés l’assureur et l’assuré, la police d’assurance étant la convention par laquelle l’assureur accepte de couvrir un risque que court l’assuré en contrepartie du versement d’une prime ou d’une cotisation par celui-ci, à charge pour lui d’indemniser le bénéficiaire en cas de survenance du sinistre.

 

« La réponse assurantielle aux besoins de protection sociale des expatriés français passe par une couverture globale, ce qui implique qu’elle doit inclure la santé et l’assistance, mais également la prévoyance, la responsabilité civile vie privée et, pourquoi pas, la retraite »20 sans oublier la nécessité de s’adapter aux nouveaux modes de communication dématérialisés tel que la téléconsultation d’un médecin référent par exemple.

 

En toute logique, l’entreprise choisit en général de négocier une gamme de produits innovante et complète, avec la meilleure couverture d’assurance santé internationale, en conformité avec les besoins de ses salariés : portée illimitée géographiquement et/ou dans sa durée, le salarié pouvant être couvert où qu’il soit, même pour des déplacements ponctuels, et à tout moment. Les bases contractuelles deviennent alors les droits et devoirs mutuels des parties au contrat et sont régis par les Conditions Générales de toutes les garanties, ainsi que les Conditions Spéciales propres à chaque garantie.

 

Mais attention ! La modification des modes de travail (work from anywhere / télétravail international / nomadisme…) risque d’alerter l’assureur, qui pourrait refuser de prendre en charge certains risques dont voudrait se protéger le potentiel client. En général -et traditionnellement- ce refus se justifiait par des fortes chances que le risque se réalise soit à cause de sa nature, de celle de la chose assurée, ou encore de la personne de l’assuré. Désormais une relecture des clauses d’application géographique s’avère primordiale, les soins à rembourser dans certains pays pouvant être extrêmement onéreux.

 

Des clauses d’exclusions pourraient alors être négociées coté assureurs, face à ces nouveaux modes de travail, d’autant plus que la responsabilité de l’employeur peut être engagée (21). En cas de manquements à son obligation de santé et de sécurité au travail, la responsabilité de l’employeur pourrait découler directement des contrats privés non renégociés avec les partenaires assureurs.

 

Les conditions générales des contrats en vigueur devraient être par conséquent relues avec attention, d’autant que la modification des tarifs ou des conditions ne peuvent être entreprise qu’en conformité avec les dispositions de la loi du pays sous lequel il a été contracté et avec le respect des éventuelles modifications légales ultérieures de ladite loi.

 

En cas de nomadisme, ou de modification du lieu d’exécution du contrat de travail, « l’obligation de déclaration » assez fréquemment exigée dans les contrats d’assurance privées sont censés mettre en valeur les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux, et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites aux assureurs dans le questionnaire de déclaration des risques : L’assuré doit déclarer ces circonstances nouvelles à l’assureur, le changement de pays en fait partie. Dans l’hypothèse où les circonstances nouvelles ne sont pas déclarées à l’assureur, ou alors le sont de manière inexacte, les sanctions prévues dans le contrat peuvent être opposées à l’assuré, notamment la nullité du contrat en cas de non déclaration ou de fausse déclaration.

 

B. LA NÉCESSITÉ DE REVOIR LE CADRE EUROPÉEN : ANI, DIRECTIVE ET/OU RÈGLEMENT ?

 

Si durant le crise sanitaire, il a été possible d’interpréter les dispositions du règlement européen 883/2004 en concluant comme le faisait la commission européenne que si le salarié n’était pas en mesure de travailler dans son état membre habituel et devait temporairement changer de domicile, cela ne devait pas en principe entraîner de changement de la législation applicable à sa couverture sociale (brochure de la commission européenne du 30 mars 2020), il serait plus sécurisant de pouvoir apporter une réponse durable. Ce serait d’autant plus nécessaire qu’un télétravail permanent depuis une résidence basée à l’étranger peut aboutir à la réponse inverse.

 

En matière de droit du travail, un télétravail durable depuis une résidence basée à l’étranger aboutit à appliquer la aussi la loi du pays de résidence au moins pour les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par contrat, ce qui peut la aussi soulever des questions complexes.

 

On mesure bien la nécessité tant en matière de protection sociale que de droit du travail de disposer de règles stables et certaines.

 

C’est la raison pour laquelle un règlement européen qui permettrait de fixer ces règles serait souhaitable.

 

Ce règlement pourrait viser uniquement les situations de télétravail total ou très majoritaire, le cumul d’activité étant soumis à d’autres règles.

 

Directement applicable, il serait complémentaire des dispositions d’un nouvel accord collectif européen révisant celui de 2002 et d’une directive qui le transposerait. Il devrait donc être pris après concertation avec les partenaires sociaux européens.

 

Ce règlement pourrait opter pour l’application de la loi applicable à l’établissement qui a embauché le travailleur, c’est à-dire celle applicable à la société pour laquelle le salarié effectue sa prestation de travail.

 

On peut aussi imaginer retenir les critères des « liens étroits » avec un pays.

 

En effet, en application de la convention de Rome, « même dans l’hypothèse où un travailleur accomplit le travail qui fait l’objet du contrat de travail de façon habituelle, pendant une longue période et sans interruption dans le même pays, le juge national peut écarter, en application du dernier membre de phrase de cette disposition, la loi du pays d’accomplissement habituel du travail lorsqu’il ressort de l’ensemble des circonstances qu’il existe un lien plus étroit entre ledit contrat et un autre pays » (22).

 

Si cette solution peut trouver à droit constant la possibilité de s’appliquer en matière de droit du travail, elle est en revanche sans doute contraire au règlement européen 883/2004 applicable en matière de protection sociale. L’unicité du droit applicable dans les deux domaines pourrait donc plaider en faveur d’une réponse unique via un règlement européen dédié.

 

Il est possible de prévoir des garde-fous pour éviter que la prestation effectuée en télétravail même pour une société basée à l’étranger ne le soit en réalité principalement pour des clients qui seraient situés dans le pays de résidence du télétravailleur.

 

La complexité des règles actuelles n’a pas interdit l’adaptation des acteurs mais le monde d’après Covid donnera une place forcément plus importante au télétravail à l’international et appellera donc une évolution des régulations vers plus de simplicité et d’efficacité. C’est dans cette perspective que nous devons nous inscrire.

 

 

1) « Toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » Article L1222-9 du code du travail

2) INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/6209490 Page consultée le 03/08/2022.

3) Ibid.

4) Déterminé au début d’une mission.

5) Déterminé au cours d’une mission pour raison sanitaire : retour au pays d’origine.

6) DARES . Les travailleurs détachés sont à 34 % dans l’industrie, 34 % dans la construction, 20 % dans les services et 9 % dans l’agriculture. Source https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/qui-sont-les-travailleurs-detaches-en-france. Page consultée le 3/08/2022.

7) Rapport de la DGT ,« Bilan du travail détaché en France 2019-2021 » DGT- rapport du 11/03/2022 P.16.

8) Ibid.

9) A l’exception de l’ANI européen de 2002.

10) Convention nº 102 concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, la Recommandation nº 202 sur les socles de protection sociale, 2012, la  Convention nº 118 sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), 1962, la Convention nº 157 sur la conservation des droits en matière de sécurité sociale, 1982, la Convention nº 19 relative à l’égalité de traitement des travailleurs étrangers et nationaux en matière de réparation d’accidents du travail.

11) Accord cadre du 16 juillet 2002 signé par UNICE, CES, UEAPME, CEEP.

12) Confédération européenne des syndicats, BusinessEurope, SMEUnited (PME) et SGI Europe (entreprises publiques).

13) Programme de travail 2022-2024 des partenaires sociaux du 28 juin 2022 (traduction libre).

14) Ce droit a fait l’objet de plusieurs demandes par les députés européens auprès de la Commission début 2021 et en juillet 2022.

15) Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

16) Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

17) La mise en place de l’Autorité européenne du travail va sans doute faciliter ces contrôles.

18) IndustriALL et Renault ont conclu le 29 avril 2021 un avenant à l’accord-cadre mondial du groupe Renault de 2019, précisant les conditions du travail à distance dans un monde du travail en pleine mutation.

19) Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 2021, n°19-20.699, Dalloz actualités, Rodolphe Bigot et Amandine Cayol.

20) Pierre François, directeur général de Swiss « l’argus des assurances » Life prévoyance et santé, vice-président de la commission des assurances de personnes de la Fédération française de l’assurance (FFA) in l’Argus de l’assurance, Septembre 2020.

21) La jurisprudence KARACHI de 2004 a introduit une obligation de santé et de sécurité sociale de la part de l’employeur. En effet, depuis le jugement rendu par le TASS, la mise en cause de la responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée et considérée comme une faute inexcusable. Cette responsabilité a d’ailleurs donné lieu à une loi au sens de l’article L. 452-1 placé dans le Code de la Sécurité sociale.

22) CJUE, aff. 64/12, 12 septembre 2013, Anton Schlecker.

 

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