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22 / 05 / 2019 | 108 vues
Thierry Beaudet / Membre
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CMUC : la Mutualité Française demande à ses mutuelles adhérentes de ne pas s’engager dans le dispositif tel qu’il est proposé

À compter du 1er novembre 2019, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 étend la CMU complémentaire (CMUC) aux actuels bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), en contrepartie d’une cotisation qui augmente avec leur âge (entre 8 et 30 € par mois).
 

Parce que cette réforme avait l’ambition d’une simplification des dispositifs et d’une baisse du renoncement aux soins, la FNMF avait souhaité que les mutuelles puissent fortement s’impliquer dans sa mise en œuvre.
 

Il lui paraissait important d’accompagner les potentiels bénéficiaires et de leur permettre de librement choisir d’être couverts soit par une mutuelle (comme tous les Français), soit par une caisse primaire d’Assurance-Maladie.
 

Or, maintenant que le gouvernement précise les modalités pratiques de sa réforme, c’est un mécanisme très différent qui se dessine. Comme souvent, il y a beaucoup d’écarts entre les ambitions affichées et la réalité. Le gouvernement fait donc le choix d’écarter les mutuelles en ne finançant pas la mise en œuvre à un niveau raisonnable.
 

La Mutualité Française avait alerté sur le sous-financement manifeste du dispositif, en total décalage avec les objectifs affichés. Il se confirme avec seulement 120 millions d'euros en 2022, pour une hypothèse trop peu ambitieuse d’amélioration du taux de recours (+ 9 points en 2022). Elle considère que 100 millions d'euros supplémentaires sont nécessaires.
 

Dans les conditions envisagées, les mutuelles ne pourraient pas accompagner les bénéficiaires avec la même qualité de service que celle qu’elles apportent à l’ensemble de leurs adhérents. Or, avec plus de 10 millions de bénéficiaires potentiels, près de 20 % des Français pourraient ainsi être stigmatisés. Non seulement cela contredit la philosophie même de la réforme mais cela organise aussi mécaniquement le déficit de gestion de ces contrats.
 

En effet, les textes d’application proposent une rémunération symbolique, en moyenne de 20 € par an et par contrat pour l’accompagnement et le suivi des seuls bénéficiaires qui s’acquitteront d’une contribution, et zéro euro pour les bénéficiaires exonérés de cotisation.
 

Le Président de la République martèle que la clef de la lutte contre la pauvreté réside dans l’accompagnement et nous partageons cette analyse. Or, la constitution du dossier et le suivi du bénéficiaire nécessitent en moyenne 20 contacts par an, dont le coût est évidemment largement supérieur à 20 € par an. Dans les faits, on leur refuse donc le droit à l’accompagnement.
 

Or, les mutuelles sont soumises à un impératif d’équilibre financier, contrairement à la Sécurité sociale. Alors elles s’interrogent : l’objectif est-il d’inciter à la suppression de 500 emplois qui gèrent aujourd’hui les contrats ACS dans les mutuelles en France, pour délocaliser l’activité dans des pays à moindre coût social ?
 

Les mutuelles refusent d’être contraintes de faire porter le financement des déficits à leurs autres adhérents, notamment aux seniors. Ces derniers paieraient alors deux fois la réforme de façon injuste : par la taxe de 14 % prélevée sur leurs cotisations pour financer le fonds CMUC et par un prélèvement supplémentaire sur ces mêmes cotisations pour compenser les déficits de gestion des contrats CMUC.
 

Ce nouveau dispositif de CMUC est donc sous-financé, mal paramétré et ne règle en rien les situations de stigmatisation et de renoncements aux soins, pourtant largement documentés rapports après rapports. Dans ces conditions, regrettant que la Ministre des Solidarités et de la Santé n’ait pas entendu ses arguments, le conseil d’administration de la Mutualité Française, réuni le 16 mai 2019, a décidé de demander à ses mutuelles adhérentes de ne pas s’engager dans le dispositif tel qu’il est proposé par la ministre à ce jour.

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