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Les partenaires sociaux à la CNAV ? Une étatisation du paritarisme !
Pour Michel Monier, membre du Think tank CRAPS, contributeur à la revue Politique et Parlementaire et ancien DGA de l’UNEDIC: "« Que les partenaires sociaux, ainsi flattés pour leur gestion des régimes complémentaires ne courent pas trop vite vers le pilotage, ou la gestion, de la CNAV, où ils sont aujourd’hui subsidiarisés »
Le Ministre du travail doit reprendre la proposition, que faisait le premier ministre Bayrou, de confier aux partenaires sociaux la gestion du régime des retraites du privé aujourd’hui assurée par la CNAV.
Depuis le « conclave », les exécutifs ne tarissent pas d’éloges ni ne manquent de faire un exemple de la gestion des retraites complémentaires du privé par les partenaires sociaux. Les syndicats et les représentants des employeurs seraient donc à même de gérer en responsabilité le régime général. L’intérêt pour l’État de confier aux partenaires sociaux la gestion, ou le pilotage, de la CNAV n’est qu’un « faux-nez », un « Cheval de Troie » pour étatiser les retraites complémentaires du privé.
Le périmètre de la CNAV recouvre les retraites payées au titre des droits acquis, pour les salariés du privé, les indépendants et les contractuels de la fonction publique, et celles payées au titre de la solidarité. La légitimité des partenaires sociaux est pleine et entière pour les seules prestations de retraite contributives des salariés du secteur privé, ils ne sont pas légitimes pour les prestations retraites de solidarité. Le pilotage, ou la gestion, qui leur serait confié ne peut donc pas être de « pleine gouvernance » : c’est un paritarisme de façade qui s’installerait, à l’instar de celui de l’assurance chômage depuis 2008 et la création de Pôle emploi. L’UNEDIC est passé du paritarisme à un paritarisme de façade : le « tripartisme » sous gouvernance de l’État, le risque est aujourd’hui que les retraites complémentaires se perdent dans le régime général pour le financer.
Une gouvernance paritaire de la CNAV identique à celle des régimes Agirc-Arrco n’est envisageable que si la CNAV est démembrée pour que seules les retraites de droits directs soient confiées à la gestion des partenaires sociaux. Un paritarisme vrai n’est envisageable, par ailleurs, que si la maîtrise des flux de financement, aujourd’hui sous compétence des URSSAF, est confiée aux partenaires sociaux. Faute d’un périmètre de responsabilité ainsi redéfini, l’acceptation par les partenaires sociaux du « pilotage » de la CNAV serait accepter de s’engager dans un rapprochement (une fusion ?) du régime général avec celui, qu’ils savent gérer en responsabilité, des retraites complémentaires(1).
Les dettes publique et sociale, dont on choisit de continuer à payer le coût économique pour ne pas en payer le « coût politique », ne réveillent-elles pas l’intérêt pour les réserves prudentielles de l’Agirc-Arrco ? Il suffit de voir comment sont captés aujourd’hui des milliards sur le financement de l’assurance chômage pour financer France travail et des politiques publiques qui ne sont pas d’indemnisation du chômage.
On peut choisir d’opter, ou pas, pour toujours plus d’étatisation et faire des cotisations sociales et des prestations contributives des variables d’ajustement budgétaire et aller ainsi vers la « Grande Sécurité sociale ». Que les partenaires sociaux, ainsi flattés pour leur gestion des régimes complémentaires ne courent pas trop vite vers le pilotage, ou la gestion, de la CNAV, où ils sont aujourd’hui subsidiarisés. Leur responsabilité est, d’abord, de préserver la bonne gestion des retraites complémentaires.
Source :
1. https://www.revuepolitique.fr/regime-des-retraites-du-prive-le-corbeau-et-le-renard/
- Protection sociale parrainé par MNH
- Relations sociales
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PARITARISME : NE NOUS LAISSONS PAS PRENDRE AU PIÈGE
L'exécutif nous tend une main flatteuse : confier aux partenaires sociaux la gestion du régime général des retraites du privé. Après des années d'étatisation rampante de notre protection sociale, après avoir tenté de mettre la main sur les réserves de l'Agirc-Arrco, voilà que l'État nous complimente sur notre bonne gestion et nous invite à sauver la CNAV. Méfions-nous des cadeaux empoisonnés.
Notre gestion exemplaire des retraites complémentaires repose sur des fondamentaux non négociables : une gouvernance strictement paritaire, la maîtrise totale du recouvrement des cotisations, un pilotage assurantiel de long terme, et l'autonomie face aux ingérences politiques. C'est cette indépendance qui nous a permis de constituer des réserves, de certifier nos comptes sans réserve, et de garantir les droits de nos ressortissants.
Accepter de gérer la CNAV sans ces garanties serait une capitulation. Le périmètre de la CNAV mélange prestations contributives et prestations de solidarité. Nous n'avons aucune légitimité pour gérer ces dernières, qui relèvent de la fiscalité et donc de l'État. Pire encore : sans la maîtrise du recouvrement, aujourd'hui aux mains des URSSAF, nous serions privés du nerf de la guerre – les flux financiers.
Regardons ce qui s'est passé avec l'assurance chômage : un paritarisme de façade, un tripartisme sous tutelle étatique, où les réserves sont ponctionnées pour financer France Travail et des politiques publiques qui n'ont rien à voir avec l'indemnisation du chômage. C'est exactement ce scénario qui nous menace.
Notre responsabilité est d'abord de préserver ce qui fonctionne : l'Agirc-Arrco et ses régimes complémentaires. Avant toute discussion sur la CNAV, l'État doit répondre : s’engage-t-il à nous transférer le recouvrement ? Renoncera-t-il à toute ingérence sur les bornes d'âge, les trimestres, les allègements de cotisations ?
Sans ces engagements fermes et irréversibles, cette proposition n'est qu'un piège pour diluer nos régimes complémentaires dans le régime général et mettre la main sur nos réserves.
Le SNFOCOS et Force Ouvrière resteront vigilants : nous ne bradons pas le paritarisme.