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08 / 10 / 2025 | 52 vues
Eric Gautron / Abonné
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AT-MT: Le registre des accidents bénins

En vertu des articles L.441-2 et R.441-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS) ainsi que d’une jurisprudence constante, l’employeur n’a pas à apprécier la gravité d’un accident ni l’opportunité de le déclarer. Il doit, quelle que soit son opinion sur les causes de l’accident, en faire la déclaration (Cass. soc., 15 nov. 2001, n°99-21.638 / Cass. soc., 14 févr. 2024, n°22-18.798).

 

Il existe toutefois une « exception » à ce principe : le registre des accidents bénins (également appelé registre d’infirmerie). Certaines entreprises peuvent en effet être autorisées à ne pas déclarer à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) les accidents dits « bénins » – c’est-à-dire n’entraînant ni arrêt de travail, ni soins médicaux pris en charge par la sécurité sociale – à condition de les consigner dans ce registre. L’autorisation de tenir un tel registre est subordonnée au respect des conditions cumulatives prévues à l’article D.441-1 du CSS :

 

  1. La présence permanente d’un médecin, ou d’un pharmacien, ou d’un infirmier diplômé d’État, ou d’une personne chargée d’une mission d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise, détentrice d’un diplôme national de secouriste complété par le diplôme de sauveteur secouriste du travail délivré par l’Institut National de Recherche de Sécurité (INRS) ou les CARSAT.
  2. L’existence d’un poste de secours d’urgence (local ou emplacement disposant des matériels et produits pharmaceutiques nécessaires pour donner les premiers soins).
  3. Le respect par l’employeur des obligations mises à sa charge en matière de mise en place d’un comité social et économique.

 

Conformément à l’article D.441-2 du CSS, l’employeur qui détient un tel registre doit en informer sans délai et par tout moyen conférant date certaine à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Le registre, propriété de l’employeur, peut être tenu sous format papier ou dématérialisé. Il doit être conservé pour chaque année civile durant cinq ans à compter de la fin de l’exercice.

 

Dès qu’un accident « bénin » survient au temps et au lieu de travail, l’employeur ou son représentant doit l’inscrire sur le registre dans un délai de 48 heures ouvrables. L’inscription doit mentionner : le nom de la victime, la date, le lieu et les circonstances de l’accident, ainsi que la nature et le siège des lésions. Le soignant doit apposer son visa et la victime sa signature (article D.441-3 du CSS).

 

Si par la suite, l’accident entraîne un arrêt de travail ou des soins médicaux, l’employeur doit procéder à une déclaration classique d’accident du travail auprès de la CPAM. L’inscription préalable au registre permet au salarié de bénéficier de la présomption d’imputabilité, même si les conséquences médicales de l’accident apparaissent dans un certain délai.

 

Conformément aux dispositions de l’article D.441-4 du CSS, le registre des accidents bénins doit être tenu à la disposition :

 

  • De la victime ou de ses ayants droits ;
  • Des agents de contrôle de la CPAM ou de la CARSAT ;
  • Des ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité dûment habilités auprès des CARSAT ;
  • De l’inspection du travail ;
  • Du CSE

 

Le médecin du travail peut également y avoir accès (article D.441-3 du CSS). En cas de manquement aux règles de tenue ou d’utilisation, l’employeur s’expose à des sanctions pénales ou administratives et à la perte de l’autorisation de tenir un tel registre.

 

Focus Justice et travail : Le nouveau ballon d’essai pour protéger les salariés

 

Depuis le début de l’année 2025, plus de 150 personnes ont perdu la vie à la suite d’un accident de travail, selon le décompte quotidien réalisé par Matthieu Lépine, à partir d’articles de presse.


Pour notre organisation syndicale , il est temps de rompre avec l’idée que mourir au travail serait une fatalité et de cesser de reléguer ces drames au rang de simples faits divers.


Alors que le Premier ministre François Bayrou affirme vouloir réconcilier les Français avec le travail et promouvoir « le bonheur au travail », les chiffres rappellent une réalité plus sombre : les morts au travail sont en hausse.


Dans ce contexte, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, et Gérald Darmanin, ministre de la Justice, ont signé une instruction conjointe visant à renforcer la politique pénale du travail en matière de répression des manquements aux obligations de santé et de sécurité.


Cette instruction s’inscrit dans le cadre du « volet mobilité » du Plan Accidents du Travail Graves et Mortels.


Ce qui change concrètement :


- Verbalisation systématique par les inspecteurs du travail en cas de risque grave, même sans accident.
- Transactions pénales renforcées : amende + plan de mise en conformité.
- En cas d’ATGM, poursuites possibles de toute la chaîne d’acteurs impliqués (employeurs, donneurs d’ordre et/ou maîtres d’ouvrage).
- Cosaisine concomitante des enquêtes : Inspection du travail+ agents de police judiciaire = plus d’efficacité.
 -Accompagnement renforcé des victimes : information sur les démarches, orientation vers les dispositifs d’aide, accès à la justice.


Le gouvernement parie sur une application plus rigoureuse des outils existants pour faire reculer durablement les ATGM. 


Mais pour nous , l’enjeu est clair : l’efficacité de cette instruction dépendra des moyens mis en œuvre.

Notre confédération  attend de pied ferme un véritable plan de recrutement d’inspecteurs du travail, assorti d’une enveloppe budgétaire conséquente, afin que cette démarche ne reste pas symbolique uniquement.

 

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Notre organisation syndicale  a été auditionnée le 30 octobre par la commission des affaires sociales
du Sénat, dans le cadre de leurs travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale (PLFSS) 2026 et plus particulièrement sur la branche AT/MP.


Cette audition a été l’occasion pour FO de dénoncer avec force la trajectoire déficitaire
organisée de la Branche, alors même que la sinistralité reste élevée et que les besoins
des victimes augmentent. Ce déficit n’est pas une fatalité : il est le résultat de choix
politiques qui fragilisent un modèle assurantiel fondé sur la responsabilité des
employeurs.


Nous avons également exprimé notre opposition totale à la mesure visant à limiter à
quatre ans l’indemnisation temporaire en cas d’accident du travail ou de maladie
professionnelle. Une telle mesure, déconnectée de toute logique médicale, pénaliserait
les victimes les plus gravement atteintes et constituerait un recul sans précédent.

.
La France enregistre chaque année près de 1 million de sinistres d’origine professionnelle reconnus.
Ce chiffre, relativement stable dans le temps, cache une évolution préoccupante : la gravité des
sinistres augmente.


Le nombre de décès au travail est en hausse et la durée moyenne des arrêts s’allonge sensiblement.
Selon les premiers chiffres communiqués par la Direction des Risques Professionnels pour l’année
2024, 716 475 accidents du travail et 79 549 maladies professionnelles ont été reconnus. Surtout, 764
personnes sont décédées à la suite d’un AT et 215 à la suite d’une MP.


➔ En y ajoutant les accidents de trajets, ce sont 25 travailleurs qui perdent la vie chaque semaine
au travail en France.


Derrière ces chiffres, il y a des vies bouleversées, des parcours brisés, des familles marquées à jamais.
Cette sinistralité élevée, constante et meurtrière doit rester au cœur de nos débats et guider notre ction
à tous.


Elle rappelle la vocation première de la branche accidents du travail et maladies professionnelles :
protéger et indemniser les victimes, tout en responsabilisant les employeurs.


C’est aussi pourquoi Force Ouvrière est particulièrement attentive à l’évolution que dessine le PLFSS
2026, qui marque une inflexion lourde et préoccupante pour cette branche.


➢ Un PLFSS qui organise une trajectoire déficitaire de la branche AT/MP :


La branche AT/MP repose depuis 1898 sur un principe simple et fondateur : celui qui crée le risque en
assume la charge financière.


Elle est financée exclusivement par les cotisations patronales, calculées en fonction de la sinistralité.
Dans ce modèle assurantiel, le déficit n’est pas une fatalité : s’il existe un déséquilibre, il doit être
corrigé par un ajustement des recettes.


Pourtant, le PLFSS 2026 prévoit un déficit de 500 millions d’euros en 2025 et d’un milliard d’euros en
2026. Ce déséquilibre n’est pas le signe d’un système à bout de souffle, mais bien la conséquence de
choix politiques.


La première cause est la réduction des cotisations patronales, notamment à la suite de la réforme des
retraites de 2023, qui a abaissé la cotisation AT/MP au profit de la branche vieillesse. Cette mesure a
privé la branche d’une partie de ses ressources propres.


La deuxième cause est la sous-déclaration massive des sinistres, évaluée entre 2 et 3,8 milliards
d’euros par an. Elle fausse les données de sinistralité, affaiblit la tarification et transfère artificiellement
une partie des charges vers la branche maladie — donc vers la solidarité nationale, alors même que
ces coûts devraient relever de la responsabilité des employeurs.


Enfin, les dépenses structurelles augmentent : indemnités journalières, frais médicaux, revalorisation
des rentes. Force Ouvrière ne conteste pas cette évolution. Elle la défend même, car elle est favorable
aux victimes et conforme à la vocation réparatrice de la branche.


Mais ces dépenses légitimes doivent être pleinement compensées par des recettes adaptées,
conformément au principe assurantiel : elles ne doivent en aucun cas servir de prétexte à fragiliser les
droits des victimes ou à déséquilibrer artificiellement la branche.


Pour rétablir l’équilibre financier, Force Ouvrière formule trois revendications claires :


- lutter efficacement contre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies
professionnelles ;


- réformer la tarification afin qu’elle reflète réellement la sinistralité des entreprises ;


- limiter les contentieux d’inopposabilité qui permettent aujourd’hui à certains employeurs de se
soustraire à leurs responsabilités financières.


Le déficit de la branche AT/MP n’est pas une fatalité économique : il est le produit d’un désengagement
organisé.


➢ Des réformes qui affaiblissent les droits des victimes :


La première inquiétude majeure concerne l’article 28 du PLFSS, qui prévoit de limiter à quatre ans la
durée maximale de versement des indemnités journalières AT/MP.


Aujourd’hui, ces indemnités sont versées tant que la victime est médicalement dans l’incapacité de
reprendre le travail : jusqu’à guérison, consolidation ou décès. La réforme imposerait une consolidation
automatique au bout de quatre ans, indépendamment de la situation médicale de la personne.
Il s’agit d’une mesure socialement brutale et médicalement infondée. Elle frapperait en priorité les
personnes les plus gravement atteintes, celles qui nécessitent des soins longs et complexes. Elle les
ferait basculer de force vers un régime d’incapacité permanente beaucoup moins protecteur
financièrement, alors que leurs besoins médicaux et sociaux demeurent importants.


Par ailleurs, le déficit fonctionnel permanent, qui sera mis en place en juin 2026, ne compensera pas
cette perte. Il vise à réparer une atteinte à la qualité de vie, non une perte de revenus.


La deuxième inquiétude concerne la reconnaissance des maladies professionnelles. L’article 39 du
PLFSS prévoit que le médecin-conseil puisse trancher seul certains dossiers relevant de la procédure
complémentaire. Force Ouvrière s’y oppose fermement. Le CRRMP garantit aujourd’hui la collégialité,
l’expertise scientifique et l’indépendance. Le médecin-conseil, aussi compétent soit-il, reste un agent
de l’organisme payeur.


Ce n’est pas en affaiblissant le rôle du CRRMP que l’on résoudra les délais d’instruction, mais en lui
donnant les moyens humains et matériels nécessaires pour fonctionner efficacement.



➢ Des avancées pour les victimes mais des difficultés persistantes dans la mise en œuvre de la
réforme de la rente :


La réforme de la rente et l’introduction de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à compter
de juin 2026 constituent une véritable victoire syndicale et une avancée majeure pour les victimes.
Pour la première fois, l’impact d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sur la vie
personnelle de la victime sera pleinement reconnu et indemnisé en cas de séquelles permanentes.
C’est une avancée historique que Force Ouvrière revendiquait depuis longtemps.


Cependant, des difficultés subsistent dans la mise en œuvre opérationnelle de ce que souhaitent les
interlocuteurs sociaux. Plusieurs points techniques doivent encore être sécurisés :


- la traçabilité dans le rapport médical des composantes du DFP, notamment des douleurs
endurées et des troubles dans les conditions d’existence ;
- les disparités dans l’application du coefficient socio-professionnel ;
- la nécessaire révision de la valeur de point du référentiel Mornet, aujourd’hui non genrée, et de
la table de mortalité, inadaptée à la réalité des victimes d’AT/MP.


Ces dépenses supplémentaires doivent être anticipées et financées conformément au principe
assurantiel, c’est-à-dire par les employeurs, et non servir de justification à de nouvelles restrictions.


➢ L’absence de transposition de l’ANI du 15 mai 2023 :


Enfin, Force Ouvrière regrette profondément l’absence de transposition de l’accord national
interprofessionnel du 15 mai 2023. Cet accord prévoyait des avancées importantes en matière de
prévention, de reconnaissance des maladies professionnelles et de gouvernance de la branche AT/MP.
Il prévoyait notamment l’abaissement du seuil d’accès au CRRMP à 20 % d’incapacité permanente
partielle (contre 25 aujourd’hui), ce qui aurait permis de rendre la procédure plus accessible aux
victimes. Ce texte est aujourd’hui en attente, et ce retard freine toute évolution constructive du
système.


➢ Conclusion


Ce PLFSS 2026 n’est pas un texte neutre. Il organise le déficit de la branche AT/MP au lieu d’en traiter
les causes réelles. Il affaiblit les droits des victimes et déresponsabilise les employeurs.
Force Ouvrière réaffirme son opposition à la limitation de l’indemnisation temporaire, à la remise en
cause de la collégialité de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles et à la
logique de sous-financement organisée.


Nous appelons à un changement de cap : à un financement à la hauteur des enjeux, à une véritable
lutte contre la sous-déclaration, à une réforme équitable de la tarification et à une gouvernance
renforcée.


La branche AT/MP repose sur un principe clair : celui qui crée le risque doit en assumer la charge. Ce
principe doit être pleinement réaffirmé et respecté.