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19 / 05 / 2022 | 589 vues
Frédéric Homez / Abonné
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Grève pour les salaires à Faurecia : les intimidations d'un autre temps de la direction

L’épreuve de force, les métallos savent y aller lorsque nécessaire. Mais rien ne pouvait préparer ceux de l’équipementier automobile, dans le Doubs, à celle qu’ils ont vécu en ce mois d’avril, et où la violence de la direction a surpris tout le monde.


La grève menée en cet avril 2022 par les métallos des deux sites de Faurecia Siedoubs, à Montbéliard et Etupes, restera dans les annales. D’abord parce que ce type d’événement est rare à Siedoubs, ensuite parce que la rapidité et la violence de la réponse de la direction, au cours des quatre jours de conflit, du 19 au 22 avril, ont impressionnés et choqués, bien au-delà des murs de cet équipementier automobile. Comme trop souvent en ce début d’année 2022, c’est la question salariale qui a mis le feu aux poudres. Pourtant, les négociations semblaient plutôt bien parties pour aboutir à un bon accord, quelques jours seulement avant la grève.
 

Après deux réunions en mars, le troisième et dernier round des NAO, prévue pour le 6 avril, s’annonçait sous de bons auspices. La veille, la direction de Siedoubs avait laissé entendre aux organisations syndicales qu’il serait possible de s’accorder sur des hausses à hauteur de 3,5 % en augmentation générale et une prime exceptionnelle de 1 500 euros, une proposition jugée correcte par les syndicats au regard de l’inflation et du travail fourni ces derniers mois. « Le lendemain, lors de la réunion, on est passé à 2,5 % d’augmentation versés en deux fois et une prime de 800 euros versés en trois fois, se souvient avec colère Engin Ciftci, délégué syndical FO. Devant cette volte-face, nous avons prévenu que l’on se dirigeait droit vers l’épreuve de force. »
 

Une tentative d'intimidation
 

C’est le 19 avril à 5h du matin que débute le mouvement, très suivi, à la fois sur Montbéliard, dont les 550 salariés produisent des sièges pour Stellantis Sochaux, et sur Etuples, où 350 salariés font de même pour Stellantis Mulhouse. Les grévistes bloquent alors un moment le départ d’un camion de livraison avec des véhicules de service, une pression forte pour des sites qui livrent en flux tendu à leur client. Si la direction semble avoir joué le pourrissement de la situation depuis le 6 avril, elle a aussi anticipé le mouvement. Dans l’heure qui suit le début de la grève, les huissiers débarquent, flanqués de la brigade anti-criminalité à Montbéliard et de la gendarmerie à Etupes. Quelques heures plus tard, ils commencent à distribuer des courriers aux salariés présents sur les piquets –et à domicile pour les autres– pour des entretiens préalables à des licenciements pour faute lourde (61 salariés sont concernés !), ainsi que des assignations à comparaître devant le tribunal judiciaire de Montbéliard pour « entrave au travail » le lendemain. « Pour beaucoup de salariés, c’est le ciel qui leur tombait sur la tête, alors qu’ils ne faisaient qu’exercer leur droit de grève et n’avaient de plus rien dégradé, fulmine Engin Ciftci. Nous avons eu fort à faire pour les rassurer face à ce que nous considérons comme une tentative d’intimidation, qui n’a fait que renforcer notre détermination, et nous a amenés à demander aux intérimaires de rejoindre le mouvement, ce qu’ils ont été nombreux à faire. »
 

Le 20 avril, le tribunal judiciaire de Montbéliard rend une ordonnance de référé dans laquelle il estime que la grève sur les sites de Montbéliard et Étupes constitue « un trouble manifestement illicite et est abusive ». Dans le mail accompagnant la décision, il est aussi ajouté que les 14 salariés qui ont fait l’objet d’une assignation pourront être condamnés au paiement d’une astreinte de 1 000 euros pour chaque manquement constaté et devront aussi payer les frais d’huissiers et de procédure. Une fois de plus, FO est là pour informer les salariés et apaiser leurs craintes face à la manœuvre, que beaucoup voient comme une entrave au droit de grève.
 

Des pratiques d'un autre temps
 

Le lendemain 21 avril, c’est Mathieu Devillard, patron de la division sièges de Faurecia, qui fait le déplacement pour tenter de trouver une sortie de crise. Le préfet du Doubs est également de la partie mais sa médiation, qui se résume à brosser un tableau apocalyptique du futur pour le bassin d’emploi si le mouvement se poursuit, n’aboutit pas. Dans le même temps, les députés Frédéric Barbier et Denis Sommer, contactés par FO, dénoncent des « pratiques d’un autre temps » et « excessivement violentes » envers les salariés, et donnent une résonnance supplémentaire à l’affaire. Ils résument le sentiment général en déclarant que « Faurecia se porte bien, ils font des investissements, s’assurent des bénéfices importants. Ils doivent aussi s’assurer de bien payer leurs sous-traitants et d’assurer une juste répartition. Les salariés en ont besoin, ils se battent pour leur salaire ».
 

La violence de la riposte de la direction face aux justes et raisonnables revendications des salariés ne fait que nourrir leur colère et les inciter à ne rien lâcher. Pour eux, le dialogue ne pourra reprendre de manière constructive qu’à la condition que la direction renonce aux sanctions judiciaires prévues à l’encontre des salariés et annule les procédures d’entretien préalable à des licenciements. « Nous voulions la garantie que tous les salariés étaient hors de danger pour leur emploi, précise Engin Ciftci, car c’est notre rôle de les défendre. » Elle ne cède que le vendredi matin et c’est au terme d’une longue séance de négociation qu’une solution est trouvée dans la nuit de vendredi à samedi, et que la production peut reprendre normalement.
 

« Nous avons fini par tomber d’accord sur 3,5 % d’augmentation générale et 1 % sur la prime panier et la prime transport, que tout le monde perçoit, soit 4,5 %, se félicite Engin Ciftci. Nous avons également obtenu une prime de 2 200 euros versée en deux fois, sans oublier le paiement des jours de grève. » Responsables et pragmatiques, les salariés ont prévu de rattraper les retards de livraison engendrés par leur mouvement. La direction, elle, devra faire face à des pénalités de son client Stellantis. De quoi y réfléchir à deux fois avant de traiter à nouveau les salariés comme quantité négligeable…

 

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