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25 / 08 / 2021 | 29 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Économiser durablement sur le dos du Ministère de l’Écologie finit par se payer

Saisi notamment par quatre ONG (Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l'homme et Notre affaire à tous), le tribunal administratif de Paris (reconnaissant l'existence d'un écart entre les objectifs et les résultats de l'État dans plusieurs domaines de sa politique climatique) avait estimé que l'État s'était rendu coupable de « carences fautives » en matière de lutte contre le changement climatique et l'avait condamné à verser un euro symbolique à des associations de défense de l'environnement en février dernier. La demande de réparation de préjudice avait été rejetée.

Nouveau rebondissement dans cette affaire : le Conseil d'État (*) a condamné l'État à payer 10 millions d'euros pour n'avoir pas pris les mesures « suffisantes » pour améliorer la qualité de l'air, une somme record qui pourra être renouvelée dans six mois si la décision n'est pas pleinement exécutée.


Pour le Conseil d'Etat, « si des mesures ont été prises, il estime aujourd’hui qu'elles ne permettront pas d'améliorer la situation dans le délai le plus court possible car la mise en œuvre de certaines d'entre elles reste incertaine et leurs effets n'ont pas été évalués ».

 

Sur cette première astreinte (reconductible par semestre), 2,5 millions d'euros iront au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), 3,3 millions d'euros iront à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), 2 millions d'euros à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), 1 million d'euros à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), 1,1 million d'euros à des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) et 100 000 euros aux associations qui l’avaient attaqué.

 

Le Conseil d’État a sanctionné le gouvernement pour son incapacité à ramener les niveaux de pollution en dessous des normes sanitaires. Pour la fédération FO de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services (FEETS), cette décision marque les effets désormais tangibles de la cure d’austérité imposée au pôle ministériel de l'écologie, des transports, du logement et de la mer depuis quinze ans. Elle rappelle que, rien que sur la dernière mandature, le bilan des transferts et suppressions de postes au niveau ministériel est édifiant : 5 % d’effectifs perdus en 2020, 10 % d’ici 2022 et 20 % depuis 2015.

 

Quand aux AASQA (**) le gouvernement a mis fin à la convention collective des salariés de ces structures pour les intégrer à celle des bureaux d’études techniques, comme si la qualité de l’air était une activité marchande.

 

Au delà de la question de qualité de l’air, la liste des sujets à prendre à bras le corps pour l’avenir peut donner le vertige : souveraineté alimentaire, biodiversité, fin de la dépendance aux énergies fossiles, pollutions de l’environnement, dérèglement climatique etc. Il est illusoire de croire que dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité trouveront des solutions en réduisant l’action publique, à commencer par les moyens humains et financiers des ministères.

 

La FEETS exige que le gouvernement tire les conclusions de cette première condamnation et mette un terme à sa politique du pire :

  • en retirant le projet de loi 3DS/4D qui supprime de nouveaux leviers d’action de l’État ;
  • en arrêtant la revue des missions engagée au sein du pôle ministériel de l'écologie, des transports, du logement et de la mer, dont la vocation est d’auto-saborder tout ce qui constitue la richesse des compétences et modes d’actions permettant un portage transversal et opérationnel des politiques d’aménagement durable du territoire, voire de fermer des écoles de formation initiale de ses agents ;
  • en donnant un signal fort à l’occasion du PLF 2022 pour remettre en place les moyens concrets en effectifs pour porter les politiques d’aménagement durable du territoire via les services et établissements publics sous tutelle du Ministère de la Transition écologique.


La fédération indique qu'elle veillera à ce que l’affectation d’une partie de l’amende infligée à l’État au bénéfice de certains de ses établissements publics ne se traduise pas par un retrait de leur subvention pour charge de service public et ne soit pas ponctionnée sur les crédits du Ministère de l’Écologie.

 

(*) https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/pollution-de-l-air-le-conseil-d-etat-condamne-l-etat-a-payer-10-millions-d-euros

(**) AASQA : les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air sont des organismes français mesurant et étudiant la pollution atmosphérique au niveau de l'air ambiant. Elles sont agréées par le Ministère de l'Écologie pour communiquer leurs résultats officiellement.

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