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23 / 03 / 2020 | 867 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« Nous avons recommandé que les vacataires soient payés et que les contractuels soient prolongés » - Johan Theuret, président de l'Association des DRH des grandes collectivités

Après ces premiers jours de confinement du pays, Johan Theuret, président de l'Association des DRH des grandes collectivités, fait le point sur la réactivité des services publics locaux. Il a échangé avec la Gazette des Communes qui a aimablement accepté que nous reprenions cet entretien.
 

Après trois jours d’arrêt brutal de l’activité dans le pays, quelles remontées avez-vous, par le réseau de l’ANDRHGCT, sur ce qu'il se passe dans les collectivités ?
 

Le service public local a assuré et assume avec une activation des plans de continuité d’activité dans un temps extrêmement court. Le retour que nous avons est que toutes les collectivités locales ont été très réactives sur ces PCA, qui étaient pourtant souvent dans les cartons, voire parfois pas. Il ne faut pas oublier que cela intervient, pour les communes et les « intercos », en même temps que le premier tour des élections municipales ! C’est franchement un exploit. Le versant hospitalier et le versant territorial ont répondu à l'appel.

Évidemment, il y aura le temps de l’évaluation et des retours d’expériences mais ce qui est impressionnant aujourd'hui, c’est que la machine s’est arrêtée en mode service minimum, tout en continuant de fournir les services vitaux et essentiels et en créant les nouveaux services, comme ceux en soutien au secteur hospitalier, avec les modes de garde pour les enfants des agents du secteur hospitalier. Cela paraît simple, pourtant, c’est compliqué car il faut déterminer les lieux et les capacités d’accueil etc.

 

N’est-ce pas une vision un peu angélique ?
 

Ce qui est certain, c’est que c'est très dur. Cela nécessite une mobilisation de tous les agents et il y a tellement d’arbitrages à faire dans un temps tellement resserré que des bonnes et des mauvaises décisions sont forcément prises. Mais en gestion de crise, tout ne peut pas être parfait, on le sait. La gestion de crise est la gestion et l’adaptation à l’incertitude. Donc tout ne se passe évidemment pas de la même manière à travers tout le territoire mais toutes les collectivités ne sont pas au même niveau en termes de préparation de leur PCA et ne elles sont pas non plus affectées par le virus avec la même force.
 

Sur ce point des PCA, les collectivités étaient-elles prêtes ?
 

Avant tout, ils n’avaient quasiment jamais été activés, même quand ils existent. La dernière crise pour laquelle ils l'avaient été (sauf situation locale particulière) était celle du H1N1 et encore, ils n’avaient pas pleinement été activés. Honnêtement, cela s’est mis en œuvre, avec peut-être un décalage entre ce que ces plans prévoyaient et leur adéquation avec les questions soulevées par cette crise précise, mais ils ont été activés. Quand ils n’existaient pas, il y a eu une capacité à les mettre en œuvre très rapide et à se mettre en mode gestion de crise.
 

Est-ce que l’État vous accompagne suffisamment, notamment pour vous donner les outils juridiques nécessaires à l’action ?
 

Malheureusement, non. Il est dans des atermoiements juridiques qui n’ont pas lieu d’être, notamment concernant la fin du jour de carence. L’État fait preuve d’un entêtement et d’un dogmatisme incompréhensibles dans cette période. Compte tenu de la durée probable de la crise, on ne peut pas mobiliser nos agents si une journée leur est de surcroît retenue en cas de maladie. Sans compter que cela alourdit la gestion administrative et que nous n’avons pas besoin de ça.
 

Rencontrez-vous d’autres blocages de ce type ?
 

L’État tarde à sortir une circulaire sur les autorisations d'absence (ASA), spéciale crise sanitaire Covid-19. Là encore, il s'agit d'un vide juridique incompréhensible. De notre côté, nous ne nous posons pas ces questions et nous utilisons les textes antérieurs, pour agir. Mais vu la situation exceptionnelle, l’État doit pouvoir nous donner des réponses exceptionnelles. L’administration centrale ne peut pas éternellement se poser de fausses questions juridiques : sur le terrain, les agents ne peuvent pas travailler ; il faut donc apporter une réponse, point final. Il y a incontestablement un retard à l’allumage.
 

De même, au sujet de la paye, nous sommes amenés à prendre énormément de décisions, nous ne devons pas être tracassés par des justificatifs, les services faits etc. Idem pour le paiement des fournisseurs en soutien à l’activité économique. N’oublions pas que la plupart des agents de nos collectivités ont dû partir, en deux ou trois jours. Nous ne pouvons pas demander un traitement de la chaîne comptable comme dans un processus normal. L’État doit assouplir ses attentes et ses exigences !
 

Idem encore avec les attestations des agents devant se déplacer pour les PCA : l’État les prévoit subitement mais ne nous a jamais prévenus qu’il fallait les délivrer. Comment faisons-nous, maintenant que les agents sont chez eux ? Ici, à Rennes (1), nous mobilisons 1 500 agents pour le PCA : comment faire pour leur délivrer ces attestations ? Là encore, il y a une impréparation de l’État, qui n’a pas prévu de mode opératoire pour une obligation par ailleurs tout à fait logique.
 

Que se passe-t-il pour les vacataires ou les contractuels employés par les collectivités ?
 

Des choix en termes de ressources humaines doivent être faits. Nous avons recommandé que les vacataires soient payés et que les contractuels soient prolongés en mars et avril, autant que nécessaire. Nous estimons que c’est le pendant du chômage technique dans le secteur privé. Il faut éviter de mettre ces gens en fragilité économique. D’autant que la puissance publique a la capacité de payer et nous avons la trésorerie. Ce n’est pas une nouvelle dépense : elle était prévue sur le budget. Il est important de conserver un lien avec ces gens, que nous pourrons mobiliser pour la continuité des PCA. Globalement, la quasi-totalité des grosses collectivités a fait ce choix-là.

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Après des semaines de pression des organisations syndicales de la Fonction Publique , le Gouvernement a enfin admis de ne pas appliquer le jour de carence pour les fonctionnaires et agents publics placés en congé maladie après avoir contracté le coronavirus. Les salariés du privé bénéficient de la même mesure.

Un amendement gouvernemental au projet de loi d’urgence sanitaire permettra de donner une valeur législative à cette annonce, valeur essentielle au regard du statut général des fonctionnaires qui s’appliquera de fait à tous les employeurs publics.
Cela est bien plus sérieux et valable que l’annonce faite par le Secrétaire d’État à la Fonction publique qui, lundi encore, tergiversait sur ce point en indiquant « qu’il fermerait les yeux » si certains employeurs ne l’appliquaient pas.