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11 / 09 / 2019 | 475 vues
Hervé Schmitt / Membre
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Les conséquences du « Fincantieri-bashing » pour l’emploi

Le rapprochement souhaité entre Naval Group et Fincantieri, devant déboucher sur la création d’un géant européen de la construction navale, ne fait pas que des heureux en France. Une véritable campagne de dénigrement de l’entreprise italienne a d’ailleurs commencé il y a plusieurs mois. Au-delà des querelles politiques et des batailles d’ego, menacer ce rapprochement aura des conséquences très concrètes sur l’emploi du secteur en France.

 

Reconnu pour son dynamisme, ses perspectives de croissance et son rayonnement à l’international, Naval Group a été sacré entreprise préférée des Français en 2019. En Belgique, en Australie et en Argentine, le groupe a récemment enregistré des succès commerciaux majeurs. Alors qu’en 2014 Naval Group (ex-DCNS) faisait face à des pertes nettes de 300 millions d’euros, le groupe est désormais l’entreprise européenne la plus solide de l’industrie navale de défense. En 2018, Naval Group a enregistré un chiffre d’affaire de plus de 3,6 milliards d’euros, soit une hausse de 13 %, tout en remplissant son carnet de commandes pour les années à venir et en accroissant sensiblement sa profitabilité. Afin de continuer sur cette lancée et conscient de la menace que représente l’émergence des concurrents chinois, russe ou indien, le PDG Hervé Guillou travaille depuis plusieurs années à un rapprochement avec l’Italien Fincantieri.

Le contrat du siècle

En février dernier, Hervé Guillou s’est rendu à Adelaide pour peaufiner les détails de l’accord portant sur la construction de 12 sous-marins de dernière génération pour la marine australienne. D’une valeur de 33 milliards d’euros, il s’agit du contrat le plus important, tout secteur confondu, jamais signé dans le pays. Pour Naval Group, ce contrat signifie la dynamisation et la pérennisation de ses activités, au moins pour plusieurs décennies (une aubaine pour l’emploi en France).
 

Le site de Cherbourg a été notamment choisi pour réaliser le design de ces sous-marins. Mobilisant déjà 350 ingénieurs, ce projet nécessite l’embauche de près de 700 personnes d’ici cinq ans. Concernant les techniciens, Naval Group a organisé une journée de recrutement en mars dernier, dont l’objectif était de pourvoir 100 postes. En somme, Naval Group prévoit de recruter une personne par jour en 2019 à Cherbourg.

 

Au-delà de l’exemple de ce seul site et contrat, l’ensemble du groupe et sa myriade de sous-traitants bénéficient d’un carnet de commandes de plus de 14 milliards d’euros. Pour répondre à ses engagements, Naval Group a créé de nombreux postes à travers ses dix sites français et met le paquet pour se faire connaître et attirer les talents : afterworks, job dating et soirées de recrutement. Rien qu’en 2019, Naval Group cherche une centaine de personnes pour son site d’Angoulême et environ 200 personnes à Brest.

Devenir un champion européen

Afin de maintenir le cap face à la montée de concurrents redoutables, Naval Group a déjà pensé la prochaine étape de son développement : s’allier à l’Italien Fincantieri pour conforter sa place de leader européen et rester l’un des leaders mondiaux.


Pour rester dans la course, les acteurs de l’industrie navale de défense doivent maintenir leur savoir-faire tout en investissant de plus en plus en recherche et en développement. Cela suppose de régulièrement décrocher des contrats. En d’autres termes, même si Naval Group a été l’heureux gagnant du contrat australien, l’entreprise doit déjà se positionner sur d’autres appels d’offre et continuer de monter en puissance à l’export. Le Chinois CSSC et le Russe OSK, dont les chiffres d’affaire respectifs dans le naval militaire sont estimés à 10 et 6 milliards d’euros (fourchette basse), menacent la part de marché du Français. Ils sont en mesure de produire à très grande échelle et à des prix très bas.
 

De fait, les gouvernements français et italien ont soutenu et encouragé l’initiative de Naval Group et Fincantieri de former une alliance stratégique. Annoncée en octobre dernier, elle doit permettre de mutualiser leurs moyens de production, d’investir conjointement dans l’innovation et de créer des synergies entre les deux constructeurs. À long terme, l’objectif est de créer un champion européen capable d’exister face à et de rivaliser avec ses concurrents.

Un projet critiqué

Depuis le lancement de cette alliance, Fincantieri a fait l’objet de virulentes critiques au sein de certains cercles fermés du milieu de la Défense. Certains craignent en effet que l’Italien n'absorbe Naval Group, même si ce dernier est trois fois plus grand dans le secteur militaire. D’autres, les plus agressifs, s’inquiètent de l’ombre que pourrait leur faire le futur géant, sans considération des conséquences de l’échec d’un rapprochement  à moyen terme sur l’emploi et les savoir-faire.
 

En Europe, de telles alliances ont déjà porté leurs fruits. De MBDA, le spécialiste des missiles, à Airbus, les entreprises européennes ont réussi à survivre dans des environnements de plus en plus concurrentiels grâce à des ententes industrielles et commerciales. Aujourd’hui, MBDA est presque au même niveau que les mastodontes américains Raytheon et Lockheed Martin tandis qu’Airbus fait de l’ombre à Boeing.
 

Alors que Naval Group est un fleuron de l’industrie française et que sa croissance permet de dynamiser le marché de l’emploi au sein de l’ensemble de l’industrie navale (plus de 40 000 emplois), le gouvernement français a mis en garde ceux qui tentaient de torpiller les projets de croissance du groupe. Les conséquences stratégiques, politiques et sociales seraient bien trop importantes. Mais il serait probablement temps que le gouvernement tape du poing sur la table pour faire rentrer ceux qui ne voit pas au-delà de leur intérêt propre dans le rang.

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