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14 / 11 / 2018 | 5 vues
Jean Yves Le Gall / Membre
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La formation initiale et continue des enseignants à l’accueil d'enfants handicapés n'est pas appliquée

Jean Louis Garcia, président de l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) a bien voulu répondre à nos questions dans le cadre des « idéaux et débats » du CIRIEC France.

Quel est la genèse de l’APAJH ?

Née le 19 février 1962, l'APAJH a été créée par des enseignants parisiens engagés sur le plan syndical, mutualiste et politique.

Deux questions se posaient concernant les handicapés.

  • Pourquoi les met-on à part (question totalement révolutionnaire à l’époque) ?
  • Que vont-ils devenir ?

Nous assistons à la création d’un mouvement citoyen : parents, non-parents et handicapés qui défendent les valeurs de laïcité, de solidarité, de citoyenneté et les valeurs de la République.

Nos interventions se situent sur deux plans : débat citoyen et engagement gestionnaire (à partir de 1965).

Nous intervenons sur tout handicap, à tous les âges de la vie. Nous sommes amenés à nous demander quelle est la place de l’homme dans notre société, handicap ou non.

Au-delà du handicap et de la différence, il est un être humain avant tout, avec sa dignité et ses droits.

Une date importante est le 30 juin 1975, avec la loi d’orientation en faveur des handicapés. Deux grandes lois sur le champ du handicap. Il existe d’autres lois importantes : juillet 1987 et 2002. Un changement total de perspectives est annoncé.

Dans la loi du 11 février 2005, les potentiels sont évalués, pas les déficiences. C’est la participation la citoyenneté et l’égalité des chances qui sont mises en avant.

Où en est la situation des handicapés pour leur inclusion à l’école ?

L’APAJH s’est toujours battue pour l’intérêt général et le droit commun. Si l’on veut que l’homme se construise et que la société évolue, misons sur l’école. Il appartient à l’école et à la société de s’adapter et non l’inverse. Dès 2014, avec sa charte sur l’accessibilité universelle, l’APAJH exigeait l’accès à tout, pour tous et avec tous.

Le comité d’entente des associations représentatives des handicapés a rencontré la Secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, le 5 septembre dernier. Le constat a été établi : manque de places en instituts médico-éducatifs (IME), en unités locales d’inclusion scolaire (ULIS) et graves difficultés d’accès à l’école pour tous.

De plus, dans nos différentes associations, nous enregistrons à ce jour 1 400 élèves handicapés, privés de rentrée par manque de places dans le dispositif adapté, qu’il relève du monde médico-social ou de l’Éducation nationale.

Que doit faire l’Éducation nationale pour favoriser l’inclusion des enfants handicapés à l’école ?

En premier lieu, l’Éducation nationale doit mettre en œuvre la formation initiale et continue des enseignants à l’accueil des enfants handicapés à l’école. Sur ce point, la loi n’est actuellement pas respectée.

Les écoles supérieures, du professorat et de l’éducation (ex-IUFM), intégrées dans les universités, devaient consacrer une dizaine d’heures d’enseignement par an à la formation à l’accueil de ces enfants.

Cela n’est pas réalisé. N’étant pas formés, les enseignants ne se sentent pas en capacité d’accueillir ces enfants. Nous sommes soutenus dans cette démarche par les parents d’élèves, la FCPE et la PEEP qui siègent au CA de l’APAJH.

La loi du 11 février 2005 est une grande loi porteuse de potentiels considérables. Elle a permis l’avancée à l’école de tous; la scolarisation de ces enfants handicapés. Mais malgré des progrès nets, en 2018, c’est encore un combat.

La disparition des contrats aidés, qui constituaient souvent le statut des assistants à la vie scolaire (AVS) fait qu’en début d’année, de nombreux enfants scolarisés, voient leur scolarité cesser du jour au lendemain.

Autre dossier important pour votre association, la question du logement des handicapés...

Sur le logement, la loi ELAN (article 18) présente un net retour en arrière en termes de logements accessibles aux handicapés. Cette politique contredit la priorité donnée au maintien à domicile et à l’habitat inclusif dans une société de plus en plus vieillissante.

La loi ELAN réduit à 10 % le nombre de logements neufs accessibles, au lieu de 100 % aujourd’hui, ce qui constitue une grave régression sociale. Elle condamne les handicapés et les personnes âgées à ne plus pouvoir accéder qu’à un peu plus de 2 000 logements neufs chaque année. L’introduction de ce quota de logements est en outre discriminatoire et contredit le droit des gens à choisir librement leur lieu de vie (article 19 de la convention de l’ONU, relative au droit des handicapés, pourtant ratifiée par la France en 2010).

Les villes de Paris, Nantes et Le Mans appliquent toujours le 100 % des logements pour handicapés. Le texte définitif de la loi rabaisse l’obligation de 100 à 20 %.

De même, les travaux de transposition de la directive européenne sur l’accessibilité augmentent un creusement de la fracture numérique, dont la réduction est pourtant censée être au cœur des priorités.

Un sondage Harris Interactive a été commandé par l’APAJH, s’adressant à un panel représentatif de la société française de parents d’enfants de 3 à 15 ans, sur leur perception de l’inclusion scolaire. Quels sont les enseignements tirés de ce sondage ?

77 % des parents français estiment que les élèves sont aujourd’hui mieux accueillis dans les classes qu’il y a dix ans, pourtant ils les considèrent mal intégrés, à 50 % en maternelle et à plus de 70 % au collège.

Nous constatons une sensibilisation forte de cette inclusion à l’école. Cependant, 1 400 élèves handicapés sont privés de rentrée. Il est temps de passer de la parole aux actes.

88 % se montrent favorables à la scolarisation de davantage d’écoliers handicapés dans la classe de leur enfant, même si certaines craintes persistent. 30 % craignent que la présence de ces enfants ne ralentisse le rythme de la classe alors que la différence enrichit le groupe que constitue la classe.

Vous avez voté le projet associatif 2018-2023 à l'unanimité, lors du 42e congrès de l'APAJH à Narbonne, en juin dernier. Quelles sont vos priorités ?

L’APAJH gère 700 établissements et services pour 32 000 personnes accompagnées. Mouvement citoyen depuis sa création, l’APAJH milite pour la citoyenneté pleine et entière des handicapés pour une société où l’ensemble des dispositifs est accessible à tous, dans le respect des souhaits et attentes de chacun.

Nous devons insister sur les évolutions législatives à construire, rassembler les énergies associatives, assurer des accompagnements de qualité et promouvoir l’innovation. En somme, inventer de nouvelles solutions. Mais, en octobre 2018, c'est encore un combat !

Quelques chiffres pour situer  l’APAJH :

  • 91 associations départementales en France métropolitaine et outre-mer ;
  • plus de 30 000 personnes accompagnées ;
  • Près de 700 établissements et services ;
  • Près de 14 000 collaborateurs.
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