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20 / 03 / 2018 | 10 vues
Denis Garnier / Membre
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Mayotte, un exercice de dialogue social pour méditation politique

Mayotte insurgée mais comment s'en étonner ? Les élus, les associations et les syndicats ne sont plus écoutés. Alors, aujourd'hui, le pouvoir doit négocier avec la foule qui hurle son désarroi. On ne peut pas étouffer la colère de même que l'on ne peut boucher un volcan en éruption. Mayotte est la partie apparente de cet iceberg du déficit démocratique que connaît notre pays depuis des décennies.

Mission naturellement ratée

Mamoudzou a vécu des scènes de guérilla urbaine. Jeunes émeutiers, policiers et gendarmes se sont affrontés à coups de pierres, de cocktails Molotov et de gaz lacrymogène. Près d'une vingtaine de supermarchés a été pillée ou saccagée etc.

La ministre en personne est venue à la rencontre des Mahorais pour calmer l’incendie et proposer des réponses aux autorités locales et aux représentants de l’intersyndicale. Ces derniers les ont acceptées et ont appelé à la levée des barrages et à l’arrêt du mouvement pour prolonger les discussions avec trois représentants mandatés par la ministre. Le soir, tout le monde s’est félicité du résultat mais le peuple insurgé rejetait cet accord dès le lendemain. Comment s’en étonner ?

En 2017, il n’y avait eu que 20 jours sans conflit à Mayotte.

En avril 2016, on pouvait lire ceci dans un article de Libération au titre évocateur « Mayotte, une ile au bord de l’insurrection » : « Accompagnés de chiens, armés de tronçonneuses, de barres de fer, de planches cloutées, de machettes et autres armes de fortunes, ces adolescents aux visages masqués détruisent tout sur leur passage. Plusieurs personnes ont été poignardées ».
Aucune réponse concrète n’a été apportée à tous ces conflits. Pourtant, les organisations syndicales, les associations et les élus n’ont eu de cesse d’alerter et de demander la mise en œuvre de véritables réponses à leurs revendications.

Même scénario, même réponse, même oubli de l’État. Deux ans plus tard, rien n’est réglé et ce n’est pas de la responsabilité de la ministre actuelle mais du non-respect de la parole de l’État envers ses territoires d’Outre-mer.

Respectez nos représentants et nous vous respecterons !

Aujourd’hui, il faut discuter avec la foule car les représentants ont été disqualifiés par le pouvoir.

Mais ce conflit révèle maintenant un autre aspect. Le pouvoir en place, quel qu’il soit depuis la domination de l'économie sur le social (1974), n’écoute pas les alertes et les revendications des représentants de ceux qui travaillent. Par exemple, tout le monde constate en métropole aujourd’hui que l’hôpital public, les urgences et les EHPAD ne peuvent plus répondre à leurs obligations et missions et que cela se traduit directement par des morts en série, tant du côté des patients que de celui du personnel. Cela fait plus de deux décennies qu'associations et syndicats alertent en vain.

Le pouvoir n’écoute plus les porte-paroles du peuple et développent d'insultantes inégalités entre les plus riches et les plus pauvres, en demandant à ceux du milieu de payer toutes les additions. Ce système va exploser.

Mais pour le réguler et pour négocier des solutions, il faudra bien qu’il existe des représentants de ces victimes, des porte-paroles. Or, en supprimant les subventions aux associations, en réduisant le champ d’action des syndicats, en rejetant globalement toutes les propositions qu’ils peuvent formuler au nom de leurs mandants et en marginalisant toutes les oppositions parlementaires, le pouvoir écrase la parole et méprise le peuple. Il ne règle aucun problème soulevé par ces divers lanceurs d’alertes, qu’ils soient élus du peuple, syndiqués ou associés. Le pouvoir en place va jusqu’à museler les siens et en les convoquant en « séminaires » pour leur imposer la façon de voter contre toutes les propositions « extérieures ».

Aujourd’hui il faut discuter avec la foule car les représentants ont été disqualifiés par le pouvoir. Demain, ce sera la même chose en France métropolitaine et dans tous les pays ou les inégalités seront insupportables pour le plus grand nombre.

Écouter la colère ou l’étouffer est un choix politique, les conséquences aussi...

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