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21 / 02 / 2018 | 32 vues
Adelphe De Taxis Du Poet / Membre
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Groupe coopératif Demain et Clus’ter Jura : écosystème ? Vous avez dit écosystème ?

L’économie sociale et solidaire s’inscrit dans un jeu de tensions contradictoires entre de puissantes logiques de banalisation d’une part, largement liées à la financiarisation et dérégulation de l’économie et logiques d’innovation, d’autre part, répondant à des enjeux auxquels seules des politiques d’alliance peuvent répondre.

Dans ce cadre, elle fait face à deux défis majeurs : d’une part, son changement d’échelle qui constitue son nouveau mantra et d’autre part, la constitution d’écosystèmes au service de l’innovation sociale et territoriale, vecteur de ce changement d’échelle.

Ces deux mouvements, changement d’échelle et construction d’écosystèmes, sont en marche, eux aussi.

Juratri : un groupe coopératif

Le « groupe coopératif Demain », né à Lons le Saunier et fort d’une histoire de plus de vingt-cinq ans, en offre une bonne illustration. Sa longue histoire commence en 1978, au tout début de l’insertion par l’activité économique. L’association de lutte contre le gaspillage (ALCG) avait été créée, voulant faire de la valorisation des déchets (déchets ménagers, papier, carton et verre des professionnels) une occasion d’emploi de public en insertion. Elle s'est poursuivie en 1993 avec la création de la SARL Juratri, grâce à l’association de partenaires industriels régionaux (devenus par rachats successifs Veolia, Sita et Derichebourg).

Transformée en SCOP en 2006 par quinze salariés, après le départ de l’actionnaire majoritaire, l’entreprise a alors encore renforcé sa vocation d’insertion tout en cherchant à réduire l’effet environnemental des déchets et en maximisant l’effet social.

Ainsi, sur les 160 salariés que compte aujourd’hui l'entreprise, 70 sont en parcours d’insertion et 34 autres sont sociétaires.


La montée en puissance des impératifs écologiques et de récupération des déchets a mené Juratri à progressivement élargir son offre de tri. Elle s’est ainsi ouverte au démantèlement et au concassage des déchets électriques et électroniques (DEEE), avec plus de 10 000 tonnes de matériels désormais traités et un taux de réemploi de 94 % (contre une moyenne de 76 % pour les autres opérateurs), ce qui en fait la première source d’alimentation de son chiffre d’affaires qui est de l’ordre de 7,6 millions d'euros (hors filiales).

Au total, Juratri trie et recycle près de 40 000 tonnes de déchets par an. Par ailleurs, fidèle à sa vocation d’insertion et d'acteur de l’environnement, Juratri a décidé d’étendre ses compétences en matière d’insertion à d’autres secteurs d’activité, à travers l’agence d’insertion « Altéra Intérim », créée en juin 2016. Puis en 2017, en créant « Demain Habitat ». « Le marché de la transition énergétique est un enjeu de territoire », explique Mathieu Grosset, directeur général du groupe Demain. « Demain Habitat » travaille en partenariat avec des entreprises d’écoconstruction et du territoire, tout en formant des gens en insertion aux nouvelles techniques du bâtiment et à l’utilisation de matériaux locaux. Ce sont des métiers porteurs ».

Car, pour mener ses missions à bien, Juratri s’est engagé dans deux démarches complémentaires, fondées sur l’importance de la coopération, comme moteur de la création d’activité, d’innovations et d’une gouvernance partagée.

C’est d’abord la structuration de son offre « interne » autour de l’entreprise initiale et de ses deux nouvelles entreprises, « Altéra interim » et « Demain habitat » dans le « groupe coopératif Demain », soulignant ainsi l’importance accordée à la gouvernance et à la mobilisation de ses salariés pour la prise de décisions stratégiques, l’élection des dirigeants et la répartition des excédents.

Clus’ter Jura : pôle territorial de coopération économique

Mais c’est aussi la création d’un pôle territorial de coopération économique (PTCE) sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui se veut « un cluster territorial », trans-sectoriel, réunissant acteurs économiques (lucratifs et de l’ESS), experts du développement local, réseaux de partenaires et collectivités locales, pour faire émerger de nouvelles filières économiques, si possible dans l’industrie circulaire et permettant de répondre aux besoins sociaux du territoire ».

Lancé en 2014 par Juratri, ce cluster rassemble aujourd’hui 54 sociétaies et s’est fixé pour axe stratégique la réponse aux « besoins sociaux du territoire » dans les domaines du vieillissement, de la mobilité, de l’habitat et de l'alimentation avec l’ambition de création de nouvelles entreprises ou diversification d'activités existantes.

Cet axe stratégique est en cohérence avec les activités des entreprises associées, toutes implantées dans le bassin de Lons-le-Saunier : entreprises économiques classiques (groupe alimentaire Bel, fabricant de verres ophtalmiques VisiOptimum, Transarc, La poste, Smoby…), des acteurs de l’ESS (coopératives laitières, ADMR, Apei, Abricop, constructeur bois…) mais également des collectivités locales et des milieux universitaires (Université de Bourgogne Franche-Comté, EM Lyon…).

Quelles conclusions en tirer ?

Elles n’ont rien d’original : la nécessaire prise en compte du temps long et le rôle structurant, start-up de territoire, que peut jouer une entreprise, notamment de l’ESS, pour la structuration et le développement économique de son territoire, l’importance de la construction d’alliances avec le secteur industriel, d’une part, et avec les collectivités locales, les milieux scientifiques et universitaires, l’agilité pour anticiper les besoins du territoire et diversifier l’activité, le soin à apporter à la gouvernance territoriale.

Depuis, non seulement de nombreuses activités et des emplois nouveaux ont été créés mais le territoire est labellisé « territoire 0 déchet », l’inscrivant dans une économie circulaire qui donne à l’ESS une place renouvelée où la coopération entre acteurs publics, privés, de l’ESS prend toute sa place au service d’un développement plus maîtrisé et respectueux de l’homme et de son environnement.

C’est sûrement une « ESS sans rivage » mais c’est avant tout une ESS ancrée dans son territoire, ouverte et capable de co-construire des alliances avec l’ensemble des acteurs dans une logique de valorisation des ressources locales et du partage de la valeur.

Car l’ESS n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle sort de ses murs.
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